Arabes du Christ


" الهجرة المسيحية تحمل رسالة غير مباشرة للعالم بأن الإسلام لا يتقبل الآخر ولا يتعايش مع الآخر...مما ينعكس سلباً على الوجود الإسلامي في العالم، ولذلك فإن من مصلحة المسلمين، من أجل صورة الإسلام في العالم ان .... يحافظوا على الوجود المسيحي في العالم العربي وأن يحموه بجفون عيونهم، ...لأن ذلك هو حق من حقوقهم كمواطنين وكسابقين للمسلمين في هذه المنطقة." د. محمد السماك
L'emigration chretienne porte au monde un message indirecte :l'Islam ne tolere pas autrui et ne coexiste pas avec lui...ce qui se reflete negativement sur l'existence islamique dans le monde.Pour l'interet et l'image de l'Islam dans le monde, les musulmans doivent soigneusement proteger l'existence des chretiens dans le monde musulman.C'est leur droit ..(Dr.Md. Sammak)
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mercredi 28 février 2018

Réouverture du Saint Sépulcre et future examen des controverses relatives aux propriétés ecclésiastiques de la part d’une commission gouvernementale






بيان رؤساء الكنائس  في مدينة القدس :

إننا رؤساء الكنائس المسؤولة عن القبر المقدس (كنيسة القيامة) والوضع الراهن Status Quo الذي يحكم مختلف المواقع المقدسة المسيحية في القدس: البطريركية الرومية الأرثوذكسية، وحراسة الأراضي المقدسة والبطريركية الأرمنية؛ نتابع بقلق بالغ الحملة الممنهجة ضد الكنائس والجماعة المسيحية في الأرض المقدسة، في انتهاك صارخ للوضع القائم.

لقد وصلت هذه الحملة الممنهجة والعدوانية في الآونة الأخيرة إلى مستوى لم يسبق له مثيل، حيث أصدرت بلدية القدس إشعارات فاضحة وأوامر بالاستيلاء على أصول الكنيسة وممتلكاتها وحساباتها المصرفية للديون المزعومة من الضرائب البلدية العقابية. وهذه خطوة تتعارض مع الوضع التاريخي للكنائس داخل مدينة القدس المقدسة وعلاقتها بالسلطات المدنية. إن هذه الإجراءات تخرق الاتفاقات القائمة والالتزامات الدولية التي تضمن حقوق الكنائس وامتيازاتها، وكمحاولة لإضعاف الوجود المسيحي في القدس. إن أكبر ضحايا هذه الإجراءات هم الأسر الفقيرة التي ستذهب دون طعام وسكن، فضلا عن الأطفال الذين لن يتمكنوا من الالتحاق بالمدارس.

تصل اليوم هذه الحملة الممنهجة المسيئة للكنائس والمسيحيين إلى ذروتها، من خلال الترويج لقانون يتميز بالعنصرية يستهدف مميزات الجماعة المسيحية في الأرض المقدسة. ومن المقرر أن يتقدم بهذا المشروع البغيض اليوم في اجتماع اللجنة الوزارية، وإذا ما تمت الموافقة عليه، فسيجعل مصادرة ممتلكات الكنائس ممكنة. إن هذا يذكرنا جميعًا بقوانين مماثلة تم اتخاذها ضد اليهود خلال فترة مظلمة في أوروبا.

ينتهك هذا الهجوم المنهجي وغير المسبوق ضد المسيحيين في الأرض المقدسة، وبشدة، الحقوق الأساسية والحقوق السيادية، ضاربًا نسيج العلاقات الحساس بين الجماعة المسيحية والسلطات لعقود خلت. وبناءً على ذلك، وبالإشارة إلى بيان البطاركة ورؤساء الكنائس المحلية في القدس، بتاريخ 14 شباط 2018، وإلى البيان الصادر في أيلول 2017، وكإجراء احتجاجي، فقد قررنا اتخاذ هذه الخطوة غير المسبوقة بإغلاق كنيسة القبر المقدس (القيامة).

إننا نقف جنبًا إلى جنب مع جميع رؤساء الكنائس في الأرض المقدسة، متحدين وحازمين في حماية حقوقنا وممتلكاتنا، طالبين أن يستجيب الروح القدس إلى صلواتنا، وأن يجلب لنا الحل لهذه الأزمة التاريخية في مدينتنا المقدسة.

البطريرك ثيوفيلوس الثالث، بطريرك القدس للروم الأرثوذكس

الأب فرانشيسكو باتون، حارس الأراضي المقدسة

البطريرك نورهان مانوغيان، بطريرك القدس للأرمن الأرثوذكس

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=2099824333362854&id=1884914284853861




Réouverture du Saint Sépulcre et future examen des controverses relatives aux propriétés ecclésiastiques de la part d’une commission gouvernementale
Jérusalem (Agence Fides) – A partir de 04.00 locales de ce jour, 28 février, le portail de la Basilique du Saint Sépulcre a été rouvert. La fermeture a donc duré trois jours, de Dimanche dernier à hier, sur la base d’une décision des trois réalités ecclésiales – Custodie franciscaine de Terre Sainte, Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem et Patriarcat arménien apostolique de Jérusalem – qui partagent la gestion de la Basilique, présentée par ces derniers comme un geste de protestation publique mis en œuvre pour dénoncer la « campagne systématique contre les Eglises et la communauté chrétienne en Terre Sainte, en violation flagrante du statu quo », violation attribuée aux autorités israéliennes.

La fin de la fermeture singulière a été provoquée par l’annonce – diffusée dans l’après-midi d’hier par le Bureau du Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu – du fait que le gouvernement de l’Etat d’Israël aurait cherché avec les Eglises chrétiennes présentes en Terre Sainte des solutions partagées pour surmonter les points de contraste. Les négociations seront confiées à une Commission présidée par Tzachi Hanegbi, Ministre de la coopération régionale. Entre temps – a averti la note du Bureau du Premier Ministre – la municipalité de Jérusalem a suspendu les processus de recouvrement des taxes mis en œuvre à l’encontre de biens immobiliers ecclésiastiques sis dans la Villes Sainte. La Commission – indique la note du Bureau du Premier Ministre – s’occupera également de l’épineuse question des propriétés immobilières ecclésiastiques qui par le passé avaient été cédées dans le cadre de baux de longue durée – pouvant aller jusqu’à 99 ans – au fond national juif et que récemment ces mêmes sujets ecclésiastiques, pour faire face à leurs dettes, auraient vendu à de grands groupes immobiliers privés. Le Parlement israélien travaillait depuis longtemps à une proposition de loi visant à garantir à l’Etat d’Israël la possibilité de confisquer de tels terrains et biens immobiliers, les soustrayant à de possibles controverses foncières, en particulier pour protéger les intérêts des locataires actuels. En vue de futures négociations entre le gouvernement israélien et les sujets ecclésiaux, est suspendue toute initiative législative concernant cette question controversée. Le communiqué du Bureau du Premier Ministre a également réaffirmé que « Israël est fier d’être le seul pays du Proche Orient où les chrétiens et les disciples de toutes les religions disposent d’une pleine liberté pour exprimer leur foi ».
Dans l’après-midi d’hier, les Chefs des Eglises gérant conjointement le Saint Sépulcre ont diffusé un communiqué pour « rendre grâce à Dieu » pour les décisions communiquées par le gouvernement de l’Etat d’Israël, exprimant leur gratitude « pour tous ceux qui ont œuvré sans relâche pour conserver la présence chrétienne à Jérusalem et défendre le status quo – ensemble de règles et d’usages sur lequel se fonde, depuis l’Empire ottoman, la cœxistence entre les différentes communautés religieuses dans la Ville Sainte. (GV) (Agence Fides 28/02/2018)


Troisième jour de fermeture du Saint Sépulcre et prise de position de la Ligue arabe contre les taxes sur les biens ecclésiastiques
Jérusalem (Agence Fides) – Aujourd’hui encore, 27 février, le portail de la Basilique du Saint Sépulcre, à Jérusalem, est demeuré fermé aux visites des pèlerins et des touristes qui visitent la Ville Sainte. De nombreux groups de fidèles – indiquent des sources locales consultées par l’Agence Fides – font halte sur le parvis de la Basilique et récitent des prières en s’appuyant notamment aux murs externes et au portail de la Basilique.

La fermeture du Saint Sépulcre a été décidée par les responsables des trois réalités ecclésiales - Custodie franciscaine de Terre Sainte, Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem et Patriarcat arménien apostolique de Jérusalem – qui partagent la gestion de la Basilique, présentée par ces derniers comme un geste de protestation publique mis en œuvre pour dénoncer la « campagne systématique contre les Eglises et la communauté chrétienne en Terre Sainte, en violation flagrante du statu quo », violation attribuée aux autorités israéliennes. Une campagne qui, selon les Chefs des Eglises de Jérusalem, a atteint « des niveaux sans précédent » au travers de la demande de la municipalité de Jérusalem de percevoir des taxes locales sur les biens ecclésiastiques, disposant également le gel des comptes bancaires de différentes réalités ecclésiales pour les pousser à verser les arriérés.
Au cours de la journée du 26 février, le Vice secrétaire général de la Ligue arabe pour la Palestine et les territoires arabes occupés, Saeed Abu Ali, a condamné l’imposition de taxes sur des biens ecclésiastiques disposée par les autorités israéliennes, qualifiant cette dernière de « énième agression contre le peuple palestinien » mise en œuvre pour consolider « l’occupation de la Villes Sainte » et qui a également pour effet de vider de leur sens les accords déjà signés et les négociations encore en cours entre Israël et le Saint-Siège. (GV) (Agence Fides 27/02/2018)



jeudi 15 février 2018

Réaction négative des chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem face au projet de taxe sur les propriétés ecclésiastiques

 Réaction négative des chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem face au projet de taxe sur les propriétés ecclésiastiques
 
Jérusalem (Agence Fides) – L’intention déclarée de la municipalité de Jérusalem d’imposer des taxes communales sur les propriétés des Eglises « contredit la position historique [existant] entre les Eglises et les autorités civiles au cours des siècles ». C’est ce qu’écrivent les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem dans un communiqué diffusé hier, 14 février, dans lequel ils exposent les motifs de leur contrariété nette et partagée aux nouvelles mesures fiscales mises en chantier par les hommes politiques et les administrateurs israéliens de la Ville Sainte. Les autorités civiles – peut-on lire dans le texte – ont toujours reconnu et respecté l’importante contribution que les églises chrétiennes ont apporté à la collectivité au travers de leurs œuvres – hôpitaux, écoles et maisons – financées surtout en faveur des personnes défavorisées et âgées. Le projet de taxation des propriétés ecclésiastiques – écrivent les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem – « mine le caractère sacré de Jérusalem et met en danger la capacité des églises d’exercer leur ministère propre en cette terre » au profit de leurs propres communautés et des communautés chrétiennes du monde entier.
Les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem invitent la municipalité à retourner sur ses pas, à revoir ses décisions en matière fiscale afin de sauvegarder le Statu Quo – ensemble de règles et coutumes sur laquelle se fonde la coexistence entre les différentes communautés religieuses à Jérusalem – et à ne pas porter préjudice au profil et à la nature propre de la Ville Sainte.
Le communiqué, diffusé hier par les canaux officiels des églises, porte la signature de treize chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem. La liste des signataires débute par celle de Théophile III, Patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, et comprend également celles de S.Exc. Mgr Pierbattista Pizzaballa, Administrateur apostolique du Patriarcat de Jérusalem des Latins, du Père Francis Patton OFM, Custode de Terre Sainte, et de Mgr Georges Dankaye, Vicaire patriarcal du Patriarcat catholique arménien. (GV) (Agence Fides 15/02/2018)

La conquête de Jérusalem et les illusions perdues des catholiques français


La conquête de Jérusalem et les illusions perdues des catholiques français

L’IMPOSSIBLE RÉTABLISSEMENT DU ROYAUME LATIN

À la tête du Comité catholique de propagande française à l’étranger, le recteur de l’Institut catholique de Paris Alfred Baudrillart a été un héraut de la vision orientaliste de la France durant la première guerre mondiale. Mais après la prise de Jérusalem en décembre 1917, son rêve d’un Orient catholique et français a pris fin.

L’ORIENT IMAGINAIRE

L’Orient des écrits de Baudrillart s’insère pour ainsi dire dans son patrimoine génétique, héritage de son arrière-grand-père Sylvestre de Sacy. Pour ce dernier, l’Orient est le creuset des civilisations, le lieu des origines. Par là, ce qui s’y déroule occupe une place centrale. Outre le recours à l’imaginaire des Mille et une nuits, l’Orient — en particulier la Palestine — s’accompagne naturellement de l’évocation de l’imaginaire évangélique. Sa représentation d’un ancien Orient chrétien lui rappelle l’image idéale d’un Orient intouché, mis à mal par la modernité. Il regrette la disparition de la civilisation orientale brillante qu’il connaît par les livres et qui lui paraît merveilleuse. Cet Orient rêvé est aussi présent dans son esprit et dans ses écrits, exprimant alors une foi en un Orient chrétien encore vif.
Baudrillart est catholique et Français. À ce titre, sa vision de l’Orient révèle une approche très limitative : il est sans conteste sous l’influence de ses fréquentations de chrétiens orientaux, représentants des Églises unies, pour lesquels la France doit avoir une présence forte et constante au Levant. Baudrillart s’inscrit en plein dans une tradition décomplexée, favorisant ce qui peut renforcer la place du catholicisme et de la France dans cette région, et a contrario rejetant ce qui la met à mal. Il est impliqué dans la communautarisation de l’Orient, initiée par les Ottomans et renforcée par les Occidentaux dans le cadre de leurs politiques clientélistes respectives.
Le destin français de l’Orient suscite de sa part le recours régulier à l’imaginaire des croisades. Il s’exprime en ce sens devant un parterre qui partage pleinement ses vues, celui de l’Œuvre des écoles d’Orient, association d’aide aux chrétiens d’Orient dont la devise est « Dieu le veut ! »1. L’association avec l’esprit des croisades est encore plus évidente au moment de la première guerre mondiale, avec inscription dans une certaine norme affectant le discours politico-religieux du temps.
Ces affirmations s’accompagnent du rejet de ce qui est opposé à sa vision de l’Orient. Il honnit le protestantisme, synonyme de concurrence britannique, qu’il perçoit comme allié au judaïsme/sionisme, ou à l’orthodoxie. Il rejette également l’orthodoxie, et la Russie derrière elle. Catholique de son temps, il méprise le judaïsme (et déteste les juifs), et le sionisme, instrument de pénétration allemande, puis britannique. Dans la même logique, Baudrillart se méfie de l’islam, puis du nationalisme arabe, même si celui-ci peut recevoir les faveurs des autorités françaises au nom de la lutte anti-ottomane.
Au cours de la première guerre mondiale, l’Orient est le théâtre d’une véritable lutte de civilisations, orientale et occidentale, chrétienne et musulmane, observée par notre homme. Il écrit le 12 mars 1917 dans ses Carnets2 : « La journée s’ouvre par la nouvelle de la prise de Bagdad, nom féérique qui résonne à travers l’histoire et ajoute à l’étrange grandeur de cette guerre mondiale. » Le 31 mars 1917, au moment de la percée britannique sur le front de Gaza, il note que « toutes les grandes cités du monde ancien et moderne sont en jeu dans cette guerre. » Après une année 1917 difficile sur les théâtres d’opérations du front occidental, la prise de Jérusalem, au début décembre, lui apparaît comme un véritable « rayon de soleil »3.
Ce « choc de civilisations » est aussi l’occasion de conforter Baudrillart dans ses convictions. Le catholicisme, et la France avec lui (ou plutôt : la France, donc le catholicisme) doivent occuper au Proche-Orient la place prépondérante, au nom de la « civilisation ». Baudrillart pense un Orient simple, devant revenir à la France.

PLUS DE SEPT SIÈCLES DE DOMINATION MUSULMANE

S’engageant en faveur de la réalisation des souhaits français en Orient, il s’illustre de plusieurs manières. C’est d’abord son discours de la fin décembre 1917, donné en l’église parisienne de Saint-Julien-le-Pauvre, à la demande du ministère des affaires étrangères. Célébrant la toute récente prise de la Ville sainte, Baudrillart intitule son discours Jérusalem délivrée4.
Ce discours très attendu se veut l’incarnation de la rencontre entre l’Orient rêvé et la réalité géopolitique désirée, au moment où celle-ci doit pouvoir se réaliser, puisque Jérusalem est à nouveau aux mains de chrétiens, pour la première fois depuis 1187. Le lieu choisi pour cette cérémonie religieuse — mais aussi, et combien plus, politique — est éloquent : c’est la paroisse melkite de Paris, consécration du lien entre la France et l’Orient chrétien, lien séculaire qu’il convient alors de raviver.
Le discours est éloquent par la synthèse qu’il effectue de l’imaginaire politico-religieux français relatif au Proche-Orient de cette époque5« Jérusalem est chère au patriotisme français, parce que, depuis plus de mille ans, la France a couvert les Lieux saints de son amour et de sa protection. » De fait, cette cérémonie catholique et patriotique réconcilie deux France qui se sont violemment opposées quinze ans plus tôt, au plus fort de la crise anticléricale. Cette alliance plonge ses racines dans les plus anciens temps, et Baudrillart évoque les Francs, « nos ancêtres », avec une filiation : « dans le culte que nous portons aux Lieux saints, au sentiment religieux commence à se mêler un sentiment national. » Dans la lignée de Charlemagne, les croisés se mettent en branle pour sauver l’Europe :La croisade ! Idée française [..] comprise et exécutée surtout par des Français. [...] Si je cherche qui incarna l’idée et qui la réalisa le mieux, quatre noms m’apparaissent au-dessus de tous les autres : Urbain II, pape français, Godefroy de Bouillon, belge et lorrain, c’est-à-dire bien près d’être français, saint Bernard et saint Louis, tous deux français et quels Français !
Un âge d’or qui ne dure pas, et « Jérusalem était pour sept cent trente ans entre les mains des Infidèles. »
Dans cette période est développée l’idée de la protection des Lieux saints, avec un protectorat exercé par la France et renforcé par chaque capitulation, avec contribution de tous les régimes français. Ce qui pousse Baudrillart à un appel au retour de la France à la chrétienté :Envoyons d’ici l’hommage de notre gratitude au pape qui, malgré les fautes de la France, a toujours voulu voir en elle la nation apostolique. Sachons reconnaître une aussi constante fidélité par le retour de la nôtre ! Mettons fin à une situation déplorable qui nous isole dans le monde chrétien ! Que ceux qui, en prenant les rênes du pouvoir, ont affirmé la noble prétention d’unir tous les Français et de concentrer toutes les forces de notre pays, appliquent à cette idée leurs réflexions et leur patriotisme !

LA « MISSION CIVILISATRICE » DE LA FRANCE

Et de fait, la France dispose d’atouts sur place, cumulant l’exercice de la charité réelle et l’expansion de la civilisation française : « Ah ! qui dira ce que, par leurs œuvres de toutes sortes, par leurs écoles de tous degrés, ont fait là-bas nos religieux et nos religieuses (…) ? » Autant d’éléments à disposition pour faciliter une prise en main française :
Grâce à eux, les indigènes ont aimé la France et parlé sa langue ; ils ont souffert de nos malheurs et se sont réjouis de nos succès. Sainte armée de la France catholique qui parfois a suppléé aux défaillances momentanées de la France officielle !Cette situation fonde l’espoir de Baudrillart au moment de la conquête de Jérusalem, qui ferme une parenthèse et préfigure une ère nouvelle :Un général anglais, visiblement pénétré du souvenir de Godefroy de Bouillon, a fait son entrée à pied, sans apparat, modestement, chrétiennement, et a reçu la soumission de la grande ville. Auprès de lui se tenaient un général français et un italien.Avec eux et avec nous, Rome, la Jérusalem nouvelle, a manifesté sa joie et célébré la victoire de la Croix.Mais Baudrillart doit tempérer son enthousiasme : on ne peut savoir ce qu’il adviendra de la Palestine, ce pourquoi il se fait fort de terminer son propos en indiquant des conditions à respecter, qui vont dans le sens de sa vision catholique et française des choses. Si la première reprend en quelque sorte la deuxième partie de la très récente déclaration Balfour(respecter les populations locales), les trois suivantes vont plus loin dans l’affirmation de son point de vue, et semblent devancer ce qui doit se dérouler concrètement. La puissance qui vient de l’emporter doit en effet respecter la victoire chrétienne (« La Croix rétablie doit désormais régner sur Jérusalem. Malheur au peuple, quel qu’il soit, qui trahirait la chrétienté ! »). Elle se doit également de respecter la place traditionnelle de la France, qui vient d’être rappelée lors de la récente entrée au Saint-Sépulcre du représentant de la France, avec les honneurs liturgiques. Enfin, le Royaume-Uni doit respecter les amis de la France sur place.
Quelques jours plus tard, Baudrillart enfonce le clou dans un entretien au Petit journal, donné en accord avec le Quai d’Orsay6. Toutefois, s’il reprend les termes de son intervention à Saint-Julien-le-Pauvre, Baudrillart est obligé d’adapter ses vues, sinon ses revendications, à un contexte résolument mouvant, avec la nécessité de prendre en compte la réalité locale et internationale.Nous, catholiques français, dominés par le point de vue religieux et par le point de vue patriotique, nous ne nous dissimulons pas que la question de la Palestine et des Lieux saints n’est qu’une partie d’un problème extrêmement complexe. Ignorant les termes dans lesquels ce problème se pose actuellement, ignorant comment il se posera à la fin de la guerre, il nous est impossible d’avoir des opinions très catégoriques, ou plutôt, si nous avons ces opinions, nous n’avons pas les moyens pratiques de les faire triompher (…). D’une façon générale, je crois que tous les catholiques ont une même pensée et un même désir : au point de vue religieux, ils ne demandent nullement l’écrasement de ceux qui ne partagent pas leur foi.
Ceci s’applique par exemple aux juifs : « En ce qui concerne les juifs, nous sommes les premiers à reconnaître qu’ils ont droit au respect le plus absolu de leur conscience. » Dans le même temps, savoirsi le fait qu’ils ont été pendant des siècles les maîtres du pays leur donne un droit particulier sur cette terre, c’est une autre question. […] On ne saurait oublier non plus que depuis le temps de la captivité, c’est-à-dire depuis le commencement du VIe siècle av. J.-C., la Palestine a toujours été soumise à des dominations étrangères, sauf le temps très court où elle fut gouvernée par les Macchabées : la domination politique des juifs en Palestine ne reposerait donc que sur des droits bien hypothétiques. Que les juifs viennent en aussi grand nombre qu’ils le voudront pour y jouir des droits de tous, rien de mieux…
Cette tolérance affichée, qui ressemble fortement à de la résignation, s’applique aux Arabes musulmans :Quant aux populations arabes musulmanes, nous avons aussi le devoir de respecter leurs croyances ; malgré des périodes d’intolérance et de fanatisme, les musulmans ont, somme toute, pendant des siècles, respecté les croyances chrétiennes à Jérusalem.
En l’occurrence, ce respect est surtout dû au fait que les Arabes ont donné beaucoup de leur sang à la France au cours de cette guerre.Quant aux chrétiens qui ont eu tant de fois à souffrir au cours des siècles, il est bien évident que nous leur devons le respect et la protection de leur foi et de leur culte, et, s’il est permis de le dire en passant, les catholiques l’assureraient d’une façon plus complète que ne l’eût fait l’orthodoxie russe, si jalouse de dominer en Orient.
De ces considérations découlent des réflexions quant à l’avenir de la Palestine, et donc la question de son gouvernement. Conquise par des chrétiens, Jérusalem et sa région doivent désormais être gérées par des chrétiens, mettant ainsi fin à près d’un millénaire de domination musulmane sur les Lieux saints :Évidemment, nous eussions désiré un régime qui eût été la consécration de notre protectorat et qui eût donné à la France une situation vraiment unique, mais puisque c’est Richard-Cœur-de-Lion et non pas Saint-Louis qui a présidé à la rentrée des troupes chrétiennes à Jérusalem, nous sommes bien obligés d’en tenir compte. En tout cas, il y a une chose certaine, c’est qu’anglaises, françaises ou italiennes, ce sont des armées chrétiennes qui ont repris et occupé Jérusalem : à nos yeux les chrétiens doivent y rester maîtres. Même pour ceux qui ne partagent pas notre foi, c’est le Christ, c’est son souvenir qui est la part principale de la grandeur de Jérusalem et de son caractère sacré : les Lieux saints sont les lieux que le Christ a sanctifiés. Nul ne comprendrait dans la chrétienté -– et le Saint-Siège l’a laissé entendre ces jours-ci -– que, par un artifice quelconque, la Croix fût de nouveau subordonnée au Croissant, et il ne serait pas juste qu’elle tombât sous une domination juive, restaurée on ne sait comment par des puissances chrétiennes qui trahiraient la cause de la chrétienté.

S’ADAPTER AU NOUVEAU MONDE

Réaliste, Baudrillart doit concéder que la France est en situation minoritaire. Si elle ne peut prétendre à la gestion directe des lieux, elle doit pouvoir conserver ses attributs de puissance protectrice (protectorat sur les ordres religieux et privilèges traditionnels pour les représentants de la France), à défaut de poursuivre son traditionnel protectorat sur les chrétiens d’Orient. Mais une échappatoire pourrait lui permettre de conserver une position privilégiée : comme pour le moment l’option d’une internationalisation de Jérusalem et sa région demeure, dans la logique des accords Sykes-Picot, Baudrillart suggère : « Pourquoi le président de ce régime international que nous croyons le plus probable pour Jérusalem et les Lieux saints ne serait-il pas un Français ? » Soucieux du respect de la place et des traditions françaises en Orient, le prélat veut également que les loyautés locales envers la France ne soient pas négligées : « Maronites et Syriens, par exemple, ont toujours les yeux tournés vers nous… »
Le cap est maintenu après la guerre. Les bouleversements dus au conflit, avec la reconfiguration du Proche-Orient, doivent permettre la réalisation de la mission civilisatrice française. Baudrillart inscrit plus que jamais son action dans cette optique, avec option pour une « Grande Syrie », comprenant naturellement la Palestine. Dans la même logique, il poursuit son appui en faveur du maintien du protectorat catholique de la France et des capitulations, comme des honneurs liturgiques. Les choses ne tournant pas à l’avantage de la France, Baudrillart exprime une véritable nostalgie du temps où le représentant français était prépondérant en Orient pour le maintien de l’ordre et la défense des Latins contre toute agression. La restauration d’un royaume franc, sous-tendue par ces efforts, ne pouvant aboutir, Baudrillart prend note et favorise une alternative belge qui permette de déminer le terrain face aux empêchements britanniques et aux revendications de la puissance catholique rivale, l’Italie.
Néanmoins, il semble que le nouveau « grand jeu oriental » qui se met en place après 1917-1918 soit joué d’avance puisque, faisant siens de tenaces préjugés, Baudrillart a une ferme conviction quant à la toute-puissance des juifs. S’il en faut une preuve, celle-ci est rapidement apportée par la consécration de la manipulation de la politique britannique par les juifs, qui n’est qu’une illustration supplémentaire de la collusion entre eux et les protestants : la nomination de Sir Herbert Samuel, un juif, comme haut-commissaire britannique en Palestine.
La vision de l’Orient de Mgr Baudrillart, avec une réalité géopolitique désirée faisant la part entre les éléments qui lui sont favorables et ceux qui la mettent à mal, ne correspond décidément pas à la réalité du début des années 1920. Cette situation découle d’une part du fait que la France ne fait rien pour réaliser les idées du recteur en trahissant son propre rôle, sa destinée, et d’autre part des circonstances réelles du terrain.
C’est là la conséquence des alliances internationales de Paris. Comment la France peut-elle arriver à ses fins alors qu’elle doit d’abord satisfaire les Russes avant et pendant la première guerre mondiale, puis s’arranger avec les Britanniques ? Britanniques ou Italiens ne mettent-ils pas à mal la présence française au nom de leurs propres ambitions sur le même terrain proche-oriental ? Par ailleurs, la France souffre de ses faiblesses intrinsèques. Comme à l’accoutumée, elle a beaucoup d’ambitions, mais peu de moyens pour les réaliser.

LA FIN DU RÊVE D’UN « ORIENT OCCIDENTAL »

Naturellement, Baudrillart ne peut rester de glace devant cette situation. Le prélat ne peut donc qu’entrevoir la fin du rêve entretenu pendant et juste après la guerre, celui d’un Orient « occidental » : pessimiste, il envisage un temps le retrait chrétien de Jérusalem, la fin de la présence française en Orient, voire celle de la civilisation levantine. Dans ces conditions, revenant de manière indirecte à la thématique des croisades qu’il affectionne, il précise qu’un retrait complet ne peut être envisagé : ne pouvant imposer son ordre à tous, la France doit se concentrer sur le Liban pour préserver un réduit chrétien et protéger des coreligionnaires orientaux sinon immanquablement voués au joug musulman.
L’Orient est donc plus compliqué qu’il ne l’entend. Son passage à Jérusalem, à la fin de l’été 1923, est une étape fondamentale dans sa découverte de ce monde. Une fois sur place, Baudrillart fait preuve d’un réel discernement. À cette déception s’ajoute celle suscitée par l’absence d’unité entre chrétiens en général, notamment entre Européens. De fait, il importerait que ceux-ci s’allient pour être plus efficaces contre les menaces extérieures énumérées plus haut : le sionisme, mais surtout le laïcisme turc ou l’islamisme doublé du nationalisme arabe, tandis que sa foi en un Orient chrétien vivace est mise à mal par la réalité des faits. Chez lui se développe alors la conscience de ce que cet Orient chrétien n’est plus grand-chose.
Particulièrement actif dans les affaires orientales entre 1914 et 1918 — dans la lignée d’idées énoncées en partie avant la guerre, dans les années suivant immédiatement la conflagration mondiale et au début des années 1920 — au moment où toutes les espérances sont permises quant à un bouleversement de l’Orient en accord avec les idées catholiques et françaises, Baudrillart s’efface ensuite progressivement. À la différence de ce qu’il veut affirmer en décembre 1917, le monde qui évolue s’impose à lui et à ceux qui pensent comme lui. C’est par exemple ce qu’il note lorsque le 28 janvier 1933 il évoque la mort alors annoncée d’un élément qui lui est cher, l’Œuvre d’Orient ; et en conséquence c’est pour lui la fin d’une certaine idée de l’Orient français.
1Cri de ralliement et de guerre des croisés, « Dieu le veut ! » est jusqu’en 1987 la devise de l’association catholique, qui prend le nom d’ « Œuvre d’Orient » en 1930.
2Les Carnets du cardinal Baudrillart 1914-1918, éditions du Cerf, 1994.
3Ibid. , 15 décembre 1917.
4« La Jérusalem délivrée » est le titre d’un poème épique écrit en 1501 par Torquato Tasso, connu en français sous l’appellation le Tasse. Il retrace dans un récit largement fictionnel la première croisade, au cours de laquelle les chevaliers chrétiens menés par Godefroy de Bouillon combattent les musulmans (Sarrasins) afin de lever le siège de Jérusalem en 1099.
5« Jérusalem délivrée ». Discours prononcé à Saint-Julien-le-Pauvre en l’honneur de la prise de Jérusalem, le 23 décembre 1917, Paris, Beauchesne, 1918.
6L’entretien paraît dans le numéro du 25 décembre 1917 : « L’influence française en Orient — Quel doit être l’avenir de Jérusalem ? L’opinion de MgrBaudrillart », p. 2.
https://orientxxi.info/l-orient-dans-la-guerre-1914-1918/la-conquete-de-jerusalem-et-les-illusions-perdues-des-catholiques-francais,2207

mercredi 14 février 2018

Un livre :Ismaël contre Israël.

Ismaël contre Israël.
Le conflit israélo-arabe depuis ses origines

La diversité et la complexité des situations au Proche-Orient, et tout particulièrement en Israël, ramènent sans cesse à la question de ce conflit qui ne trouve pas d’issue. La « question palestinienne », et plus récemment le conflit israélo-palestinien, pose de façon récurrente la problématique de « la terre » pour ces deux peuples et ces trois religions. La question ne date pas d’hier. Pour comprendre cet « Orient (si) compliqué » ne faudrait-il pas croiser ces niveaux de lectures pour répondre à cette question ?

Esther BENFREDJ s’y attache en présentant un opus solidement documenté. Une para-critique abondante, des cartes, un glossaire qui permettent au lecteur de se situer dans le temps et dans l’espace.

L’auteur qui vit au Canada depuis quelques années s’adresse tout particulièrement aux Québécois souverainistes en regrettant leurs prises de position en faveur des Palestiniens, et en critiquant donc la politique intérieure de l’Etat d’Israël. La comparaison et les proximités qui semblent sous tendre sont sans doute un peu hardies ! Le titre du livre porte en lui-même une question, voire une interrogation fondamentale: dans le conflit israélo-palestinien, est-on devant un affrontement bipolaire entre deux peuples ? Entre deux religions ? Le titre semble conférer ce conflit à la seule réalité religieuse entre musulmans et juifs. Le conflit israélo-palestinien est certes bien ancré dans une dimension binaire inconciliable aujourd’hui... Il existe, faut-il le répéter, un troisième acteur permanent dans le conflit,  qui est à percevoir comme un véritable partenaire: le chrétien. Ce conflit pose de façon récurrente la problématique de l’appartenance à une terre pour deux peuples et pour trois religions ! On ne saurait enfermer ce conflit dans une dualité et la seule référence à deux religions. On ne peut considérer le chrétien dehors du Peuple palestinien, mais on ne peut pas non plus l’inclure comme adhérant à la foi musulmane ! Alors, où est donc sa place ? Cette place si singulière ?

L’ouvrage si argumenté soit-il n’offre pas une lecture neutre des faits mais adopte une position bienveillante à l’égard d’Israël. La préface signée de Shmuel TRIGANO adopte la même pente en enfonçant le clou là où se situe le débat depuis 1948. Nous sommes ici dans la posture. Selon l’universitaire de Nanterre, cet ouvrage « constitue de façon objective la généalogie du conflit au Proche-Orient ». Les termes employés dans les premières phrases de la préface sont forts. Il s’agira, ici, de « redécouvrir (dit-il) cette histoire (qui) malmène dans ses tréfonds les conventions ».

Le livre ne manque pas de pertinence. Il souligne, assurément, des vérités incontournables qu’il est nécessaire de prendre en compte. Néanmoins, on aurait préféré davantage de neutralité ou de distance… pour présenter les faits. Ils sont souvent têtus, et demandent effectivement une bonne part de distanciation. Le dossier est ici, en grande partie, à charge… Esther BENFREDJdénonce la lecture communément admise qu’Israël est un corps « étranger » en terre « arabe ». Cela relèverait, selon elle, du mythe. Comment alors comprendre que ces mythes fondateurs puissent être décisifs dans la recomposition d’un paysage politique ? Comment lire les imaginaires qui sont attachés à cette Terre ? Selon l’auteur, les fondateurs de l’Etat d’Israël ne sont pas venus spolier les propriétaires palestiniens, et encore moins un Etat arabo-palestinien légitimement constitué. Israël serait-il alors ce lieu « donné » par l’Occident à tous ces juifs marqués par la Shoah comme manifestation d’un regret ou de remords pour ne pas avoir parlé, pour ne pas avoir su les protéger et les défendre ? La Création de l’Etat d’Israël, sous couvert de promesses des uns et des autres et de la volonté de mettre en exergue un mythe national juif, est-elle une réponse à Auschwitz ? Cette tragédie instrumentalisée solde-t-elle les comptes du deuxième conflit mondial ? La percée de l’idéologie sioniste fait éclore le nationalisme palestinien et le besoin de relire son Histoire marquée par le drame de la Nakba (1948). Le sionisme de Théodore Herzl infligerait-il à l’Occident l’obligation de se constituer à la fois témoin, protagoniste fautif et coupable de ce qui s’est passé entre les deux grandes guerres mondiales ? Et une fois encore, Shmuel TRIGANO vient marquer de son autorité que « l’Etat d’Israël est aussi « ancien » que les Etats arabes. Il est né de la même tourmente, de la même histoire, aussi légitime et légal qu’eux, peuple en majorité par des Juifs originaires de ce monde-là, qui s’y sont regroupés dans le cadre d’un grand échange de population… ». Et de dire encore : « Quand on voit, par exemple, dans la création de l’Etat d’Israël une forme de compensation de la Shoah (que l’Occident aurait injustement fait « payer » à des Palestiniens innocents), on méconnait l’histoire juive et, en l’occurrence, l’histoire de monde arabo-musulman (où vivait la majorité de la population du nouvel Etat d’Israël) qui, par ailleurs, ne ressemble en rien à la version « post-colonialiste » complaisante que l’on voudrait accrédite  occidentaleQuand on ne se focalise plus sur la perspective occidentale, l’état des choses originel s’impose… ».

Le conflit israélo-palestinien ne fait que raviver cette quête de sens, cette volonté de demeurer là où l’Histoire ou les histoires ont mis chacun d’entre eux, juifs ou palestiniens.

Cet essai ne peut laisser le lecteur insensible. Sa lecture sera facilitée si l’on tient pour vraie et définitive la thèse proposée ici. Dans le cas contraire, il nourrira sans doute plus de crispation. Chacun au terme de ces 251 pages se fera une idée du fondé de ce qui est proposé par l’auteur. La discussion est irrémédiablement ouverte…

Patrice Sabater, cm
Novembre 2017

Esther BENFREDJIsmaël contre Israël. Le conflit israélo-arabe depuis ses originesEd. DDB, Paris 2017. 251 pages. 18,90 €

Crédit photo : Esther Bendfredj – www. quebec-amerique

Esther Benfredj est née à Paris en 1980. Diplômée en droit international et en science politique, elle a travaillé à la Faculté de droit de l’Université de Montréal en tant qu’assistante de recherche avant de se lancer dans le journalisme. Ismaël contre Israël est son premier essai.

jeudi 25 janvier 2018

Jérusalem, capitale de qui ? Jérusalem, capitale de quoi ?



Publié le 25 janvier 2018 par Garrigues et Sentiers

Ou Jérusalem … capitale de rien – ce rien que produit toujours, immanquablement, une lecture littéraliste des Ecritures.

Une lecture qui n’interroge pas la lettre pour interpeller le sens apparent qui s’y forme et pour explorer les failles que recèlent les sens déjà énoncés ; et pour faire ressortir du texte une parcelle de signification qui s’y découvre ou qui y surgit – fût-elle insolite autant qu’incertaine.

Une lecture qui se prend donc au pied-de-la-lettre. Faute de se tenir en alerte devant ce qui lui paraîtrait par trop intelligible, et faute de soupçonner que le iota et le trait de lettre n’ont été déclarés imprescriptibles que pour se prêter sans fin à l’exercice de la construction-déconstruction du signifié et du signifiant.

Et qui se réfute ainsi elle-même en ce que la lettre mémorisée sur laquelle elle refermera le livre, et dont elle formera sa certitude – « Dieu dit que … », « Dieu commande que … », « Dieu promet que … » -, est la lettre dont il nous a été dit qu’elle tue par opposition à l’esprit qui vivifie. Cet esprit qui hors l’expérience mystique qu’il peut offrir en partage à ses élus, ne se rencontre que dans le questionnement et le doute qui sont les dons ordinaires qu’il dispense.

Que cette lecture au pied-de-la-lettre soit œuvre de mort, quelle preuve plus irréfutablement violente pourrait-il nous en être apportée que par le constat qui acte que tous les fanatismes procèdent d’un littéralisme - au point que ‘’fondamentalisme’’ et ‘’fanatisme’’ sont devenus pour nous des arriérations quasiment synonymes.

Et quelle illustration plus accablante nous en est-il donné que par la confrontation inépuisable des légitimités dont Terre d’Israël et Etat palestinien et, plus exemplairement sans doute encore en ces temps-ci, Jérusalem des Hébreux et Jérusalem de l’Islam, sont le champ de collision.

Ces revendications antagonistes sur Jérusalem n’interpellent-elles pas le monde judéo-chrétien en le renvoyant à une submersion de l’esprit par la lettre prise à son premier degré de lecture ? Une interpellation qui en appelle contre les contenus du croire qui se sont forgés dans l’infirmité constitutive du littéralisme : celle qui lui rend inaccessible que l’esquisse de l’esquisse d’une vérité ne pourra jamais s’entrevoir qu’au septième degré de lecture.

Pour qu’il existe une chance que cette interpellation prospère, ne faut-il pas d’abord abandonner (et invalider) la référence à une "Jérusalem terrestre" – celle-ci fût-elle conçue en contrepoint d’une "Jérusalem céleste" ? Au bénéfice d’une représentation exclusive de toute confusion du spirituel et du temporel. Et dire ainsi que Jérusalem est une - et une non pas en tant que ville inscrite dans une géographie et positionnée par les cartographes, mais en ce qui l’érige entièrement en composante du projet de la création et en figuration de l’accomplissement ultime des temps de notre monde.

Au regard de ce projet et dans la perspective de cet accomplissement, l’historicité de Jérusalem n’importe pas davantage que celle attribuable à Abraham ou à Moïse, à la servitude en Egypte et à un périple libérateur à travers la Mer Rouge et le Sinaï, à la construction du premier Temple et à la splendeur du règne de Salomon. Ce qui recèle du sens, c’est la somme des signes additionnés sur la longue durée dans une œuvre composite. Et non l’histoire dans laquelle cette œuvre met une promesse et un enseignement en situation, ni les histoires dont elle a recouvert son corpus spirituel et messianique. 

Ramener Jérusalem au statut d’une capitale, ou assimiler le ‘’peuple d'Israël’’ à l'Etat d'Israël, est-ce ainsi finalement autre chose qu’instituer une confusion irréparable entre une allégorie spirituelle et sa réduction en un lieu figuré sur la planisphère et dans un temps particulier de l’évènementiel attaché à ce lieu ? Et autre chose qu’infirmer une métaphore qui concentre en elle l’espérance consubstantielle à l’Alliance et l’intelligence du cheminement de cette Alliance ?

Jérusalem métaphore de l’apothéose annoncée à la consommation des siècles et, conjointement, de la longue marche élective des nations concourant à la construction et à l’achèvement de notre monde, ne se pénètre pas en s’arrêtant à des songes et à des légendes - fussent-elles sublimes. A l’instar de l’interprétation que réclament, si l’on vient à les questionner, la fronde de David, la chevelure de Samson ou le ventre de la baleine de Jonas, la Jérusalem-symbole requiert un niveau d’explication plus exigeant - une intellection plus haute - que celle qui prête à la transcendance d’avoir un jour posé le doigt sur une petite ville cananéenne qui n’avait a priori rien de particulier. Sauf à se servir des mots, pris tels qu’ils viennent, comme les fabricants d’idoles le font du bois, du bronze ou de l’or, et de tout autre matériau brut dont sont fabriquées les idoles.

Et sur ce mot, sur ce nom de Jérusalem, s’interdire la découverte, sous le couvert de "sens uniques", de significations infinies ne participe-t-il pas du péché contre l'esprit ? Contre l'esprit de questionnement qui, de millénaire en millénaire, vivifie la singularité du monothéisme juif, indissociable de la quête de sens en laquelle réside le ressort intuitif et la respiration même du judaïsme et, qui sait, jusqu'à sa raison d'être pour l'humanité. L'assignation au questionnement s'étendant, eût-elle de longue date cédée chez beaucoup aux disciplines de la foi, aux fils qui se sont crus ‘’séparés d'Israël’’ nonobstant leur communauté d’élection.

Jérusalem partage avec d’autres figurations le même concept spirituel : celui que transcriraient dans notre contemporain le Point Omega et, inclusivement, la trajectoire qui s’y conclut. Si l’on cesse de s’attacher à cette dimension conceptuelle et aux hachures du temps qu’elle efface, Jérusalem n’est plus qu’un enjeu géostratégique. De même le Troisième Temple ne renverra plus qu’à l’objet d’un concours d’architectes. Et le peuple juif s’effacera derrière l’entité génétique dans laquelle une ‘’science’’ racialiste a voulu l’identifier et circonscrire l’exécration qu’elle lui portait – au demeurant une déviance parallèle a entraîné des savants sionistes sur la même piste génétique parce que les identitarismes qui convoquent la biologie se retrouvent, a minima, dans des chimères identiquement construites.

Il va de soi que ni l‘universalité de Jérusalem, ni la réunion-intégration en Israël qui a déjà été engagée par les nations, et qui s’est successivement opérée par des siècles de conversions multipolaires et d’exodes de peuples divers, n’empêchent de concevoir la passion charnelle éprouvée pour la terre d’Israël. Et pas davantage de se représenter la vénération des ‘’lieux de mémoire’’ inscrits dans cette terre.

Mais cette passion et cette vénération n’ont pas le pouvoir d’occulter que seuls les signes contiennent et contiendront le sens du récit que nous sommes appelés à écrire dans l’œuvre créatrice. Qu’au « Tout est grâce » de Bernanos répond le « Tout est spirituel » qui s’imprime en sous-titre du premier et du second Testament. Et que tout ce qui nous rend impénétrable le langage de ces signes nous amène à assumer une contradiction qui touche au plus central du croire : ce n’est pas la foi qui élève – elle n’est qu’un rapprochement parmi d’autres de la transcendance -, mais l’Esprit et lui seul.

Reste une interpellation envers nous-mêmes : pour répondre à cette contradiction, ne faudra-il pas se ranger à l’idée que l’Esprit est dispensé autant au croyant qu’à l’incroyant - au tenant des dogmes autant qu’au théologien rebelle ou qu’à l’essayiste téméraire ou au philosophe athée - pour que soifs d’entendement et dons parcimonieux de lumière aident, les jours venus, à produire davantage de clairvoyants et de justes.

Didier Levy 

Publié dans Signes des temps

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samedi 20 janvier 2018

Egypte: les leaders religieux du monde refusent la judaïsation de Jérusalem

Egypte: les leaders religieux du monde refusent la judaïsation de Jérusalem
18.01.2018 par Jacques Berset, cath.ch


Le président palestinien Mahmoud Abbas et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmed El-Tayyeb ont appelé les Arabes à manifester leur soutien au peuple palestinien lors d’une conférence mondiale de soutien à Jérusalem, tenue les 17 et 18 janvier 2018 au Caire.
Mahmoud Abbas a appelé les Arabes à se rendre à Jérusalem, soulignant que leur venue ne légitimerait en aucun cas le contrôle d’Israël sur la ville. Selon lui, les appels au boycott ne font que nuire aux Palestiniens. “Nous espérons que vous ne nous laisserez pas seuls avec l’occupation”, a lancé le président palestinien à l’adresse de l’audience internationale. Visiter Jérusalem ne veut pas dire visiter Israël ou accepter une normalisation de la situation d’occupation, a-t-il laissé entendre.
Pour les Palestiniens, le boycott est contre-productif
De nombreux responsables égyptiens, dont les chefs religieux d’Al-Azhar, la plus haute institution de l’autorité islamique sunnite, et l’Eglise copte orthodoxe d’Egypte, refusent depuis des décennies de se rendre à Jérusalem pour protester contre l’occupation israélienne.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que depuis la décision unilatérale prise le mois dernier par le président américain Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat d’Israël, 30 Palestiniens ont été tués, 7’000 blessés et 1’000 arrêtés.
Cette importante conférence islamo-chrétienne intitulée “L’identité arabe de la Ville Sainte (al Qods, Jérusalem) et son message” était placée sous les auspices du président égyptien Abdel Fatah al-Sissi et a attiré des responsables de 86 pays. Dans son intervention, le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises (COE), a notamment insisté sur le fait que l’avenir de Jérusalem ne saurait être qu’un avenir commun.
La Ville trois fois sainte n’appartient pas qu’aux Israéliens
“Il ne peut appartenir à une seule confession au détriment des autres, ni à un seul peuple contre les autres. Jérusalem est et doit rester la ville de trois religions et de deux peuples”, a-t-il insisté. “Jérusalem est considérée comme une Ville sainte, elle est aimée, véritablement et profondément, par les trois religions abrahamiques – juifs, chrétiens et musulmans” a-t-il poursuivi. “Quelle que soit la solution envisagée, elle devra, pour être viable, respecter et proclamer cet amour et cet attachement profond”.
“Nous lisons dans le Nouveau Testament que Jésus Christ a pleuré sur cette ville, plein d’amour et de regret (…) Si l’on veut suivre la parole et l’exemple de Jésus, il faut dire la vérité, rechercher la justice et contribuer à la paix dans les conflits et les débats de ce monde”. Mais, a ajouté le secrétaire général du COE, “il faut aussi reconnaître que l’histoire et la culture de Jérusalem sont constituées d’une superposition extraordinairement complexe de couches. L’histoire indique que l’implication de ces trois religions dans la région n’a pas vraiment apporté la paix pour tous. C’est encore malheureusement le cas aujourd’hui ! (…)  Il ne saurait y avoir de paix à Jérusalem si les trois religions ne sont pas respectées et sans leur participation à la solution”, a dit le pasteur Tveit.
Vers l’effacement du caractère pluraliste de la Ville sainte ?
Cette conférence a réuni d’éminents représentants au niveau national, régional et international, comme le président palestinien Mahmoud Abbas, le patriarche de l’Eglise copte orthodoxe Tawadros II, le chef du parlement arabe Meshaal ben Fahm al-Salmi et le président de l’Assemblée nationale du Koweït Marzouq Al-Ghanim, ainsi que l’ambassadeur Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe.
Le patriarche Tawadros II a déclaré que la décision de Trump concernant Jérusalem ouvrait la voie à “la judaïsation de Jérusalem et l’effacement du caractère pluraliste de la Ville sainte”. Il a appelé le monde à prendre en considération “la situation humanitaire tragique” des Palestiniens vivant à Jérusalem, qui, selon lui, luttent depuis longtemps pour obtenir leurs droits légitimes, ajoutant que cette question a des dimensions politiques, économiques et culturelles.
Respecter les résolutions de l’ONU
Dans son intervention, le patriarche copte orthodoxe a insisté sur le lien existant entre les perspectives de paix au Proche-Orient et le respect des droits nationaux du peuple palestinien. “La véritable paix – a notamment déclaré Tawadros II – ne deviendra réalité que lorsque l’on mettra un terme à la violence, aux menaces et à toutes les promesses faites sans tenir compte des sentiments des musulmans et des chrétiens, dans le monde et dans notre région”.
Pour sa part, le cardinal libanais Béchara Boutros Raï, patriarche maronite d’Antioche, a rappelé la position du Saint-Siège qui a réaffirmé à plusieurs reprises le droit du peuple palestinien à disposer d’un Etat, dans le respect des résolutions de l’ONU qui rejettent l’annexion israélienne de l’ensemble de la Ville sainte.
Message du pape François
A la Conférence du Caire ont également participé le nonce apostolique en Egypte, Mgr Bruno Musarò, et le secrétaire personnel du pape François, Mgr Yoannis Lahzi Gaid, qui a lu, le 17 janvier au matin, le texte en arabe d’un message envoyé par le pontife.

Dans son message, le pape a réaffirmé que le Saint-Siège “ne cessera de rappeler avec urgence la nécessité d’une reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens en vue d’une résolution négociée”, ayant pour but la coexistence pacifique de deux Etats à l’intérieur de frontières acceptées par les deux parties et internationalement reconnues, “dans le plein respect de la nature particulière de Jérusalem, dont la signification va au-delà de toute considérations relatives aux questions territoriales”. (cath.ch/alahram/coe/fides/be)

Transfert de l'ambassade US à Jérusalem: "irresponsable" pour Mgr Matar

19.01.2018 par Jacques Berset, cath.ch

Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, a vivement critiqué le 18 janvier 2018 la décision de Donald Trump de transférer à Jérusalem l’ambassade des Etats-Unis en Israël, qualifiant la conduite de l’administration américaine d’”irresponsable”.

“De façon unilatérale, le président des Etats-Unis décide de ruiner les chances de la paix et de dénaturer l’histoire de Jérusalem et son message humain et spirituel, balayant ainsi les droits légitimes des Palestiniens”, a déclaré Mgr Matar. Le prélat libanais a rappelé que la décision états-unienne a été désavouée lors d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU, par 138 voix sur 192.

Les Etats-Unis isolés à l’ONU

Le 18 décembre dernier, les Etats-Unis avaient mis leur veto à une résolution de l’ONU condamnant leur reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël. Washington avait reçu un camouflet lorsque quatorze membres du Conseil de sécurité n’avaient pas suivi la position de Trump.
Mgr Matar est intervenu le 18 janvier au Caire lors de la conférence internationale islamo-chrétienne sur Jérusalem. Mise sur pied par l’Université d’Al-Azhar les 17 et 18 janvier, elle a été suivie par des représentants de 86 pays.

Washington appelé à respecter les résolutions de l’ONU

“Il aurait été préférable pour le président du pays qui héberge sur son sol l’Organisation des Nations Unies de respecter les résolutions internationales de cette instance. Et pour commencer la résolution 181 de l’Assemblée générale du 29 novembre 1947, qui a proposé le partage de la Palestine en trois Etats, l’un juif, l’autre arabe, et Jérusalem sous contrôle international”, a lancé l’archevêque maronite de Beyrouth.
La position officielle du Vatican, que le pape François a réaffirmée à plusieurs reprises, n’a pas changé depuis 1947. Le Saint-Siège ne reconnaît pas l’annexion de Jérusalem-Est par Israël. Pour le Vatican, toute revendication exclusive sur Jérusalem – qu’elle soit religieuse, politique ou nationale  – est contraire à la logique véritable de l’identité de Jérusalem, Ville sainte pour les trois religions monothéistes.

Chrétiens et musulmans doivent s’unir pour Jérusalem

Comparant la situation de Ville sainte à celle du Liban, Mgr Elias Audi, métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, a défendu au Caire la vision d’une Jérusalem “lieu de rencontre et de fraternité (interreligieuse), lieu d’interaction des idées, des cultures et des religions”. Il est nécessaire à ses yeux que les voix chrétiennes et musulmanes “s’élèvent à l’unisson” pour réclamer que les Palestiniens soient rétablis dans leurs droits, rapporte le 19 janvier le quotidien francophone libanais “L’Orient-Le Jour”. (cath.ch/orj/com/be)