La commission patriarcale Justice et Paix a organisé un moment de prière pour la paix parallèle à la rencontre interreligieuse d'Assise.
Fady NOUN | OLJ
-21-9-2016
C'est « autour de Marie et avec Marie », selon un mot de Mgr Chukrallah Nabil Hage, président de la Commission Justice et Paix de l'Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL), que les représentants de toutes les communautés religieuses au Liban ont exprimé, hier soir, à Harissa, leur soif de paix et prié pour son avènement.
Ils l'ont fait à l'appel du pape François qui a demandé à tous les diocèses du monde d'organiser des cérémonies de prière, parallèlement à celle qu'il a animée personnellement, hier même, à Assise, la ville de saint François, au cours d'une cérémonie rassemblant des représentants de religions et de sagesses du monde entier.
« J'invite les paroisses, les associations ecclésiales et les fidèles du monde entier à prier pour la paix en ce jour. La guerre est partout, nous devons prier ensemble pour la paix », avait insisté le pape, il y a quelques semaines, sous les applaudissements des fidèles réunis place Saint-Pierre. « À l'exemple de saint François, homme de fraternité et de douceur, avait-il ajouté, nous sommes tous appelés à offrir au monde un témoignage fort de notre engagement commun pour la paix et la réconciliation entre les peuples. »
Commission Justice et Paix
Au Liban, cet appel a d'abord pris de court la Commission Justice et Paix locale. Mais celle-ci a finalement relevé le défi et a organisé la cérémonie en un temps record, aux pieds de la statue de la Vierge, dans la cour d'accueil du sanctuaire de Harissa. Ce choix était significatif dans la mesure où, depuis l'instauration au Liban d'une fête nationale commune islamo-chrétienne, le 25 mars, fête de l'Annonciation chez les chrétiens, la figure de la Vierge Marie est évoquée sans ambiguïté et avec de moins en moins de réserve par les musulmans, qui y voient un trait d'union qui renforce le vivre- ensemble islamo-chrétien au Liban.
Toutes les communautés libanaises étaient présentes à cette belle et paisible cérémonie (voir encadré) qui s'est tenue entre la couleur orangée du couchant et les premières étoiles. Les courtes allocutions et invocations pour la paix ont été entrecoupées de chants à la Vierge et de cantiques byzantins. Un ensemble choral islamique a même créé la surprise en interprétant un cantique à la Vierge tiré du répertoire populaire maronite ( « Fi zoulli himayatiki » – À Ton ombre protectrice). Une minute de silence a été observée, en cours de cérémonie, pour les innombrables victimes du terrorisme et de la guerre au Liban et au Moyen-Orient.
Un message du pape a été lu par le secrétaire de la nonciature apostolique, le P. Ivan Santos, en fin de cérémonie, avant la récitation par les dignitaires religieux d'une imploration commune en faveur de la paix, qu'ils ont ensuite joyeusement signée.
Les thèmes abordés
Naturellement, ce sont les conflits armés qui font rage au Moyen-Orient, l'intolérance religieuse, le terrorisme et le sang répandu au nom de Dieu, ainsi que la vacance présidentielle au Liban qui ont meublé les interventions des dignitaires religieux. Ce dernier thème a conclu l'intervention du patriarche maronite, qui a tenu, une fois de plus, à rappeler aux députés leur devoir sacré. « La réconciliation est la plus haute manifestation de la paix », a insisté le patriarche Raï, premier à prendre la parole, avant de l'appliquer aux relations personnelles, à la vie familiale, aux relations sociales et politiques et enfin à la vie nationale.
C'est avec des accents eschatologiques que le cheikh Mohammad Nokkari, juge chérié et professeur d'université, a pris le relais du patriarche pour une critique sévère d'un « âge de la fin » qui, a-t-il dit, est celui « de la discorde et de la guerre ». D'une voix passionnée, le dignitaire sunnite a dénoncé le terrorisme pratiqué au nom de l'islam, « signe des temps » qui, pour lui, témoigne de la proximité du Jour du Jugement, un constat qu'il a tempéré par le rappel de cette valeur commune au christianisme et à l'islam qu'est « l'espérance ». « Si l'on vous dit que le Jugement est aux portes, piquez une plante », a-t-il fait dire au Prophète, dans une citation.
« J'ai honte que d'autres m'aient devancé à appeler à la paix », a affirmé de son côté le mufti jaafarite, troisième à prendre la parole, qui a déploré que les Libanais « soient toujours otages des politiciens » alors que des centaines de milliers de personnes ont déjà payé de leur vie le grand jeu cynique régional.
Tout aussi ardemment, le représentant de la communauté alaouite a décrit comme « sataniques » les filets des discordes tendues par le terrorisme, sous le déguisement de l'islam. « Ces gens n'ont ni patrie ni identité, a-t-il lancé. Leur vocation est de répandre le sang et de détruire les civilisations. » Revenant au Liban, il a appelé à l'élection d'un président de la République et à la défense du vivre- ensemble.
Éloquence des Églises arméniennes
Les représentants des Églises apostolique et catholique arméniennes devaient, à leur tour de parole, parler avec éloquence, le premier de la paix, le second de la contrition personnelle et collective.
C'est par le chant de paix des anges, à la naissance du Sauveur, que l'Évangile commence, et c'est par le Christ donnant sa paix aux apôtres qu'il va bientôt quitter, qu'il se termine, a rappelé le P. Hossip Mardirossian.
Pour sa part, le P. Georges Yeghayan a fait entendre une parole plutôt rare en ces temps de gémissements, celle du courage qu'il faut avoir pour assumer le poids de ses fautes, sur le modèle de ce qui se passait dans l'Ancien testament, quand le peuple, dans le malheur, s'humiliait devant Dieu et implorait miséricorde.
À la fin de la cérémonie, Mgr Chukrallah Nabil Hage, président de la Commission Justice et Paix, a prononcé un mot de remerciements à l'adresse des responsables du sanctuaire de Harissa, ainsi qu'à tous ceux qui ont animé la cérémonie et assuré son succès.
Les présents
Par ordre d'intervention : le patriarche maronite Béchara Raï ; le cheikh Mohammad Nokkari (sunnites); le cheikh Ahmad Abdel Amir Kabalan (mufti jaafarite, communauté chiite) ; le métropolite Élias Kfoury (grecs-orthodoxes) ; le métropolite Cyrille Bustros (grecs-catholiques); le cheikh Sami Aboul Mouna (druzes) ; le cheikh Mohammad Dayeh (alaouites); Mgr Chrisostoumos Chamoun (syriaques orthodoxes) ; Mgr Basilios Gergès Moussa (syriaques catholiques) ; l'archimandrite Hossip Mardirossian (arméniens orthodoxes) ;le P. Georges Yeghayan (arméniens catholiques) ; le P. Batroun Coliana (assyriens) ; le rév. Georges Mrad (communauté évangélique) ; le P. Rouphaël Traboulsi (chaldéens) ; le P. Roueiss Ourachalimi (coptes orthodoxes); le P. Antonios Ibrahim (coptes catholiques).
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