L’islamisme au Moyen-Orient : le moment de vérité, par Hélios d'Alexandrie
Le  père Boulad ajoute que l'islamisme est un passage obligé, et que cette  phase durera plusieurs années avant que ne s’amorce la 3e phase, qu’il appelle la « phase de réalité ». 
Hélios  d'Alexandrie est plus optimiste. Bien qu'il soit d'accord avec le père  Boulad sur l'islamisme comme passage obligé, il estime que cette phase  sera de courte durée et que le moment de vérité ne tardera pas à venir. 
_________________________Dans un avenir pas très  lointain, 2011 apparaîtra comme l’année où l’islamisme a atteint son  point culminant, les soulèvements arabes auront permis d’éclaircir le  paysage politique et de mettre fin à l’ambigüité.
Soixante ans après le départ des forces  coloniales, l’échec du despotisme est flagrant, rien ne l’illustre mieux  que le chaos libyen et la fin tragique de Kadhafi. On ne le répétera  jamais assez, les régimes arabes oppressifs étaient des régimes  islamiques. Les présidents à vie de Tunisie, d’Égypte et de Libye  étaient à bien des égards des sultans musulmans, qui se réclamaient de  l’islam et qui se targuaient d’en être les champions; l’islam politique  ce sont eux qui l’ont incarné et qui l’ont mis en pratique, ils ne se  distinguent des islamistes que par le réalisme de leur vision quant à  l’étendue du terrain que la religion peut occuper dans une société sans  provoquer le chaos. On peut sans risque de se tromper affirmer que  l’échec des dictatures arabes c’est l’échec de l’islam politique à  visage pragmatique.
N’eut été du déni de la réalité,  cet  échec aurait pu sonner le glas de l’islamisme. En effet, le slogan des  Frères musulmans à l’effet que l’islam est la solution, laisse croire  que jusque là l’État, les institutions, les lois et la société ont été  mis à l’abri de l’idéologie islamique, or la réalité montre qu’au  contraire l’islamisme les imprègne profondément et qu’il est difficile  d’imaginer comment on pourrait les islamiser davantage sans aggraver une  situation déjà trop compliquée.
Les islamistes qui prendront le pouvoir  en Tunisie, en Libye, en Égypte et prochainement en Syrie et au Yémen  hériteront de pays fortement islamisés. Certains comme la Tunisie et la  Syrie le sont moins que les autres, du moins dans les apparences, ils le  sont toutefois en pratique dans la mesure où la tyrannie à laquelle ils  étaient soumis avait toutes les caractéristiques d’une tyrannie  islamique. Le terrain a été par conséquent bien préparé de telle sorte  que les structures établies iront comme un gant aux islamistes. Est-ce à  dire que rien ne changera en pratique dans la gouvernance de ces pays ?  Cela dépendra de la stabilité que les nouveaux maîtres pourront assurer  et du maintien d’un niveau suffisant d’activité économique, ce dont on  peut douter à juste titre.
Pour ce qui est de la stabilité  politique rien n’est moins sûr : les islamistes bien que très puissants  ne peuvent récolter plus de la moitié des suffrages (en Tunisie ils ont  obtenu 40 pour cent des voix). Ils ne font pas l’unanimité, qui plus est  ce sont les forces laïques qui ont pris l’initiative des révoltes  contre les dictatures alors que les islamistes, pour des raisons  idéologiques et pratiques y étaient opposés. En effet l’islam interdit  la révolte contre le sultan musulman même s’il fait preuve d’injustice  et à plus forte raison si sa politique a favorisé la propagation de  l’islam. L’opposition aux islamistes se fera donc entendre, le sentiment  de s’être fait voler la révolution ne fera que s’accroître à chaque  fois que les islamistes prendront des mesures pour rendre permanente  leur mainmise sur l’État. L’opposition laïque a donné des preuves de sa  non-violence, il est donc à prévoir qu’elle ne sera pas la source de  violence ou d’insécurité, mais cela n’empêchera pas les éléments les  plus radicaux des islamistes de leur déclarer le jihad en les accusant  d’apostasie et en cherchant à les éliminer physiquement par la suite.
L’insécurité s’amplifiera également  quand  les factions islamistes rivales se disputeront le pouvoir,  chacune se réclamant d’une plus grande pureté idéologique ou d’une  interprétation plus rigoureuse du coran et de la charia. Il ne faudra  pas minimiser le rôle que joueront les différents imams autoproclamés  qui du haut de leur chaire télévisuelle lanceront contre leurs rivaux  les fatwas et les anathèmes. C’est à cette occasion que les minorités  religieuses se trouveront prises entre les feux croisés des factions  rivales, ces dernières lasses de se combattre, chercheront à recréer un  semblant d’unité en déclarant le jihad offensif contre les mécréants.
En Libye où l’appartenance tribale joue  un rôle de premier plan dans l’identité et le sentiment d’appartenance,  la répartition des pouvoirs entre les tribus doit nécessairement  refléter l’équilibre des forces afin d’assurer la stabilité. Les tribus  perdantes de la guerre civile ne se contenteront pas d’une participation  symbolique, cependant les factions victorieuses, dont les insurgés  affiliés à al Qaeda, réclameront la part du lion n’accordant  que des  miettes aux perdants. Il s’ensuivra des querelles qui donneront  naissance à des conflits armés.
Mais l’instabilité politique et  l’insécurité qui l’accompagne ne seront pas les seules plaies qui  frapperont ces pays, la situation économique ira de mal en pire. En  Tunisie et en Égypte, les revenus du tourisme ont été réduits à une  fraction de ce qu’ils étaient dans les années précédentes, or le  tourisme occupait le premier rang dans le PIB, des centaines de milliers  d’emplois en dépendaient. L’effondrement du tourisme est la cause de la  disparition d’une foule d’emplois bien rémunérés avec des conséquences  économiques graves pour ces deux pays. À la baisse des revenus des états  s’ajoutera l’augmentation inévitable de la dette et des montants  d’argent versés en intérêts. La réduction prévisible de la cote de  crédit de ces pays pourrait les conduire à la banqueroute.
Mais le pire reste à venir, la récession  qui frappe les économies occidentales aura des répercussions  dramatiques sur les pays arabes. L’aide économique d’origine européenne   s’en trouvera réduite, les exportations vers l’Europe diminueront, les  revenus en devises étrangères chuteront, il s’avérera plus difficile  d’importer des denrées alimentaires de première nécessité en quantité  suffisante pour nourrir les populations, le chômage, la précarité et la  malnutrition augmenteront et les gouvernements qui auront à gérer la  crise, ne trouveront pas mieux, pour détourner la colère des foules, que  d’accuser les ennemis de l’islam des malheurs qui les frappent.
Les islamistes prendront le pouvoir au  moment le moins favorable alors qu’ils n’y sont pas préparés et qu’ils  n’y voient que l’occasion d’imposer leur idéologie et leur vision du  monde. Ils croient pouvoir sans conséquences fâcheuses substituer leur  tyrannie à celle qui l’a précédée comme s’il s’agissait d’une solution  originale ou d’une avenue qui n’a jamais été explorée. Pour eux le  moment de vérité approche inexorablement. Ils sont encore loin de  réaliser que l’échec des dictatures a déjà scellé leur sort, et qu’ils  ne pourront faire autrement que démontrer la faillite de leur idéologie  et de leur vision du monde.
 
