Egypte: les
leaders religieux du monde refusent la judaïsation de Jérusalem
18.01.2018 par
Jacques Berset, cath.ch
Le président
palestinien Mahmoud Abbas et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmed El-Tayyeb ont
appelé les Arabes à manifester leur soutien au peuple palestinien lors d’une conférence mondiale de soutien à Jérusalem, tenue les 17
et 18 janvier 2018 au Caire.
Mahmoud Abbas a
appelé les Arabes à se rendre à Jérusalem, soulignant que leur venue ne
légitimerait en aucun cas le contrôle d’Israël sur la ville. Selon lui, les
appels au boycott ne font que nuire aux Palestiniens. “Nous espérons que vous
ne nous laisserez pas seuls avec l’occupation”, a lancé le président
palestinien à l’adresse de l’audience internationale. Visiter
Jérusalem ne veut pas dire visiter Israël ou accepter une normalisation de la
situation d’occupation, a-t-il laissé entendre.
Pour les
Palestiniens, le boycott est contre-productif
De nombreux
responsables égyptiens, dont les chefs religieux d’Al-Azhar, la plus haute
institution de l’autorité islamique sunnite, et l’Eglise copte orthodoxe
d’Egypte, refusent depuis des décennies de se rendre à Jérusalem pour protester
contre l’occupation israélienne.
Le président
palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que depuis la décision unilatérale prise le
mois dernier par le président américain Trump de reconnaître Jérusalem comme la
capitale de l’Etat d’Israël, 30 Palestiniens ont
été tués, 7’000 blessés et 1’000 arrêtés.
Cette
importante conférence islamo-chrétienne intitulée “L’identité arabe de la Ville
Sainte (al Qods, Jérusalem) et son message” était placée sous les auspices du
président égyptien Abdel Fatah al-Sissi et a attiré des responsables de 86 pays. Dans son intervention, le pasteur Olav
Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises (COE), a
notamment insisté sur le fait que l’avenir de Jérusalem ne saurait être qu’un avenir commun.
La Ville trois
fois sainte n’appartient pas qu’aux Israéliens
“Il ne peut appartenir à une seule confession au détriment
des autres, ni à un seul peuple contre les autres. Jérusalem est et doit rester
la ville de trois religions et de deux peuples”, a-t-il insisté.
“Jérusalem est considérée comme une Ville sainte, elle est aimée, véritablement
et profondément, par les trois religions abrahamiques – juifs, chrétiens et
musulmans” a-t-il poursuivi. “Quelle que soit la solution envisagée, elle
devra, pour être viable, respecter et proclamer cet amour et cet attachement
profond”.
“Nous lisons dans
le Nouveau Testament que Jésus Christ a pleuré sur cette ville, plein d’amour
et de regret (…) Si l’on veut suivre la parole et l’exemple de Jésus, il faut dire la vérité, rechercher la justice et
contribuer à la paix dans les conflits et les débats de ce monde”. Mais,
a ajouté le secrétaire général du COE, “il faut aussi reconnaître que
l’histoire et la culture de Jérusalem sont constituées d’une superposition
extraordinairement complexe de couches. L’histoire indique que l’implication de
ces trois religions dans la région n’a pas vraiment apporté la paix pour tous.
C’est encore malheureusement le cas aujourd’hui ! (…) Il ne saurait y avoir de paix à Jérusalem si les trois
religions ne sont pas respectées et sans leur participation à la solution”, a
dit le pasteur Tveit.
Vers l’effacement
du caractère pluraliste de la Ville sainte ?
Cette
conférence a réuni d’éminents représentants au niveau national, régional et
international, comme le président palestinien Mahmoud Abbas, le patriarche de
l’Eglise copte orthodoxe Tawadros II, le chef du parlement arabe Meshaal ben
Fahm al-Salmi et le président de l’Assemblée nationale du Koweït Marzouq
Al-Ghanim, ainsi que l’ambassadeur Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la
Ligue arabe.
Le patriarche
Tawadros II a déclaré que la décision de Trump concernant Jérusalem ouvrait la
voie à “la judaïsation de Jérusalem et l’effacement du caractère pluraliste de
la Ville sainte”. Il a appelé le monde à prendre en considération “la situation
humanitaire tragique” des Palestiniens vivant à Jérusalem, qui, selon lui,
luttent depuis longtemps pour obtenir leurs droits légitimes, ajoutant que
cette question a des dimensions politiques, économiques et culturelles.
Respecter les
résolutions de l’ONU
Dans son
intervention, le patriarche copte orthodoxe a insisté sur le lien existant
entre les perspectives de paix au Proche-Orient et le respect des droits
nationaux du peuple palestinien. “La véritable paix
– a notamment déclaré Tawadros II – ne deviendra réalité que lorsque l’on
mettra un terme à la violence, aux menaces et à toutes les promesses faites
sans tenir compte des sentiments des musulmans et des chrétiens, dans le monde
et dans notre région”.
Pour sa part, le
cardinal libanais Béchara Boutros Raï, patriarche
maronite d’Antioche, a rappelé la position du Saint-Siège qui a réaffirmé à
plusieurs reprises le droit du peuple palestinien à disposer d’un Etat, dans le
respect des résolutions de l’ONU qui rejettent l’annexion israélienne de
l’ensemble de la Ville sainte.
Message du pape
François
A la Conférence
du Caire ont également participé le nonce apostolique en Egypte, Mgr Bruno
Musarò, et le secrétaire personnel du pape François, Mgr Yoannis Lahzi Gaid,
qui a lu, le 17 janvier au matin, le texte en arabe d’un message envoyé par le
pontife.
Dans son message,
le pape a réaffirmé que le Saint-Siège “ne cessera
de rappeler avec urgence la nécessité d’une reprise du dialogue entre
Israéliens et Palestiniens en vue d’une résolution négociée”, ayant pour but la
coexistence pacifique de deux Etats à l’intérieur de frontières acceptées par
les deux parties et internationalement reconnues, “dans le plein respect de la
nature particulière de Jérusalem, dont la signification va au-delà de toute
considérations relatives aux questions territoriales”. (cath.ch/alahram/coe/fides/be)
Transfert de l'ambassade US à Jérusalem: "irresponsable" pour Mgr Matar
Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, a vivement critiqué le 18 janvier 2018 la décision de Donald Trump de transférer à Jérusalem l’ambassade des Etats-Unis en Israël, qualifiant la conduite de l’administration américaine d’”irresponsable”.
“De façon unilatérale, le président des Etats-Unis décide de ruiner les chances de la paix et de dénaturer l’histoire de Jérusalem et son message humain et spirituel, balayant ainsi les droits légitimes des Palestiniens”, a déclaré Mgr Matar. Le prélat libanais a rappelé que la décision états-unienne a été désavouée lors d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU, par 138 voix sur 192.
Les Etats-Unis isolés à l’ONU
Le 18 décembre dernier, les Etats-Unis avaient mis leur veto à une résolution de l’ONU condamnant leur reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël. Washington avait reçu un camouflet lorsque quatorze membres du Conseil de sécurité n’avaient pas suivi la position de Trump.
Mgr Matar est intervenu le 18 janvier au Caire lors de la conférence internationale islamo-chrétienne sur Jérusalem. Mise sur pied par l’Université d’Al-Azhar les 17 et 18 janvier, elle a été suivie par des représentants de 86 pays.
Washington appelé à respecter les résolutions de l’ONU
“Il aurait été préférable pour le président du pays qui héberge sur son sol l’Organisation des Nations Unies de respecter les résolutions internationales de cette instance. Et pour commencer la résolution 181 de l’Assemblée générale du 29 novembre 1947, qui a proposé le partage de la Palestine en trois Etats, l’un juif, l’autre arabe, et Jérusalem sous contrôle international”, a lancé l’archevêque maronite de Beyrouth.
La position officielle du Vatican, que le pape François a réaffirmée à plusieurs reprises, n’a pas changé depuis 1947. Le Saint-Siège ne reconnaît pas l’annexion de Jérusalem-Est par Israël. Pour le Vatican, toute revendication exclusive sur Jérusalem – qu’elle soit religieuse, politique ou nationale – est contraire à la logique véritable de l’identité de Jérusalem, Ville sainte pour les trois religions monothéistes.
Chrétiens et musulmans doivent s’unir pour Jérusalem
Comparant la situation de Ville sainte à celle du Liban, Mgr Elias Audi, métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, a défendu au Caire la vision d’une Jérusalem “lieu de rencontre et de fraternité (interreligieuse), lieu d’interaction des idées, des cultures et des religions”. Il est nécessaire à ses yeux que les voix chrétiennes et musulmanes “s’élèvent à l’unisson” pour réclamer que les Palestiniens soient rétablis dans leurs droits, rapporte le 19 janvier le quotidien francophone libanais “L’Orient-Le Jour”. (cath.ch/orj/com/be)