OLJ , Fadi Noun ,20-6-2017
On a dit souvent que c'est dans la « petite histoire » qu'on trouve le sens de la grande, ou du moins des liens secrets qui relient des événements apparemment sans liens entre eux. Cette règle se vérifie une fois de plus dans le cas des apparitions de la Vierge Marie à Fatima (13 mai-13 octobre 1917), dont l'Église catholique affirme l'authenticité et dont elle fait grand cas en ce centenaire.
Le pape François, qui a placé tout son pontificat sous ce signe, a consacré le monde au Cœur Immaculé de Marie, le 13 octobre 2013, devant la statue même du sanctuaire de Fatima (Portugal), acheminée à Rome pour l'occasion. À sa suite, beaucoup de chefs d'Église et d'évêques le feront, et dimanche prochain, 25 juin, ce sera au tour du Liban et du Moyen-Orient de l'être. Une « Journée du Liban à Fatima » est prévue du samedi 24 dans l'après-midi au dimanche 25 mai, dans le grand sanctuaire portugais, au cours de laquelle le patriarche Raï conduira le chapelet et la procession aux flambeaux, samedi, et célébrera la messe de consécration, dimanche. Le pèlerinage est organisé par la Commission patriarcale de consécration du Liban et du Moyen-Orient et le sanctuaire de Harissa. Plusieurs autres patriarches et évêques y participeront.
Entre le 13 mai 1917 et le 13 octobre 1917, dans le petit hameau de Fatima, au Portugal, le 13 de chaque mois, six rendez-vous successifs ont été donnés par la Vierge à trois enfants, Lucie, Jacinthe et François, qui faisaient paître leur maigre troupeau dans des pâturages des environs. À travers eux, la Vierge va adresser au monde un message d'avertissement dont, à l'époque, il n'a pas été tenu compte. Ce rejet nous a valu (très schématiquement) la révolution russe (1917), la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et l'attentat contre Jean-Paul II (13 mai 1981). L'histoire des apparitions est du domaine public et, pour cette raison, beaucoup de spéculations, positives et négatives, l'entourent, qu'il est impossible d'évoquer ici.
Retenons seulement que pour épargner au monde entier les égarements du communisme (la révolution bolchevique date d'octobre 1917), la Vierge avait demandé au pape, le 13 mai de cette même année (soit cinq mois auparavant), la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé, en union avec tous les évêques catholiques du monde. Pour des raisons de convenance embarrassantes sur le plan diplomatique, cet acte de consécration n'avait pas été publiquement fait à l'époque. Toutefois, sensible à la demande, Pie XII l'avait accompli – imparfaitement – en 1942, en pleine guerre mondiale. Les papes Jean XXIII et Paul VI s'y étaient dérobés. Ce sera finalement Jean-Paul II qui satisfera, avec plus de trente ans de retard, à la demande.
Devenue religieuse, sœur Lucie, la seule des trois enfants à être restée en vie et à laquelle Notre-Dame avait continué à apparaître occasionnellement, après 1917, devait affirmer que des quatre consécrations effectuées (une par Pie XII et trois par Jean-Paul II), seule la dernière avait répondu aux exigences du Ciel, celle du 25 mars 1984. L'implosion de l'Union soviétique, en 1989, sans un seul acte de violence, fut comme une vérification de la parole énigmatique prononcée en 1917, en pleine révolution bolchevique, sans que quiconque ne soupçonne les bouleversements historiques qui l'accompagneraient.
La dernière apparition de la Vierge à Fatima eut lieu le 13 octobre 1917. Ce jour-là, à la demande des enfants et de la hiérarchie religieuse dont ils avaient relayé la demande, la Vierge avait promis de donner « un signe » authentifiant son message et sa personne. En présence d'une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui s'étaient rassemblées sur les lieux de l'apparition, elle avait tenu sa promesse et le soleil avait « dansé » en tournoyant sur lui-même puis en se détachant du ciel et en fonçant sur la terre sous les regards affolés de la foule, qui crut un instant la fin de la terre imminente. Puis le soleil reprit sa position normale et le prodige s'arrêta.
À ceux qui, contre toute évidence, crurent à une hallucination collective, la Vierge accorda un signe supplémentaire. Leurs habits et la terre trempés par une pluie persistante ce jour-là se retrouvèrent miraculeusement secs après le prodige. De nombreux journaux en rapportèrent la nouvelle.
Où est donc le fil secret ? Le 13 octobre 1884, soit 33 ans jour pour jour avant le grand signe accordé à Fatima (l'âge du Christ au moment de sa mort en croix, dans la tradition catholique), le pape Léon XIII, l'un des grands pontifes de l'Église catholique, après une messe célébrée au Vatican, était entré en extase durant une dizaine de minutes, profondément absorbé par une vision effrayante, celle d'un dialogue sur le destin de la terre entre Jésus et Satan, l'adversaire qu'il avait affronté au désert, comme le rapportent les Évangiles. Au cours de cette vision, il fut donné au pape de voir sortir d'un abîme sans fond une myriade d'esprits impurs aux formes effrayantes déterminés à détruire l'Église. Léon XIII s'était immédiatement installé à son bureau et avait composé une prière qu'il ordonna de réciter à la fin de chaque messe, et qui le fut très longtemps. Il y confiait à saint Michel archange la mission de défendre l'Église.
Le combat où l'Église est engagée est un combat spirituel séculaire, qui passe par les événements que traversent les nations, comme par les circonstances que nous vivons, individuellement. Pour un chrétien, l'histoire va quelque part; le temps n'est pas cyclique. L'acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie n'est pas un acte « magique », compris comme une espèce de contrat entre « esprits » avec obligation de résultat. C'est une façon d'exprimer notre fidélité entière à Celui dont l'amour et le sang nous ont transposés « des ténèbres à Son admirable lumière », et de nous en remettre à celle dont il a « pris chair » et à qui Il a conféré, selon Son bon plaisir, l'autorité d'être « Reine du ciel et de la terre ».