À Homs, dans le quartier chrétien ravagé par la guerre
La Croix -François d’Alançon (à Homs, Syrie), le 11/05/2016 à 11h28
L’effondrement de l’économie de la ville et l’absence de solution politique empêchent un véritable mouvement de reconstruction du vieux quartier de Homs, en Syrie.
Environ 1 300 familles, dont 800 à 900 familles chrétiennes, seraient de retour dans la vieille ville. Bustan al-Diwan, au cœur de la vieille ville de Homs. Des ouvriers s’affairent à reconstruire un pan de mur dans le jardin de la résidence des jésuites, devant la tombe du père Frans van der Lugt, enlevé le 7 avril 2014 par des hommes armés, avant d’être battu et exécuté de deux balles dans la tête. Dans les bâtiments qui jouxtent la bibliothèque, trois groupes d’enfants suivent les cours de soutien scolaire, assurés chaque jour par une équipe de professeurs. « Depuis six mois, nous sommes en plein chantier pour réparer les dommages causés par les deux obus tombés sur la terrasse et notre centre de formation a repris ses activités », commente le père Michel Daoud.
Tout près, sur la place centrale du quartier al-Hamadiyeh, la communauté orthodoxe a organisé lundi 9 mai un concert pour célébrer le deuxième anniversaire de la fin du siège. « C’était un vendredi, le 9 mai 2014, se souvient le père Zurhri Kazaal, curé de l’église orthodoxe Notre-Dame-de-la-Sainte-Ceinture. Deux jours après le déploiement de l’armée, nous avons célébré la messe dans notre église très sévèrement touchée. »
50 000 chrétiens en 2011, 77 en 2014
À la suite d’un accord entre le gouvernement et les rebelles, près de 2 000 personnes, dont environ 1 800 combattants, avaient été évacués après deux ans de siège. Des habitants du quartier revenus inspecter leurs maisons avaient alors découvert l’ampleur des destructions, dans la fumée des incendies allumés par les rebelles avant leur départ : façades trouées, murs éventrés, vitrines éclatées, murs criblés de balles, rues encombrées de remblais, de décombres et de ferrailles calcinées.
Environ 50 000 chrétiens, répartis entre huit communautés différentes, vivaient dans la vieille ville de Homs avant le début de la guerre en 2011. Ils n’étaient plus que 77 en 2014, à survivre au milieu des ruines, épuisés par deux ans de siège, de bombardements intenses et de disette. Le père Frans van der Lugt refusait de les abandonner. Deux ans plus tard, les combattants ont disparu mais la majorité des familles qui vivaient ici ne sont toujours pas revenues. Même dans une région relativement stable comme celle de Homs, l’effondrement de l’économie et l’absence de solution politique empêchent un véritable mouvement de reconstruction. « Tout le monde est pauvre maintenant,souligne le père Michel Naaman, curé de la cathédrale syriaque catholique.Ceux qui avaient un peu d’argent, surtout les hommes, sont partis. La population trinque mais la prolongation du conflit profite à beaucoup de gens des deux côtés. »
Des rénovations au compte-gouttes
L’ancienne tour de l’Horloge, point focal des manifestations en 2011, a été restaurée. Le Programme de développement des Nations unies (Pnud) a financé l’évacuation de 70 000 tonnes de débris et aidé au retour de quelques artisans et commerçants. Les églises soutiennent les familles désireuses de revenir. L’électricité et l’eau ont été restaurées mais, le soir, les rues restent silencieuses. Environ 1 300 familles dont 800 à 900 familles chrétiennes seraient revenues dans la vieille ville.
Milad Jamal, 36 ans, a rouvert son restaurant Al Bostan, plaque tournante de la communauté chrétienne avant le début des « événements ». « Nous étions les derniers à fermer et nous avons été les premiers à ouvrir, dit-il, regard triste, assis au milieu de quelques rares clients. Plus de la moitié des chrétiens sont partis, déplacés à l’intérieur du pays ou réfugiés à l’étranger. Ceux qui ont trouvé un logement et du travail ne reviendront sans doute pas. Les gens ont peur d’investir quand ils entendent chaque jour des mauvaises nouvelles. »
À Khalidiya, le quartier majoritairement sunnite, toujours sans eau et sans électricité, les échafaudages autour de la coupole nouvellement réparée de la mosquée Khalid ibn al-Walid sont le seul signe de rénovation.
Des localités encore assiégées près de Homs
Drôle de guerre au bord de l’Oronte. Dans les avenues de la ville moderne, la vie continue en dépit de tout dans les avenues encombrées de voitures et de piétons avec les snacks, magasins de vêtements, bijouteries et pâtisseries. En même temps, pas très loin, quelques milliers d’insurgés sont retranchés à Al-Waer, un quartier de 75 000 habitants à l’est de la ville, encerclé depuis trois ans par les forces gouvernementales.
Même situation à Al Rostan et Talliseh, deux localités assiégées au nord de Homs, sans compter cinq villages autour de Kfar Laha à l’est. Le 5 mai, un double attentat-suicide revendiqué par Daech a tué au moins 10 civils à Mukhrarram, une localité à majorité alaouite à l’est de la ville. « Tout le monde reste prudent parce qu’à tout moment, une mauvaise surprise est possible, lâche Milad Jamal. Notre pays, notre quartier et notre maison sont ici mais on ne peut toujours pas se sentir tranquille. »
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La trêve prolongée jusqu’au mercredi 11 mai minuit à Alep
La trêve, ou « régime du silence », selon l’expression du gouvernement de Damas, entre régime et rebelles à Alep, a été prolongée une nouvelle fois de 48 heures, soit jusqu’au 11 mai minuit.
C’est la deuxième fois que la trêve temporaire, instaurée jeudi 5 mai sous l’impulsion des États-Unis et de la Russie, est prolongée dans la ville divisée entre secteur gouvernemental et secteur rebelle. Moscou, allié de Damas, et Washington, qui soutient l’opposition, se sont engagés à « redoubler d’efforts » et ont détaillé leurs engagements pour faire respecter la trêve et relancer le processus de paix. La Russie et les États-Unis, qui coprésident le groupe de soutien international à la Syrie (GISS, 17 pays), pilotent le dossier et le contrôle du cessez-le-feu, instauré sous leur impulsion le 27 février. Depuis que celui-ci avait volé en éclats, fin avril à Alep, 300 personnes ont été tuées.