Arabes du Christ


" الهجرة المسيحية تحمل رسالة غير مباشرة للعالم بأن الإسلام لا يتقبل الآخر ولا يتعايش مع الآخر...مما ينعكس سلباً على الوجود الإسلامي في العالم، ولذلك فإن من مصلحة المسلمين، من أجل صورة الإسلام في العالم ان .... يحافظوا على الوجود المسيحي في العالم العربي وأن يحموه بجفون عيونهم، ...لأن ذلك هو حق من حقوقهم كمواطنين وكسابقين للمسلمين في هذه المنطقة." د. محمد السماك
L'emigration chretienne porte au monde un message indirecte :l'Islam ne tolere pas autrui et ne coexiste pas avec lui...ce qui se reflete negativement sur l'existence islamique dans le monde.Pour l'interet et l'image de l'Islam dans le monde, les musulmans doivent soigneusement proteger l'existence des chretiens dans le monde musulman.C'est leur droit ..(Dr.Md. Sammak)

mercredi 29 avril 2015

Les maronites de France s'enracinent - France Catholique

Les maronites de France s'enracinent - France Catholique

28/4/2015-Les maronites de France s'enracinent

Le cardinal Béchara Raï, patriarche des maronites, était en visite pastorale en France du 25 au 28 avril. Il a rencontré le cardinal Vingt-Trois le 25 avant de prononcer une conférence à l'Unesco. Le 26, il a présidé une messe d'action de grâce à Notre-Dame du Liban à Paris à 10 h avant d'inaugurer le nouveau siège de l'éparchie de France à Meudon. Le 27, il a été reçu à l'ambassade du Liban, au Sénat, et à l'Élysée par le président François Hollande le 28 avril. Le même jour, il a lancé les journées culturelles de Beit Maroun à Meudon.


Les maronites cultivent depuis des siècles des liens privilégiés avec la France. L'Église maronite, née au Proche-Orient, est, suivant la formule consacrée «  patriarcale, catholique, antiochienne et syriaque  »  :

- patriarcale car elle est gouvernée par le synode des évêques maronites, qui élit son patriarche, actuellement S. B. le cardinal Raï  ;

- catholique car elle est en communion avec Rome  ;

- antiochienne et syriaque car elle hérite de la tradition de l'Église d'Antioche fondée par saint Paul, et des grands saints syriens.

L'Église maronite vit aussi pleinement dans notre monde moderne. Saint Maroun, un ermite thaumaturge du IVe siècle qui vivait en plein air au sommet d'une colline, au nord d'Alep, est l'inspirateur des maronites. Ils doivent en effet leur nom au premier monastère qui est dédié à saint Maroun, à Apamée, en Syrie. Fortement engagés dans les querelles théologiques des premiers siècles, les moines maronites font partie des défenseurs du concile de Chalcédoine. Emportés par la tourmente des guerres engendrées par l'invasion arabe, isolés du reste de la chrétienté, ils sont conduits à élire leur propre patriarche, créant de fait une nouvelle Église orientale. Victime de l'anarchie entre factions musulmanes qui règne au IXe siècle, le monastère d'Apamée disparaît, entraînant l'exil de maronites vers le sud, et la fondation du monastère Saint-Georges au mont Liban. L'Occident redécouvrira ces chrétiens oubliés à la faveur des croisades. En découle le rattachement des maronites à l'Église catholique, reconnu solennellement par le concile de Tripoli en 1216. Après la chute du royaume de Jérusalem, vaincus et persécutés par les Mamelouks puis par les Ottomans pendant des siècles, et malgré leur isolement du reste de la chrétienté, les maronites ont persévéré dans la foi grâce à leurs monastères, et au refuge que leur confère le mont Liban.

Antoine Assaf, philosophe, nous rappelle les grandes étapes de l'amitié unissant la France aux maronites. Durant les croisades, les soldats et les moines maronites sont venus au secours de Saint Louis, qui les déclare en 1250 «  une partie de la nation française  ». Victimes des massacres de 1860, ils doivent leur salut à l'intervention de la France. C'est aussi le début de l'exil pour nombre d'entre eux, qui partent former les premières diasporas, notamment en France. Napoléon III accordera la protection de la France aux maronites, qui sera confirmée par la IIIe République. À partir de la première église maronite établie en France en 1914, un foyer est créé rue d'Ulm à Paris avec l'aide de l'État. La France joue par la suite un rôle déterminant dans la formation de l'État du Liban. Cette relation privilégiée avec la France est confirmée par Charles de Gaulle, pour qui les maronites sont «  les Poulains de la France  ». L'intervention française pendant la guerre du Liban s'inscrit dans cette politique, tout comme la célébration officielle de la saint Maroun dans plusieurs mairies, dont celle de Paris.

Grâce à Benoît XVI, l'Église maronite de France, qui compte environ 50 000 fidèles, est aujourd'hui constituée en éparchie  : elle dispose depuis 2012 d'un évêque en propre, Mgr Maroun-Nasser Gemayel membre de plein droit de la Conférence des évêques de France, (comme l'évêque arménien catholique Mgr Jean Teyrouz et l'évêque ukrainien catholique Mgr Borys Gudziak...) «  Elle peut ainsi structurer sa présence, commente Mgr Raymond Bassil, vicaire apostolique, tout en restant solidaire de l'Église de France  ». Outre les paroisses de Paris, Suresnes, Marseille et Lyon, il existe de nombreuses missions maronites dans toute la France. Mgr Bassil constate que cette population jeune et active réclame une présence ecclésiale, qui lui est apportée par de nombreux prêtres en activité. «  L'Église maronite est une église du peuple, souligne-t-il. Elle accompagne ce peuple. Mais ces prêtres viennent pour la plupart du Liban, et l'enjeu à terme sera de constituer un clergé français.  »

Un autre enjeu de taille porte sur la langue liturgique. Les Psaumes et la prière de consécration sont chantés en araméen comme le veut la tradition. Le reste de la liturgie est en arabe, ou en français. Il est vrai que les descendants des immigrés de troisième ou quatrième génération pratiquent moins l'arabe. Comment concilier l'ancien et le nouveau  ? Antoine Assaf souligne que la théologie et la liturgie maronites ont fusionné l'antique tradition d'Antioche et la modernité de la pensée et du rite latins. Cette fusion permet à l'Église maronite d'affronter la gageure de faire vivre une tradition spirituelle orientale dans une société occidentale sécularisée. «  Si les maronites ont été affectés par le modernisme, ils ont conservé la vigueur de l'âme de leur tradition  », souligne Antoine Assaf. Le vitrail représentant saint Charbel dans la cathédrale de Notre-Dame du Liban, rue d'Ulm à Paris, en est l'illustration  : de facture résolument moderne, il porte aussi une inscription en araméen. La messe dans le rite maronite témoigne aussi à sa manière de l'intégration de la tradition dans la modernité  : célébration à l'autel suivant Vatican II et communion avec du pain azyme vont de pair avec l'antique chant du Trisagion. Les maronites ont également adopté le calendrier grégorien, mais le carême commence deux jours plus tôt, avec le «  lundi des cendres  ». Le P. Elie Akhoury, de Notre-Dame du Liban à Paris, mentionne aussi la tradition du «  jeûne de Ninive  », qui commence trois semaines avant le carême, et la procession de la Croix le Vendredi saint.

La place des laïcs dans l'Église a été reconnue par les maronites bien avant Vatican II. Mgr Bassil insiste sur l'absence de «  cléricalisme radical  » chez les maronites. «  Les laïcs sont envoyés deux par deux pour les missions comme la catéchèse, l'entretien de la sacristie, etc.  » De même, les femmes jouent un rôle important dans les communautés. Mgr Bassil précise que «  nous n'avons pas de théologie féministe  : la mission des femmes dans l'Église s'inscrit dans une perspective de complémentarité, et non de rivalité avec l'homme. En particulier, la femme est promotrice de la culture et de la religion, et apporte la paix et la miséricorde. C'est elle qui transmet la foi, elle qui noue des relations avec les paroissiens, et leur rôle est appelé à croître  ». Outre les pèlerinages prévus à Lourdes, Lisieux ou Fatima, les projets de l'éparchie maronite sont nombreux  : organisation des communautés, structuration des paroisses, formation des communautés, vocations de tous ordres. Nul doute que le dynamisme qui l'habite lui apporte de nombreux fruits.

En témoigne Younane, jeune étudiant d'origine libanaise, très engagé dans les groupes de jeunes de Notre-Dame du Liban, et cofondateur du groupe Antiokia qui rassemble des jeunes catholiques de rite oriental et de rite latin. Pour lui, il y a «  une continuité de croyance et une convivialité entre les Églises occidentales et orientales  ». Sa fidélité va pourtant au rite maronite de son enfance, où il trouve «  tendresse, écoute et reconnaissance  ». «  La musique, la mélodie, la participation des laïcs, la langue syriaque proche de celle du Christ  » fondent son attachement aux célébrations maronites. Mais l'union dans l'Église de France passe aussi par la langue française, un enjeu qui dépasse selon lui la question linguistique  : «  Il s'agit pour nous de vivre ensemble l'union dans l'Église.  »

Antoine Assaf insiste lui aussi sur l'esprit évangélique qui anime aujourd'hui les maronites, notamment dans la paix avec les musulmans, toujours à construire. Pour lui, l'Église maronite, qui a été pendant des siècles un pôle de fidélité à l'Église, peut grâce à son expérience et sa connaissance de l'islam contribuer à construire la paix religieuse et sociale. «  La vocation des maronites est le dialogue avec l'islam  », insiste le philosophe, persuadé que «  seule l'ouverture spirituelle permet un dialogue de vérité  ». Il rejoint Mgr Bassil, qui voit dans les maronites des «  passeurs de civilisation et de culture  ». Les relations qui se sont nouées au Liban entre maronites et musulmans pourraient en effet servir utilement à l'élaboration d'un dialogue de vérité entre les religions en France, et peut-être même inspirer les pouvoirs publics manifestement en panne d'idées pour appréhender les différentes composantes de l'islam.

Comment instaurer en France un tel dialogue, plus que nécessaire  ? «  La laïcité française a longtemps été un modèle, mais il ne faut pas qu'elle devienne une religion  », souligne Mgr Bassil, qui note également que «  la laïcité n'est pas infaillible ni intouchable  ». La laïcité doit apporter le respect de toutes les religions, et non les rejeter. «  Il faut préférer le mot citoyenneté à la laïcité  », estime Mgr Bassil, pour qui «  la France a des valeurs évangéliques. Lorsque la nation perd son âme, la laïcité devient un mot creux et blessant. Il faut revenir au patrimoine français et à la raison  ». [...] «  La juste laïcité en France doit rester large et respecter toutes les croyances  », ajoute Mgr Bassil : «  La priorité en France doit être de remédier à la pauvreté et à l'injustice  ». Younane témoigne quant à lui de l'estime dont jouit la laïcité française  : «  La liberté d'action qu'on a en France est quasiment incomparable avec ce qui existe dans les pays où les chrétiens sont persécutés  ». «  Les Maronites sont fiers de leur patrimoine, de leur mission, et sont solidaires de la France et de l'Église de France  », conclut Mgr Bassil. Un enjeu que partage Younane, qui rappelle avec fierté la devise de l'éparchie maronite  : «  Authenticité et mission  ».


Le 16 avril, Mgr Gemayel recevait une vingtaine de journalistes privilégiés pour leur faire visiter le nouveau siège de son éparchie dans une belle villa de Meudon, dotée d'une petite chapelle, et dont le jardin contient deux cèdres centenaires, et qui accueille dès maintenant une communauté de prêtres et d'étudiants libanais. Il leur a détaillé les enjeux pastoraux et politiques de la visite du cardinal Raï, sur laquelle nous reviendrons dans un tout prochain numéro de France Catholique. Il leur a dit également ses ambitions culturelles pour le siège de son éparchie, avec une première exposition sur la présence maronite en France et le lancement des journées culturelles de Beit Maroun, dont nous aurons également l'occasion de parler. Une chose est certaine  : en coupant le moins possible avec leurs racines libanaises, les maronites de France s'enracinent de plus en plus dans notre pays, au point de constituer un laboratoire de dynamisme missionnaire, exemplaire pour chacun d'entre nous.



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lundi 27 avril 2015

Les maronites de France, à l'heure de "l'enracinement", attendent leur patriarche - RTL Info

Les maronites de France, à l'heure de "l'enracinement", attendent leur patriarche - RTL Info

Les maronites de France, à l'heure de "l'enracinement", attendent leur patriarche

Les maronites de France, à l'heure de

Les maronites de France avaient déjà un diocèse, les voici dotés d'un nouveau siège épiscopal près de Paris, signe d'un "enracinement" selon leur évêque: leur patriarche Bechara Raï l'inaugurera dimanche, lors d'une visite qui n'éludera pas le sort des chrétiens d'Orient.

Chef de l'Eglise maronite - la communauté catholique libanaise - depuis mars 2011, le cardinal Raï effectuera à partir de samedi et jusqu'à mardi sa quatrième visite pastorale en France, marquée lundi par un entretien avec le président François Hollande à l'Elysée.

"Notre patriarche, quand il se déplace ici, est accueilli comme un chef d'Etat, notamment en raison de la relation séculaire entre l'Eglise maronite et la France", a souligné devant la presse l'évêque de l'éparchie (diocèse) maronite à Paris, Mgr Maroun-Nasser Gemayel.

Le cardinal Raï est le 77e patriarche depuis l'arrivée des premiers disciples de saint Maron au Liban en provenance de Syrie, il y a plus de 1.500 ans. Nul doute qu'il évoquera avec François Hollande, qu'il a déjà rencontré en avril 2013, la question délicate du siège du président libanais, vacant depuis près d'un an faute d'accord politique et traditionnellement dévolu à un maronite, seul chef d'Etat chrétien du monde arabe.

Le patriarche devrait plaider la "neutralité positive" du Liban et le "renforcement de ses forces de sécurité", comme il l'a fait début avril lors d'une "messe aux intentions de la France". Il avait aussi souligné la nécessité d'un soutien de Paris "pour gérer humainement et dignement le problème des réfugiés syriens et irakiens et ses conséquences malheureuses sur la sécurité, sur l'économie et sur les plus démunis des Libanais".

Le patriarche maronite "d'Antioche et de tout l'Orient", qui est l'un des dignitaires chrétiens de la région s'exprimant le plus fréquemment contre "la violence des courants intégristes" jihadistes, "a un message politique pour François Hollande", confirme Mgr Gemayel. "Mais c'est aussi un message pour l'Eglise universelle: comment pourrait-elle imaginer un Orient sans chrétiens?", ajoute le premier évêque maronite en France.

"Les chrétiens d'Orient sont dans une situation dramatique, comme on en a jamais vue. On a l'impression qu'on est arrivés à la fin", se désole le prélat libanais. Or, fait-il valoir, "les chrétiens au Moyen-Orient font le pont entre l'islam et l'Occident. On a une expérience de 1.400 ans avec l'islam, on parle leur langue, on a des habitudes communes".

- "Intégrés, pas dissous" -

Les maronites "se sentent particulièrement concernés" par cette situation, eux qui sont "habitués à l'émigration", souligne l'évêque.

Aujourd'hui, même s'ils ne sont que quelque 85.000 en France, sur une diaspora de plusieurs millions de membres dans le monde, leur présence se structure autour d'une autonomie et d'une visibilité nouvelles, selon Mgr Gemayel.

Longtemps placée sous la juridiction de l'archevêque de Paris, ordinaire des catholiques orientaux de France, la communauté maronite a été élevée au rang d'éparchie par le pape Benoît XVI en juillet 2012, avec à sa tête un chef membre de la Conférence des évêques de France.

Ce diocèse a depuis peu son siège épiscopal à Meudon (Hauts-de-Seine) - dans une vaste maison au nom prédestiné, la Villa des Cèdres - qu'inaugurera dimanche le cardinal Raï. Le patriarche commémorera aussi le centenaire de l'affectation (1915) au culte maronite d'une chapelle de la rue d'Ulm, devenue la cathédrale de la communauté sous le nom de Notre-Dame-du-Liban. On y dit la messe en syriaque, et surtout en arabe. "Nous apportons notre parfum oriental", se félicite l'évêque, qui est aussi visiteur apostolique pour 16 pays d'Europe septentrionale et occidentale.

"On était d'une terre lointaine, aujourd'hui on est dans un enracinement", estime le prélat. "Intégrés? Certainement. Dissous? Loin de là".

"Nous sommes là pour bâtir ensemble cette Eglise avec cette France qui nous est chère", dit encore Mgr Gemayel. "Il faut des paroisses, des prêtres, tout ça manque pour l'instant". Neuf paroisses établies, notamment à Paris, Lyon, Marseille et Suresnes dans les Hauts-de-Seine, 18 autres en devenir (à Bordeaux, Nice...), une quinzaine de prêtres... "Mais je n'ai pas peur, tous nos baptisés sont engagés auprès de nous", se rassure l'évêque.



Envoyé de mon Ipad 

Discours à l'UNESCO du Patriarche Cardinal Béchara Boutros Raï - Documents - La Vie

Discours à l'UNESCO du Patriarche Cardinal Béchara Boutros Raï - Documents - La Vie

Discours à l'UNESCO du Patriarche Cardinal Béchara Boutros Raï

Conférence à l'UNESCO du Patriarche Card. Béchara Boutros RAI Paris, le 25 avril 2015

Introduction

1. Je voudrais tout d'abord saluer et remercier Mme Irina Bokova, Directrice générale de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture et le Conseil Exécutif, ainsi que Dr Khalil Karam, Ambassadeur, Délégué permanent du Liban auprès de l'UNESCO, de m'avoir invité à donner cette conférence à l'occasion du 70ème anniversaire de cette Organisation, autour du thème : "La présence chrétienne au Moyen - Orient et son rôle dans la promotion de la culture de la paix". Je développerai ce thème en trois points :

1) Le parcours historique de la présence chrétienne bimillénaire au Moyen - Orient.
2) Ses espaces de promotion de la culture de la paix.
3) Les moyens pour sauvegarder la présence chrétienne.

I. Parcours historique de la présence bimillénaire des chrétiens au Moyen - Orient

2. C'est dans la région du Proche - Orient que Dieu a envoyé son Fils, il y a deux mille ans, afin d'accomplir le plan de salut de tout le genre humain, et où, pour la première fois, les disciples du Christ reçurent le nom de "Chrétiens" (cf. Ac 11, 19-26). Aussi, le christianisme devint rapidement un élément essentiel de la culture de la région grâce à ses grandes écoles d'Alexandrie et d'Antioche. L'essence de la culture chrétienne était et reste toujours la promotion de la paix, basée sur quatre piliers : la vérité, la justice, l'amour et la liberté (Pacem in Terris, 88).

3. La paix constantinienne avec l'Edit de Milan (315), qui a clôturé trois siècles de persécution chrétienne, a fait apparaître une Eglise complètement acculturée, se faisant araméenne avec les araméens, copte avec les coptes, grecque ou latine avec les ethnies dominantes de l'Empire romain. Elle apparaît organisée en patriarcats : Rome, Alexandrie, Constantinople, Antioche et Jérusalem. Chaque Eglise patriarcale avait son organisation en diocèses, se gouvernait par ses propres lois et tenait la communion avec les autres Eglises et celle de Rome.

4. En franchissant les frontières de Jérusalem et du peuple juif, l'Eglise a fait son premier champ d'expansion en milieu païen de la région syrienne de l'Empire Romain, où elle s'est mise au contact des cultures grecque et araméenne - syriaque. À Antioche, capitale de la province romaine d'Orient et foyer vivant d'hellénisme, s'est constituée la première communauté significative de chrétiens d'origine païenne autour de l'année 37. Alexandrie aussi était devenue, à la fin du Ier siècle le haut lieu de l'hellénisme chrétien. Ces deux villes culturelles, jusqu'au VIème siècle, rivalisaient avec Rome et Byzance. Au IIIème siècle le christianisme a gagné l'essentiel de l'Egypte, de la Palestine, de la Syrie, de la côte phénicienne (aujourd'hui littoral libanais) et de l'Asie Mineure ; il s'est étendu loin vers l'Est, au cœur de la Mésopotamie.

5. Les chrétiens du Moyen - Orient ne sont pas donc des individus épars, ni des groupes de minorités ethniques ou religieuses. Ils sont plutôt les membres de l'Eglise Universelle, appartenant à des Eglises qui ont chacune son rite propre, c'est-à-dire son patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, représentant sa propre manière de vivre la foi selon sa culture, histoire et situation géo - politique.

6. Le Code de Droit Canonique des Eglises Orientales (c. 28 § 2) reconnaît cinq principaux rites orientaux issus de la Tradition des Eglises patriarcales d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople, d'Arménie et de Perse. Ils sont les rites : grec, syriaque, chaldéen, alexandrin ou copte, et arménien. Eux - mêmes se subdivisent en d'autres composantes. Il s'agit pratiquement des chrétiens catholiques et orthodoxes : Coptes, Grecs, Syriaques, Maronites (tous catholiques), Chaldéens, Arméniens, en plus des Latins et des membres des communautés ecclésiales issues de la Réforme . Il s'agit donc d'une grande richesse culturelle.

7. Toutes ces Eglises et leurs riches patrimoines ont constitué, avant la parution de l'Islam au VIIème siècle et la création des Etats actuels du Moyen - Orient, la base culturelle de toute cette région. Même la Péninsule d'Arabie avait déjà accueilli elle aussi évêchés et monastères, et certaines tribus arabes se sont converties au christianisme. Donc la rencontre entre Christianisme et Islam s'est effectuée au cœur de l'Arabie dès les premières années de l'hégire. Au nord de la Péninsule, d'autres Arabes chrétiens se sont installés sur les confins désertiques séparant les deux empires perse et byzantin. La tradition veut que Mahomet, Prophète des Musulmans, ait été en contact avec les milieux chrétiens à la Mecque et Yathrib, ainsi qu'au cours de ses voyages dans le désert syrien. A la Foire d'Oqaz, il aurait écouté les sermons de l'évêque de Najran.

8. Les chrétiens du Moyen - Orient commencèrent donc leur cheminement avec les musulmans depuis 1400 ans, sous les différents Empires et époques : Omeyade (661-750), Abbasside (750-1258), Mamelouks (1250 - 1516) et Ottomane ou Turque (1516 -1918). Ils ont su préserver leur présence malgré toutes les difficultés de la vie en commun avec les musulmans, durant ces époques plutôt obscurs et très durs. Cependant ils transmettaient, dans leurs milieux et dans les espaces consentis, leur culture chrétienne de paix, de coexistence pacifique, de respect de l'autre différent, de l'ouverture aux autres cultures.

II - La présence chrétienne et ses espaces de promotion de la culture de la paix.

9. Les chrétiens ont pu reprendre avec plus de force leur rôle de promoteurs de la culture de la paix, grâce aux contacts avec l'Europe. Les premiers contacts furent durant la période des Croisades (1089-1291) où des liens se sont établis entre l'Eglise Maronite, la seule Eglise unie à Rome, après le grand schisme d'Orient (1054), et la France en la personne du Roi Saint Louis qui a ratifié ces liens par un document daté du 21 mai 1250. Ensuite par la fondation du Collège Maronite de Rome en 1584, lequel a réussi à construire un pont culturel entre l'Orient et l'Occident, et lier les deux rives nord et sud de la Méditerranée, grâce à ses érudits.

10. Les deux siècles XVI et XVII furent la période de fondation des écoles dans la Montagne Libanaise et l'arrivée au Liban et en Orient des Ordres religieux latins venus de France : Franciscains, Jésuites, Dominicains, Lazaristes et autres qui ont contribué beaucoup par leurs missions et écoles, au Liban puis en Orient, à la formation de la jeunesse à la culture de la paix dans toutes ses dimensions : spirituelle, sociale, économique et politique. À ces missions latines s'ajoutent dans la 2de moitié du XIXème siècle les missions russes orthodoxes et celles anglo-saxonnes protestantes, toujours partant de Beyrouth vers d'autres régions du Proche - Orient. Toutes ces missions de caractère culturel ont contribué à la renaissance culturelle du monde arabe et véhiculé les valeurs de la modernité. Les débuts du XVIIème siècle ont connu la fondation des Ordres religieux orientaux, organisés en vie commune, qui ont donné un grand essor à la vie et mission des chrétiens d'Orient, surtout par leurs écoles.

11. Il faut que je rappelle aussi la promotion culturelle lancée par le fameux Synode Libanais Maronite tenu en 1736 au Couvent Notre Dame de Louaizé qui a ordonné l'enseignement obligatoire et gratuit pour tous les garçons et les filles du Mont - Liban. Depuis lors fut une floraison d'écoles qui allaient toujours en progression jusqu'à nos jours non seulement au Liban mais aussi dans tous les pays du Proche - Orient, jusqu'au Golfe Arabe. Ces écoles étaient ouvertes à tous les jeunes, garçons et filles, sans aucune distinction de religion, de confession ou de race. Que des générations ont reçu et reçoivent encore la formation culturelle, humaine, spirituelle, morale, scientifique et nationale dans les écoles chrétiennes !

12. Une promotion importante de la culture de la paix est assurée par les Universités Chrétiennes et les Facultés d'Enseignement Supérieur : Catholiques, Orthodoxes et Protestantes du Liban, dont certaines furent instituées en la 2de moitié du XIXème siècle. Elles contribuent énormément à la promotion du dialogue interculturel et interreligieux. Là aussi étudiants, professeurs et parents de toute religion et confession se rencontrent, échangent réciproquement leurs valeurs et consolident la vie en commun et l'ouverture à l'autre différent.

13. Rappelons aussi le rôle des institutions sociales de l'Eglise : des diocèses et des ordres religieux, partout dans les pays du M.O., comme hôpitaux, orphelinats, centres pour handicapés et pour cas spéciaux, dispensaires, maisons de vieillards. Dans toutes ces institutions c'est la paix qui est vécue et traduite en actes et services. C'est l'Evangile de la paix qui est annoncé et témoigné et constitue une phare d'espérance pour ce Proche - Orient martyrisé par les guerres intestines.

14. Une autre contribution pour la culture de la paix est offerte par les familles à mariages mixtes, entre catholiques et non catholiques, entre chrétiens et musulmans, ainsi que par le vivre ensemble des citoyens de toute religion qui se retrouvent dans le travail, sur le marché et dans les institutions publiques.

15. Encore dans ces pays du M.O à système politique religieux, à l'exception du Liban, les chrétiens laïcs : ingénieurs, médecins, avocats, hommes d'affaires, financiers, économistes, entrepreneurs et autres, jouissent de la grande confiance des gouvernants et des citoyens, pour leurs capacités créatives et le respect des autorités locales. Ce sont des vrais promoteurs de la culture de la paix sur le plan du développement. D'ailleurs, les différents pays d'Occident reconnaissent sur ce plan les grandes possibilités des chrétiens orientaux accueillis chez eux.

16. Faisant marche en arrière dans l'histoire, nous constatons que, durant les différentes époques de l'Empire Arabe (661-1516) et sous l'Empire Ottoman ou Turc (1516 - 1916), le déclin de la civilisation arabo - musulmane allait de pair avec l'étouffement de la société chrétienne. Mais celle-ci a pu reprendre sa présence avec une plus grande efficacité. C'est pourquoi, parler d'un M.O. sans chrétiens est une chose impossible. L'on peut parler plutôt d'affaiblissement de la présence chrétienne à cause de l'exode des chrétiens. Cet exode des chrétiens de leurs pays d'origine à cause des guerres, des conflits, des crises socio-économiques et parfois des persécutions, fait perdre au Proche-Orient d'irremplaçables artisans de paix et de développement. Il fera perdre aussi aux musulmans la modération laquelle, grâce à la convivialité islamo-chrétienne, constitue jusqu'à maintenant la grande majorité chez les musulmans du Proche-Orient. Autrement l'Islam tomberait entre les mains des intégristes et fondamentalistes. Il fera perdre en plus à leurs Etats la qualité d'être, dans le siècle de globalisation, des Etats pluriculturels et pluriconfessionnels, où les chrétiens jouent le rôle de conciliateurs dans les conflits, de promoteurs d'ouverture et garants des rencontres.

III. Les moyens pour sauvegarder la présence chrétienne

17. Pour toutes les raisons susmentionnées, l'Europe et la Communauté Internationale sont appelées à veiller pour que les chrétiens restent dans leurs pays, avec les garanties nécessaires, eux qui existent en Orient depuis 2000 ans et sont des citoyens originaires et authentiques. Je propose ici les moyens aptes à créer une atmosphère de paix et de stabilité, pour pouvoir préserver la présence chrétienne au Moyen - Orient afin d' y promouvoir la culture de la paix. Ces moyens exigent des bonnes volontés.

a) Résoudre d'abord le conflit israélo - palestinien et israélo - arabe qui est à l'origine de tous les conflits et guerres qui enflamment le Moyen - Orient. Il y a déjà des Résolutions du Conseil de Sécurité à exécuter, et des Résolutions à prendre.

b) Mettre fin aux guerres en cours entre les pays sunnites et les pays shiites, en Syrie, Irak et Yémen, à travers les négociations politiques et le dialogue entre les parties en conflit. Par conséquent cesser de soutenir les belligérants en armes et en argent, et de les protéger politiquement, ainsi que les organisations terroristes. Quant à celles - ci il faut identifier les causes qui les ont provoquées et les remédier avec moins de dégât, afin d'endiguer le terrorisme et sauver la paix dans le monde. Il faut absolument aider les pays de la région à se dégager des conflits sanglants qui les consomment, peuples et civilisations.

c) Reconstruire le vivre ensemble européen et musulman sur les deux rives de la méditerranée, par un réengagement des européens sur la côte sud de la méditerranée, en remplacement de l'assistanat et de la force militaire. La méditerranée devrait devenir le pont culturel entre ces deux mondes, au lieu d'être la frontière de leur conflit. "L'union de la méditerranée", à l'initiative de la France, est le projet le plus vital pour que les chrétiens d'Orient restent sur leurs terres avec toute leur efficacité et que les européens reviennent et contribuent de nouveau au progrès et développement de l'Orient, comme ils l'ont fait dans le passé. Les chrétiens orientaux sont bien positionnés pour réaliser cette "union".

d) Déployer les forces nécessaires pour que l'Islam, aujourd'hui en éruption violente, ne se sente coincé, défié ou peu respecté et n'entre en confrontation avec l'Europe et l'Occident. Les chrétiens d'Orient et particulièrement ceux du Liban sont des collaborateurs essentiels pour cette mission si importante pour le monde.

e) Reconnaître que les chrétiens d'Orient, surtout les chrétiens du Liban, sont stratégiques pour une solution politique à long terme, une solution interculturelle intrinsèque, au lieu d'une solution militaire imposée, comme c'est le cas aujourd'hui en Palestine, Syrie, Irak et Yémen.

f) Sauvegarder le Liban et le rôle efficace des chrétiens pour garantir la marche vers la démocratie, les valeurs de la modernité et le développement dans la région. Car seul le Liban sépare entre Religion et Etat, où chrétiens et musulmans sont en pleine égalité de droits et obligations. Seulement au Liban, les chrétiens ont une présence politique respectable dans leur propre pays et dans le monde arabe. Le Liban, grâce à sa culture de convivialité, reste le seul espoir du vivre ensemble entre chrétiens, musulmans et autres. Son président chrétien Maronite de par le Pacte National est le garant de cette convivialité. Malheureusement l'élection d'un nouveau Président a été liée forcement aux issus des conflits en cours en Syrie et dans la région. Voilà qu'aujourd'hui même s'accomplissent onze mois de vacance présidentielle, due au boccage des séances parlementaires. Nous comptons sur la médiation des pays amis du Liban, et ceux qui ont une influence politique sur l'Iran et l'Arabie Saoudite, pour débloquer cette impasse parlementaire.

Conclusion

16. La paix est le don du Christ, "Prince de la paix" (Is 9 : 6). Lui-même est notre paix (Eph. 1 : 14). Elle se construit tous les jours. Elle est le fruit de la justice (Is 32 : 16) et porte un nouveau nom celui du développement (Paul VI, Populorum Progressio, n.76). Engageons - nous ensemble pour rendre à la terre du Moyen - Orient, d'où l'Evangile de la paix a été annoncé au monde, sa vocation originelle d'être le lieu de la rencontre et de la paix.

Je Vous remercie !



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Les chrétiens maronites inaugurent leur siège à Meudon - Le Parisien

Les chrétiens maronites inaugurent leur siège à Meudon - Le Parisien

Les chrétiens maronites inaugurent leur siège à Meudon

Jila Varoquier | Publié le Dimanche 26 Avril 2015, 19h52 | Mis à jour : 19h52


Meudon, dimanche. Le patriarche de l'Eglise Maronite Bechara Boutros Raï (à droite au deuxième rang) est venu inaugurer le nouveau siège national. (L.P./J.VA.)

La pluie a semé une joyeuse pagaille, ce dimanche après-midi, pour l'inauguration à Meudon du nouveau siège national de l'Église maronite, l'une des quatre Églises d'Orient, majoritaire au Liban.

Venu du Liban pour l'occasion, le patriarche maronite Bechara Boutros Raï a d'abord anticipé la cérémonie pour éviter les averses. Avant finalement de la célébrer à nouveau plus tard dans l'après-midi en raison de l'arrivée de nouveaux invités. Le tout, dans épais flou artistique : « Il ne faut pas nous en vouloir, nous sommes encore des novices », s'excuse l'un d'eux. Car cette double inauguration involontaire était à la hauteur de l'événement pour l'Église maronite. La création de cette nouvelle « éparchie » - ou circonscription – marque une petite révolution pour la communauté de 85000 membres.

« Nous avons enfin une autorité indépendante, explique un membre de la communauté. Jusqu'à présent notre prêtre en référait à l'Évêque de Paris, car nous sommes catholiques. Désormais, nous pouvons nous référer au notre. C'est une reconnaissance de notre spécificité ». « Il fallait attendre que l'Eglise se stabilise pour créer cette autorité, précise Eddy de la communauté. Or, après les grands mouvements migratoires des années 1970, nous assistons à l'arrivée de beaucoup de jeunes étudiants». Mais il le précise : «Au Liban, ça va. Les chrétiens ne sont pas persécutés comme dans d'autres pays du Moyen-orient ».

Car c'était aussi l'objectif de la tournée parisienne du patriarche de l'Église. Il y a quelques jours, à l'Unesco, il a lancé « un appel angoissé à tous les guetteurs d'aurore d'Orient et d'Occident » pour qu'ils aident les chrétiens d'Orient.

« Toutes les églises des chrétiens catholiques et orthodoxes – coptes, syriaques, maronites, chaldéens, grecs ou arméniens, ont constitué la base culturelle de toute cette région, lance-t-il. Cet exode des chrétiens fait perdre au Proche-Orient d'irremplaçables artisans de la paix et de développement ». Il en appelle à résoudre notamment le conflit israélo-palestinien ainsi que les guerres en Irak, Syrie et Yémen, pour apaiser les tensions.

Qui sont les maronites ?

La communauté maronite est l'une des quatre Eglises d'Orient. Elle emprunte son nom à «Maron», un moine qui a vécu au 5è siècle après Jésus Christ et dont les Maronites sont les disciples. Lors des conquêtes musulmanes et de la chute de Byzance, ils se réfugient au Liban. Ils y sont aujourd'hui encore la plus importante communauté chrétienne orientale. Catholiques, ils reconnaissent la papauté de Rome et le Pape François. Les maronites constituent une diaspora de trois millions de personnes dans le monde. Ils seraient près de 85 000 en France, arrivés principalement au 20e siècle. Elevés au rang «d'éparchie» - diocèse pour les Eglises d'Orient - depuis 2012, ils cherchaient depuis lors un lieu pour implanter leur siège.

Le Parisien



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dimanche 26 avril 2015

« Avant, l’Irak était une vraie mosaïque aux couleurs multiples »

« Avant, l'Irak était une vraie mosaïque aux couleurs multiples »

25/42015

« Avant, l'Irak était une vraie mosaïque aux couleurs multiples »

Des yézidis, relâchés par des membres de l'Etat islamique, à Kirkouk, le 8 avril.

Né à Mossoul en 1949, Mgr Yousif-Thomas Mirkis est entré dans l'ordre dominicain en 1975. Il a obtenu son doctorat en théologie à l'université de Strasbourg et un DEA en anthropologie à l'université de Nanterre. Entre 2003 et 2013, il a vécu les violences faites aux chrétiens à Bagdad. En 2013, il est devenu archevêque du diocèse chaldéen de Kirkouk, une ville multiethnique en Irak, et de Souleimaniyé, au Kurdistan irakien. La prise de Mossoul, le 10 juin 2014, puis l'invasion de la plaine de Ninive, dans le nord de l'Irak, le 7 août 2014, ont poussé 120 000 à 150 000 chrétiens sur le chemin de l'exode. Parmi eux, 750 familles se sont réfugiées à Kirkouk. Le Monde a rencontré Mgr Mirkis à Paris.

Quelle est la situation dans votre diocèse ?

Quand l'Etat islamique (EI) a envahi Mossoul et la vallée de Ninive, des gens ont été déplacés à Kirkouk et Souleimaniyé. Kirkouk, qui est une ville d'environ un million d'habitants, a accueilli 400 000 réfugiés de tout le pays dont des chrétiens. Mon diocèse, qui regroupe 8 000 personnes, a vu sa population doubler. Depuis août 2014, nous devons leur trouver de la nourriture, un toit, soigner les malades, trouver des écoles pour les enfants, accueillir les étudiants qui doivent compléter leurs études.

On essaie de vider les bas de laine, de faire ce que l'on peut avec le peu que nous avons. On reçoit très peu d'aide du gouvernement. L'aide vient des organisations comme la Croix-Rouge, le Croissant rouge, Caritas ou des représentants de l'ayatollah Ali Al-Sistani, le guide spirituel chiite. Chaque communauté essaie d'aider. On écrit à nos amis dans le monde pour qu'ils nous aident. Beaucoup ont répondu à l'appel. Beaucoup de bénévoles viennent. Dans notre dispensaire, 15 médecins viennent à tour de rôle. Parmi eux, 10 sont musulmans.

Y a-t-il des tensions confessionnelles à Kirkouk ?

A l'intérieur de Kirkouk, il n'y a pas de tensions confessionnelles. L'idéologie véhiculée par l'EI est rejetée par 95 % des Irakiens, qu'ils soient sunnites, chiites, turkmènes ou kurdes.

Lire aussi l'éditorial du "Monde" : En Irak, un crime contre l'histoire de l'humanité

L'EI représente-t-il encore une menace pour la ville ?

L'EI se trouve à 15 kilomètres de Kirkouk, à Hawija notamment. Il y a trois mois, il a fait une tentative de percée à Kirkouk et une attaque a été perpétrée contre le commissariat central. Les combattants kurdes irakiens, les peshmergas, sont toujours attaqués sur le front mais, depuis la bataille pour reprendre Tikrit, en mars, la ville subit moins la menace de l'EI.

Avez-vous le sentiment que les chrétiens sont une cible prioritaire après les menaces proférées par l'EI contre la communauté, parallèlement à l'exécution de chrétiens d'Erythrée et d'Ethiopie en Libye ?

Les autres minorités sont aussi des cibles : les yézidis, les chabak, les kakais… Avant, l'Irak était une vraie mosaïque aux couleurs multiples. Nos problèmes en tant que chrétiens sont moindres que pour les yézidis, par exemple, dont 1 200 femmes ont été kidnappées et faites esclaves et 700 hommes tués. Il n'y a eu en Irak que quelques chrétiens tués. Le fanatisme exclusif n'accepte pas les différences.

Lire aussi la synthèse : Le cri d'alarme du pape en faveur des chrétiens persécutés

Leur nouveau message est hollywoodien. Ils utilisent YouTube de façon sophistiquée pour l'Occident, pour terroriser les gens. C'est un peu la même méthode chez tous les terroristes qu'ils soient musulmans ou non. L'EI est composé de gens entre 20 et 25 ans, dont 5 000 Européens qui ont passé leur vie dans les banlieues ici ou ailleurs et sont imprégnés de films qui sont à la limite entre le réel et l'irréel.

Que doit faire la communauté internationale ?

Ça se résume à une chose : ne nous oubliez pas. Mais on ne peut pas s'en sortir en tant que minorité. Il faut aussi englober la majorité, qu'elle soit sunnite, chiite ou kurde. Il faut nous aider de l'extérieur : que les médias, les politiciens dénoncent les mauvaises actions car si l'alerte est donnée depuis l'extérieur, elle aura plus d'impact que si elle vient de l'intérieur.

Que faire pour les femmes vendues par Daech [acronyme arabe de l'EI] ? Même le gouvernement central ne peut rien faire. Mais, si une juridiction internationale considère que c'est un génocide, c'est déjà beaucoup. Il faut inscrire ces gens sur des listes pour que l'on puisse les poursuivre même dans vingt ans, comme on l'a fait pour les Khmers rouges. Il faut poser les jalons pour demain. Que ces gens-là ne puissent fuir nulle part. Il faut essayer de trouver qui alimente l'EI, quels sont les pays qui ont intérêt à ce que l'EI vive.

Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a promu aux Nations unies une résolution pour protéger les minorités persécutées. Comment peut-on protéger les minorités en Irak ?

Il ne faut pas que les minorités soient considérées comme des citoyens de seconde zone. L'idéologie islamique les met devant un mur en leur offrant la conversion, le statut de dhimmi ou l'exil. Je souhaite que la religion n'apparaisse plus sur la carte d'identité irakienne. Cela ferait sentir aux minorités qu'elles sont des citoyens à part entière. Si des mesures radicales ne sont pas prises et que l'on continue à parler des chrétiens comme d'une minorité, on risque de tomber dans un véritable cauchemar. Le mot minorité est un non-sens. On est citoyen ou on ne l'est pas.

Lire aussi : A l'ONU, l'appel de la France pour protéger les minorités au Moyen-Orient

Etes-vous favorable à l'accueil des chrétiens irakiens qui vivent en exil depuis l'été 2014 à l'étranger et en France notamment ?

Quand la France dit qu'elle accueille des réfugiés, elle accueille 1 000 chrétiens sur les 400 000 chrétiens d'Irak. Que fait-on des 399 000 autres ? Ce n'est pas une solution. C'est de la discrimination entre chrétiens et avec les autres minorités. Cette espèce de générosité ressemble davantage à de la publicité pour la France, terre d'accueil.

Il faut nous aider à trouver une solution sur place. Comme le fait l'organisation Fraternité en Irak quand elle vient nous voir pour les fêtes de Pâques avec des médicaments et des dons récoltés chez les gens. De l'argent, des prières et des gens, c'est ce que l'on attend de la France. Au lieu de devoir faire face à un nouveau Lampedusa et de déployer des efforts pour nous accueillir chez vous, où il nous faudra de toute manière plusieurs générations pour nous intégrer, aidez-nous à rester vivre dans notre beau pays.



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Chrétiens d'Orient -actualtės du 26/4/2015



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Date: 26 avril 2015 12:02:45 UTC+3
Chrétiens d'Orient ACTUALITÉS
L'Express
Valls : « Les chrétiens d'Orient sont en train d'être éradiqués »
Le Premier ministre français Manuel Valls a estimé hier que les chrétiens d'Orient étaient « en train d'être éradiqués » et a appelé à « mettre un terme ...
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La Vie
Moyen-Orient
5. reconnaître que les chrétiens d'Orient, surtout les chrétiens du Liban, pourraient jouer « un rôle conciliateur » dans les conflits de la région « pour ...
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Nouvelles d'Arménie
A Erevan, Hollande appelle Ankara à reconnaître le génocide arménien
"C'est pourquoi il était important d'être ici, à Erevan, pour appeler à la défense de toutes les minorités et notamment des chrétiens d'Orient", a-t-il ...

L'appel angoissé du patriarche maronite le cardinal Raï - Religions - La Vie

L'appel angoissé du patriarche maronite le cardinal Raï - Religions - La Vie

L'appel angoissé du patriarche maronite le cardinal Raï

« Je viens porter ici la voix de ceux à qui on a ravi la voix; je viens attester ici de la détresse de millions de refugiés, de déplacés, d'enfants, de vieillards, de femmes et d'hommes qui ont perdu les leurs, à qui on a volé leur pays, leurs biens et détruit leur avenir; je viens témoigner ici devant vous de l'immense et indicible douleur de ceux qu'on a persécutés pour leur foi, de ceux dont on a insulté l'identité au nom de Dieu cause invoquée par d'impitoyables meurtriers; je viens crier ici la cause de ceux qui attendent la fin de la nuit et qui espèrent leur salut s'une communauté intenternationale qui tarde malheureusement à arrêter l'œuvre de mort d'assassins sans foi et sans frontières », a lancé à la tribune de l'Unesco le cardinal Raï, Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient pour les Maronites le 25 avril, devant un parterre de diplomates et de religieux. Un discours particulièrement fort où il a décrit la « situation dramatique » du Moyen Orient. La voix vibrant d'émotion, il a lancé un appel à la communauté internationale « pour arrêter les guerres, imposer le retour des déplacés dans leur région et la récupération de tous leurs biens et leurs droits ».

> Document : Le discours à l'UNESCO du Patriarche Cardinal Béchara Boutros Raï en intégralité


Dans cette allocution d'une demi-heure, le patriarche maronite a rappelé le rôle crucial de la présence chrétienne bi-millénaire au Moyen Orient, expliquant que les différentes Eglises avaient « constitué avant l'apparition de l'Islam au VIIè siècle et la création des Etats actuels du Moyen-Orient la base culturelle de toute cette région moyen-orientale. »

Ainsi, a-t-il affirmé, « l'exode actuel des chrétiens des pays d'Orient à cause des guerres, des conflits, des crises socio-économiques et des persécutions fait perdre au Proche Orient d'irremplaçables artisans de paix et de développement ». Sans compter, a-t-il ajouté, que  « cet exode affaiblira aussi le rôle des musulmans modérés qui constituent jusqu'à présent la grande majorité des musulmans du Proche-Orient » et qu'il « fera perdre en plus aux Etats arabes la qualité d'Etats pluri culturels et pluri confessionnels dans un monde globalisé où les chrétiens jouent le rôle de conciliateurs dans le conflit, de promoteurs d'ouverture et de garants de rencontre. »  

Pour sauvegarder la présence chrétienne au Moyen Orient, il a avancé 5 pistes :

1. résoudre d'abord le conflit israélo palestinien et israélo arabe « qui est à l'origine de toutes les guerres qui embrasent le Moyen-Orient », 

2. mettre fin aux guerres en cours en Syrie, en Irak et au Yemen « à travers les négociations politiques et le dialogue entre les parties en conflit; par conséquent, cesser de soutenir politiquement, financièrement et en armes les belligérants et les organisations terroristes; quant à celles-ci, il faut identifier les causes qui les ont provoquées et y remédier pour endiguer le terrorisme et sauver la paix dans le monde »,

3. reconstruire le vivre ensemble entre toutes les religions et dans tous les pays « par un réengagement universel en remplacement de l'assistanat et de la force militaire »,

4. déployer les efforts nécessaires pour que l'Islam aujourd'hui en éruption violente ne se sente marginalisé et n'entre en confrontation avec d'autres civilisations, 

5. reconnaître que les chrétiens d'Orient, surtout les chrétiens du Liban, pourraient jouer « un rôle conciliateur » dans les conflits de la région « pour une solution politique à long terme, une solution interculturelle intrinsèque au lieu d'une solution militaire imposée »,

6. protéger la formule libanaise « qui a fait ses preuves ainsi que le rôle de la communauté chrétienne afin de garantir l'évolution de la démocratie, les valeurs de la liberté et du développement dans la région car seul le Liban sépare religion et Etat où chrétiens et musulmans sont en pleine égalité de droit et d'obligation »,

« Parler d'un Moyen-Orient sans chrétiens est une chose impossible », a-t-il lancé sous les applaudissements avant de conclure sur un cri : « Du cœur de la nuit qui nous recouvre au plus sombre des ténèbres qui nous enveloppent, je lance un appel angoissé à tous les guetteurs d'aurore d'Orient comme d'Occident, d'Europe, du monde arabe et du monde entier, de la Chrétienté comme de l'Islam, pour qu'ils nous aident à faire lever l'espérance et conforter encore plus des populations abandonnées, désemparées, persécutées dans cette âpre volonté qui est la leur de ne pas se résigner au malheur.»



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samedi 25 avril 2015

Valls: «Les chrétiens d’Orient sont en train d’être éradiqués» - Libération

Valls: «Les chrétiens d'Orient sont en train d'être éradiqués» - Libération

Valls: «Les chrétiens d'Orient sont en train d'être éradiqués»

Manuel Valls salue les participants aux commémorations du 100e anniversaire du génocide arménien, le 24 avril 2015 à Paris

Manuel Valls a dénoncé vendredi le sort des chrétiens d'Orient, qui sont «en train d'être éradiqués», et a appelé à «mettre un terme à l'entreprise d'extermination conduite par Daech», notamment en Irak et en Syrie.

«La France est toujours du côté des victimes» et «les victimes aujourd'hui, ce sont aussi les chrétiens d'Orient. Là encore, nous devons nommer les choses, établir la vérité: les chrétiens d'Orient – c'est le cas aussi d'autres minorités – sont en train d'être éradiqués dans cette région à travers ce terrorisme effrayant», a déclaré le Premier ministre lors d'une cérémonie à Paris de commémoration du centenaire du génocide arménien.

«Leur sort a été évoqué au Conseil de sécurité de l'ONU pour la première fois il y a quelques semaines, à l'initiative de la France. Nous devons mettre un terme à l'entreprise d'extermination conduite par Daech» ou groupe Etat islamique (EI), a-t-il insisté.

Devant la statue du Père Komitas (1869-1935), prêtre orthodoxe et chantre arménien, le chef du gouvernement a rappelé, en présence notamment du maire PS de Paris, Anne Hidalgo, qu'il y a tout juste un siècle, «les Arméniens ont été décimés, victimes d'un crime de masse». «Et la première responsabilité, la première exigence morale, c'est de regarder ce crime en face et de l'appeler par son nom: ce crime, c'était un génocide», a-t-il dit.

«Ne pas oublier les génocides, c'est aussi tout faire pour les éviter, pendant qu'il est encore temps», a assuré Manuel Valls en appelant à «être particulièrement vigilant au sort des Arméniens de Syrie». «Une nouvelle fois, des Arméniens sont persécutés parce qu'ils sont Arméniens. Fermer les yeux serait coupable», a-t-il souligné.

«Ici, à Paris, nous entendons ainsi accélérer le mouvement en faveur de la reconnaissance du génocide en demandant la pénalisation de sa négation», a lancé Anne Hidalgo.

La première magistrate de Paris a décidé que la Tour Eiffel serait éteinte à 21h30 et durant toute la nuit, «un geste historique inédit» en faveur des victimes du génocide arménien.

Près de 10.000 personnes ont participé à ces cérémonies, selon les organisateurs et la Ville de Paris.



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1915-1918 : Jamal pacha, « le boucher », seul responsable de la grande famine au Liban ? - May MAKAREM - L'Orient-Le Jour

1915-1918 : Jamal pacha, « le boucher », seul responsable de la grande famine au Liban ? - May MAKAREM - L'Orient-Le Jour

25/4/2015-1915-1918 : Jamal pacha, « le boucher », seul responsable de la grande famine au Liban ?

Trois manifestations au campus des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph ont marqué le centenaire de la grande famine au Liban : l'exposition de photos inédites de la collection Ibrahim Naoum Kanaan sur la grande famine de 1915 au Liban ; la signature de l'ouvrage Le peuple libanais dans la tourmente de la grande guerre 1914-1918, par Christian Taoutel et Pierre Wittouck s. j. ; et la table ronde dirigée par Carla Eddé, regroupant l'historien et avocat à la cour Youssef Mouawad ainsi que Christian Taoutel, professeur d'histoire à l'USJ, et Émile Issa el-Khoury, président de Lebanus et petit-fils d'Ibrahim Naoum Kanaan.

L'exposition, qui se déroulera jusqu'au 3 mai au campus des sciences humaines, révèle les scènes tragiques de la famine qui a sévi au Liban. Des flashs violents de mères squelettiques portant leur enfant mort ; des enfants décharnés au regard désemparé ou en sanglots devant l'agonie de leur mère, de leur père ou de leur fratrie ; des hommes affamés, désespérés, traînant les cadavres de leurs proches, ou encore un pendu à l'entrée de sa maison après avoir perdu sous ses yeux tous les membres de sa famille. Avec un courage peu ordinaire, Kanaan a capté les souffrances indicibles. Ses clichés inédits sont le témoignage unique de la grande famine et d'une population morte de faim.

Né à Beyrouth, Ibrahim Naoum Kanaan (1887-1984) est originaire du village de Abey dans le caza de Aley. En 1916, il occupait le poste de directeur principal des assistances gouvernementales au Mont-Liban. Émile Issa el-Khoury raconte qu'à la tombée de la nuit, son grand-père « Ibrahim s'emparait de sacs de farine qu'il portait lui-même sur le dos pour aller les distribuer clandestinement, mettant ainsi sa vie et sa fonction professionnelle en danger. Animé par un idéal de liberté, il forma même avec un certain nombre de collègues un mouvement secret indépendantiste qui lutta pour la fin de l'occupation ottomane. Manipulant très tôt la caméra, il l'utilisa comme arme redoutable pour retransmettre à la postérité les atrocités vécues par son peuple et dont il fut le témoin oculaire ».

« Commémorer cette étape de l'histoire est un devoir moral et une cause humaine pour que les nouvelles générations soient mieux attentives à cet événement qui pèse encore sur notre mémoire collective et individuelle », a dit à cette occasion le père Salim Daccache, recteur de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. Il a tenu à souligner que « la répétition de cette grande famine se fait autour de nous, dans un pays proche, comme si les régimes politiques d'hier transmettent leur hargne contre les civils abandonnés à leur sort (...) ».

Collection privée Ibrahim Naoum Kanaan – Reproduction spécialement autorisée à L'Orient-Le Jour par Mme Nayla Kanaan Issa el-Khoury propriétaire de ces photos.

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Profiteurs, accapareurs et usuriers...
Comment expliquer que le pays commémore la date du 6 mai, en souvenir des martyrs nationalistes exécutés, en 1916, par Jamal pacha et oublie ce pan de l'histoire ? s'est demandé pour sa part l'historien Youssef Mouawad. Sans mâcher ses mots, il fait observer que la famine est perçue comme « une affaire chrétienne ». « Le souvenir des chrétiens et musulmans morts sur le gibet montre l'unité du Liban, alors que cette abominable catastrophe ne concernait qu'une composante sociale. Elle était davantage une histoire sécessionniste puisque les régions les plus touchées, comme le Mont-Liban, étaient à 80 % chrétiennes, dit-il. Mais cela n'absout pas l'État libanais qui est dépositaire et garant de la mémoire nationale. »

Une étude récente publiée par la chercheuse allemande Linda Schilcher révèle que sur les 500 000 morts de faim et de malnutrition en Syrie géographique, on décompte 200 000 victimes chrétiennes dans les régions septentrionales du Mont-Liban et 15 000 druzes. « Un chiffre énorme pour une portion de territoire aussi réduite et dont la population était évaluée entre 414 000 et 496 000 habitants », souligne Youssef Mouawad, ajoutant que la population des villes a souffert de la faim mais « elle n'est pas morte de faim ». Cette situation tragique a été provoquée par un nombre de facteurs : les réquisitions systématiques des récoltes et denrées alimentaires par les troupes ottomanes ; le blocus imposé par Jamal pacha à une région dont le relief montagneux ne pouvait assurer que quatre mois de subsistance par an ; le blocus maritime des flottes alliées en Méditerranée ; le ravage des sauterelles en 1915 ; la sécheresse en 1916 et le rôle de certains Libanais, « profiteurs, accapareurs et usuriers, qui n'ont pas hésité à tirer profit de la situation pour s'enrichir, contribuant ainsi à l'aggravation de la famine ». Sans oublier les épidémies comme le typhus, le choléra ou la typhoïde entre 1914 et 1916.

L'historien et avocat a, d'autre part, rejeté l'utilisation du terme « génocide » ainsi que la déclaration du ministre turc de la Guerre Enver pacha qui a dit en 1916 : « Le gouvernement ne pourra regagner sa liberté et son honneur que lorsque l'Empire ottoman aura été nettoyé des Arméniens et des Libanais. Nous avons détruit les premiers par le glaive, nous détruirons les seconds par la faim. » « Pour moi, ce n'est pas le cas. Pour qu'il y ait un génocide, il faut une intention d'éradiquer une population. Or l'intention, dans ce cas précis, n'a pas pu être établie. Ces propos sont apocryphes. Les Ottomans étaient ravis que les chrétiens disparaissent, mais ils n'ont pas procédé à leur élimination de manière systématique », note-t-il.

Prenant à son tour la parole, Christian Taoutel a mis l'accent sur l'importance des archives des pères jésuites qui « dévoilent et brisent un douteux silence et étonnant oubli de cette période si dramatique de l'histoire du Liban ». Il livre quelques passages des fameux « diaires » (le journal) des pères jésuites. En septembre 1916, de Ghazir, P. Angélil écrit : « Rien ne perce plus profondément le cœur d'un missionnaire impuissant à secourir la misère et condamné à voir tant de calamités. La mort lui est plus souhaitable. » Dans son diaire du 28 juin 1915, le père Mattern consigne : « Dégâts immenses des sauterelles au Liban. Famine. Il n'y a plus de blé à Beyrouth. Taanaïl et Ksara, ravagés par les sauterelles... » Dans une lettre de mai 1915, le P. Ronzevalle écrit que l'attitude de Jamal pacha (dit al-saffah) serait devenue tout à fait hostile aux chrétiens et aux francophiles. Il ajoute : « On ne peut plus y tenir, on y meurt littéralement de faim. À Achkout, en deux mois, on a vu mourir de faim 97 habitants sur 450 qu'ils sont. Beaucoup d'autres villages ont perdu le quart, le tiers et même la moitié de leurs habitants. » Le 31 décembre 1916, sur la dernière page de son diaire, le P. Angélil souligne : « On veut nous faire périr doucement, sans bruit, ni sang. » Pour conclure, Christian Taoutel a rendu hommage au P. Alex Bassili et au P. Sélim Abou « sans lesquels ces archives seraient restées muettes ».

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