La France ne pense plus qu'à ses intérêts
Soraya Hélou
Soraya Hélou
Mgr Bechara Raï
Samedi 17 septembre 2011
Les temps sont étranges. L'ambassadeur d'une ancienne puissance coloniale et mandataire au Liban se permet de critiquer en langage bien peu diplomatique, non pas une personnalité politique, une institution officielle, mais bien le chef de l'Eglise maronite dont les ouailles s'étendent aux quatre coins de la planète, du Brésil à la France, du Qatar à la Syrie, sans parler du Liban et des Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que le chef de cette Eglise dont les racines se perdent dans l'Histoire du Moyen Orient en visite officielle à Paris « n'a pas réussi à faire passer le message des autorités françaises ».
Reçu par les plus hautes autorités françaises, le chef de l'Eglise maronite avait donc pour unique mission de se taire et d'écouter le message qui lui était transmis avant de le relayer à son tour : « Assad est fini, fini, fini » et il faudrait envisager des scénarios dans lesquels les groupes islamistes modérés prendraient le pouvoir, d'autant qu'ils seraient prêts à faire la paix avec "Israël". Le chef de l'Eglise qui a une responsabilité au moins morale à l'égard des chrétiens qui appartiennent à sa communauté, ne doit pas mentionner ses appréhensions et n'a surtout pas le droit d'avoir une opinion contraire à celle de ses interlocuteurs. La France qui, du temps où elle était la puissance mandataire au Liban avait écouté les maronites pour leur tailler un pays à leur mesure, (C'est ce qui se disait à l'époque sur la naissance du Grand Liban) ne veut même plus entendre leurs craintes, aujourd'hui, car elle est uniquement soucieuse de ses propres intérêts et de ceux d'"Israël". En Libye, elle court après le pétrole et se rachète une bonne conscience après ses positions controversées en Tunisie et en Egypte et en Syrie, elle veut un régime qui préserve les intérêts américains et israéliens et tant pis s'il lui faut pour cela sacrifier plus d'un million de chrétiens. Plus même, cette même France qui avait du temps du général De Gaulle « un destin » au Moyen Orient, ne peut même pas supporter d'entendre une opinion qui lui rappellerait ses devoirs moraux à l'égard d'une communauté qui l'a longtemps considérée comme « sa tendre mère ».
Les temps ont décidément bien changé. La France qui s'est voulue pendant des décennies la protectrice des chrétiens du Liban les balaie aujourd'hui sans un regard, déclarant sans état d'âme au chef de l'Eglise maronite en visite sur son territoire qu'il ne faut plus soulever la question des minorités, mais parler de la liberté des peuples. En effet, qu'est-ce que le sort d'un peu plus de deux millions de chrétiens ( si on compte les chrétiens de Syrie et du Liban) face à la perspective historique d'une paix entre les « musulmans modérés » et les Israéliens, alors que les menaces pleuvent sur l'entité israélienne qui d'ailleurs ne veut plus être que celle des Juifs ? La liberté des peuples, comme le dit l'Occident, doit-elle se construire sur le sang des chrétiens d'Orient, alors que l'Occident chrétien ne veut même pas avoir une pensée pour les inquiétudes de ces derniers ?...
La France, qui de De Gaulle à Mitterrand, avait une place particulière chez les peuples arabes et qui de son propre aveu a toujours considéré avoir de l'influence sur les chrétiens du Liban et sur les maronites en particulier n'est plus qu'un pays comme les autres, ne songeant qu'à ses intérêts, balayant plus d'un siècle d'une politique en faveur des minorités de la région. Il est désormais bien petit le destin de la France dans la région et son espace démocratique se réduit comme une peau de chagrin puisque ses responsables ne veulent plus entendre un avis qui les dérange.
En réalité, le rôle de la France avait commencé à se réduire depuis quelques années déjà, surtout depuis les liens étroits établis entre le président de la France Jacques Chirac et l'ancien Premier ministre martyr du Liban Rafic Hariri. En raison de ces liens, les autorités françaises ne voyaient plus au Liban que Hariri et son camp, demandant aux maronites de s'allier avec eux pour leur bien et dans leur propre intérêt. C'est ainsi que les choses étaient présentées. C'est ainsi aussi qu'elles le furent en 2004, lors de l'adoption de la résolution 1559, qui a aligné la position de la France sur celle des Etats-Unis. Depuis ce jour, les maronites « protégés habituels de la France » n'avaient plus qu'un rôle aux yeux des responsables français, celui de soutenir le camp Hariri. Mais au cours de ces années, la forme était encore préservée.
Reçu par les plus hautes autorités françaises, le chef de l'Eglise maronite avait donc pour unique mission de se taire et d'écouter le message qui lui était transmis avant de le relayer à son tour : « Assad est fini, fini, fini » et il faudrait envisager des scénarios dans lesquels les groupes islamistes modérés prendraient le pouvoir, d'autant qu'ils seraient prêts à faire la paix avec "Israël". Le chef de l'Eglise qui a une responsabilité au moins morale à l'égard des chrétiens qui appartiennent à sa communauté, ne doit pas mentionner ses appréhensions et n'a surtout pas le droit d'avoir une opinion contraire à celle de ses interlocuteurs. La France qui, du temps où elle était la puissance mandataire au Liban avait écouté les maronites pour leur tailler un pays à leur mesure, (C'est ce qui se disait à l'époque sur la naissance du Grand Liban) ne veut même plus entendre leurs craintes, aujourd'hui, car elle est uniquement soucieuse de ses propres intérêts et de ceux d'"Israël". En Libye, elle court après le pétrole et se rachète une bonne conscience après ses positions controversées en Tunisie et en Egypte et en Syrie, elle veut un régime qui préserve les intérêts américains et israéliens et tant pis s'il lui faut pour cela sacrifier plus d'un million de chrétiens. Plus même, cette même France qui avait du temps du général De Gaulle « un destin » au Moyen Orient, ne peut même pas supporter d'entendre une opinion qui lui rappellerait ses devoirs moraux à l'égard d'une communauté qui l'a longtemps considérée comme « sa tendre mère ».
Les temps ont décidément bien changé. La France qui s'est voulue pendant des décennies la protectrice des chrétiens du Liban les balaie aujourd'hui sans un regard, déclarant sans état d'âme au chef de l'Eglise maronite en visite sur son territoire qu'il ne faut plus soulever la question des minorités, mais parler de la liberté des peuples. En effet, qu'est-ce que le sort d'un peu plus de deux millions de chrétiens ( si on compte les chrétiens de Syrie et du Liban) face à la perspective historique d'une paix entre les « musulmans modérés » et les Israéliens, alors que les menaces pleuvent sur l'entité israélienne qui d'ailleurs ne veut plus être que celle des Juifs ? La liberté des peuples, comme le dit l'Occident, doit-elle se construire sur le sang des chrétiens d'Orient, alors que l'Occident chrétien ne veut même pas avoir une pensée pour les inquiétudes de ces derniers ?...
La France, qui de De Gaulle à Mitterrand, avait une place particulière chez les peuples arabes et qui de son propre aveu a toujours considéré avoir de l'influence sur les chrétiens du Liban et sur les maronites en particulier n'est plus qu'un pays comme les autres, ne songeant qu'à ses intérêts, balayant plus d'un siècle d'une politique en faveur des minorités de la région. Il est désormais bien petit le destin de la France dans la région et son espace démocratique se réduit comme une peau de chagrin puisque ses responsables ne veulent plus entendre un avis qui les dérange.
En réalité, le rôle de la France avait commencé à se réduire depuis quelques années déjà, surtout depuis les liens étroits établis entre le président de la France Jacques Chirac et l'ancien Premier ministre martyr du Liban Rafic Hariri. En raison de ces liens, les autorités françaises ne voyaient plus au Liban que Hariri et son camp, demandant aux maronites de s'allier avec eux pour leur bien et dans leur propre intérêt. C'est ainsi que les choses étaient présentées. C'est ainsi aussi qu'elles le furent en 2004, lors de l'adoption de la résolution 1559, qui a aligné la position de la France sur celle des Etats-Unis. Depuis ce jour, les maronites « protégés habituels de la France » n'avaient plus qu'un rôle aux yeux des responsables français, celui de soutenir le camp Hariri. Mais au cours de ces années, la forme était encore préservée.
Aujourd'hui, avec la visite du patriarche Raï à Paris, elle ne l'est même plus, puisque « les sources françaises » ont commencé à faire circuler des rumeurs sur le fait que la visite ne s'était pas bien passée avant que l'ambassadeur de France n'exprime clairement ses critiques. S'il ne s'agit sans doute pas d'un changement stratégique, celui-ci ayant eu lieu depuis des années, il s'agit en tout cas d'un changement dans l'éthique, et la forme. Désormais, du côté français, les intérêts ne sont plus cachés et on ne prend plus de gants pour les exprimer. Mais la dignité des communautés, elle survivra malgré tout.
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Soraya_Helou.170911.htm