Eric de Legge | 30 octobre 2017
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L’évêque de Versailles, Mgr Eric Aumonier, rentre d’une visite de trois jours à Alep.
C’est la première visite d’un évêque français à Alep
Cest la première visite d’un évêque français à Alep, deuxième ville de Syrie, depuis la fin des combats. Avec Marc Fromager, directeur de l’AED France et le père Yves Genouville, l’évêque de Versailles s’est rendu du 23 au 26 octobre à Alep pour manifester concrètement le lien de prière qui unit son diocèse aux chrétiens restés dans la ville.
Aleteia : Vous rentrez d’un déplacement de trois jours à Alep. Qu’est-ce qui l’a provoqué ?
Mgr Eric Aumonier : Depuis l’année Saint-Louis en 2014 qui célébrait l’anniversaire de la naissance de notre saint patron, j’encourage les fidèles du diocèse à prier régulièrement pour les chrétiens d’Orient et plus particulièrement les carmélites d’Alep. En effet, ces religieuses portent depuis cette date notre diocèse dans la prière et nous avons manifesté notre souci d’être en communion avec elles, compte-tenu des épreuves qu’elles traversent. Même quand elles étaient sous les bombes, nous avons gardé le contact. Et quand Alep a été libéré au début de l’année, au lieu de leur manifester notre soutien par un simple mail , j’ai souhaité me rendre sur place pour les remercier et leur redire notre communion de prière. Ce déplacement, c’est avant tout la manifestation concrète d’un lien de prière.
Qu’avez-vous vu sur place ?
La guerre est finie sans l’être tout à fait. C’est un spectacle de désolation. Tout Alep Est qu’occupait Daesh est détruit. Sur des kilomètres et des kilomètres ce ne sont que des immeubles éventrés ou effondrés. On ne croise que l’armée ou des milices. À Alep Ouest, là où le gouvernement tenait la position, la ville est très abîmée, mais on voit que la vie reprend peu à peu. À ceci près qu’il ne reste dans la population que des personnes âgées, des jeunes enfants et des femmes. Ceux qui sont en âge de porter les armes sont au front. Les cadres, médecins, ingénieurs, etc. ont fui le pays.
Alep est une ville historiquement chrétienne. Comment évaluez-vous la présence des chrétiens aujourd’hui après quatre ans de conflit ?
Au moins la moitié, sinon les deux tiers des chrétiens qui étaient là n’y sont plus. Les prêtres sont restés tout comme Mgr Jeanbart, archevêque melkite d’Alep dont l’évêché a été dévasté et Mgr Audo, évêque chaldéen catholique d’Alep. Et si la cathédrale melkite est toujours debout, elle a, elle aussi, été victime des bombardements et n’a plus de toiture. Les chrétiens sont soulagés du départ de Daesh, mais on ne devine pas le traumatisme des chrétiens qui sont restés. Ces mères de famille, ces enfants, qui pendant cinq ans n’ont pas pu se soigner, ont tenté de sauver leur vie quand le mari était au front. Avec la fin du conflit, la question désormais pour ces femmes est de retrouver des forces pour vivre. Il y a des questions matérielles, il leur faut trouver de l’eau, de quoi se nourrir, se vêtir et mettre les enfants à l’école. Mais il y a aussi et surtout à se libérer des souffrances qu’elles ont endurées pendant des mois. Elles n’ont jamais pu en parler à personne, la mère ne voulant pas faire souffrir davantage ses enfants. Aujourd’hui beaucoup doivent pouvoir s’exprimer, se libérer de ce poids. Les religieuses d’Alep, franciscaines et carmélites, et des prêtres font, à ce titre, un remarquable travail d’écoute. C’est un travail psychologique et spirituel qui est essentiel.
Dans quel état d’esprit sont les chrétiens restés sur place ?
Ce qui m’a frappé c’est la dignité et la foi simple des personnes qui sont encore là. La foi des ecclésiastiques et des religieuses, au milieu de tant d’épreuves, m’a impressionné. On sort renforcé dans notre propre foi d’une telle visite. Quand on sait que les carmélites d’Alep ont été soumises à des bombardements sans cesse pendant plusieurs années et que malgré cela elles gardent un sourire et une joie intérieure profonde, on ne peut être que impressionné. C’est une joie qui vient du Christ ressuscité, qui vient de Dieu, qui vient de la présence de Dieu en elles. Au fond, elles nous livrent à nous, occidentaux vivant en paix, un message très simple : elles donnent l’exemple que Dieu seul compte, qu’Il est toujours présent. Que Dieu est à l’intérieur des cœurs.
Que restera-t-il ce cette visite pour les chrétiens d’Alep et pour votre diocèse ?
J’espère qu’elle sera une nouvelle pierre au bel édifice de communion de prière qui existe entre nous. Au fur et à mesure que la paix s’imposera, j’espère que ce lien se maintiendra et s’intensifiera. J’ai laissé aux carmélites d’Alep une médaille et une image de Saint-Louis. C’est très symbolique. Mais en définitive ce déplacement était une manière de leur dire que notre attention n’est pas seulement une attention de loin, mais que nous aspirons à manifester par notre présence notre communion fraternelle.