Philippe ABI AKL | OLJ 21-10-2017
Quelques semaines après la visite du Premier ministre Saad Hariri en Italie, ce sera au tour du président de la République, Michel Aoun, de répondre à l'invitation de son homologue italien le mois prochain. Il devra discuter avec les dirigeants italiens de plusieurs dossiers, notamment de la future conférence baptisée Rome II, sur le soutien à l'armée et aux forces de l'ordre libanaises, du retour des déplacés syriens vers des régions sûres dans leur pays, du compromis politique libanais qui a mené à l'élection présidentielle et de la nécessité de maintenir le dialogue dans la gestion des crises et des problèmes.
Ces mêmes sujets avaient été abordés par M. Hariri avec son homologue italien Paolo Gentiloni. Le Premier ministre avait appelé l'Italie à augmenter ses aides à l'armée libanaise et à participer activement aux congrès sur le Liban. L'un des grands moments de la visite de M. Hariri en Italie a été son passage au Vatican, où il a été reçu par le pape François. Un membre de la délégation libanaise, qui a désiré rester anonyme, souligne que les entretiens ont insisté sur l'inquiétude du Vatican concernant la situation au Liban avec l'éventualité d'une nouvelle guerre au Moyen-Orient, suite aux récentes tensions américano-iraniennes, après que le président américain Donald Trump a refusé de certifier le deal nucléaire avec l'Iran, comme il est appelé à le faire régulièrement.
La volonté israélienne de mettre un terme à l'expansion de l'influence iranienne serait vue, dans ce contexte, comme une possible cause de conflit, d'autant plus que, selon des observateurs, Israël voit dans la présidence de Donald Trump une occasion unique de mettre ce plan à exécution. Pour cela, attaquer le Hezbollah, dont les forces sont actuellement éparpillées sur plusieurs conflits, pourrait être une option pour les Israéliens. De leur côté, les Iraniens ne compteraient pas se taire face à ce qu'ils considèrent comme des provocations américaines, et auraient la possibilité d'y répondre en Syrie (Golan) et au Liban (Sud). Tout cela inquiète donc le Vatican, même si d'autres sons de cloche restent optimistes et estiment que la situation régionale va dans la bonne voie et serait favorable à la stabilité du Liban.
Malgré les craintes exprimées par le Vatican, un responsable arabe a indiqué récemment qu'il n'y aurait pas de guerre dans la région, parce que les tensions entre les États-Unis et l'Iran finiront probablement par un compromis, quand l'Iran sera convaincu qu'il ne peut étendre son influence autant sur le Yémen que l'Irak, la Syrie et le Liban.
Pour ce qui est du Hezbollah plus spécifiquement, un diplomate estime que les circonstances ne sont pas en sa faveur s'il décide de lancer une offensive pareille à celle de 2006 (enlèvement de soldats israéliens ayant entraîné une guerre israélienne de 33 jours en juillet-août). Selon cette source, il est vivement recommandé à toutes les parties d'exercer un maximum de retenue parce que tout conflit de nature à modifier l'équilibre des forces dans la région aurait des conséquences imprévisibles. Un observateur se demande si le Hezbollah serait prêt à mettre en danger le mandat de son allié (Michel Aoun) en lui assénant un coup dur au premier anniversaire de son élection au palais de Baabda. Il estime que si l'Iran tient des propos d'escalade, la Russie, elle, se montre prête à contenir la situation, d'autant plus qu'elle s'est imposée comme l'acteur le plus puissant dans le dossier syrien.
Toutefois, loin des bruits de bottes dans la région, les responsables du Vatican ont rendu hommage au rôle joué par Saad Hariri depuis qu'il est à la tête du gouvernement et ont salué sa modération héritée de son père, Rafic Hariri. Le Vatican souhaite qu'une telle modération soit dominante sur les différentes scènes arabes, où le dialogue devrait seul servir à résoudre les crises. Le Vatican a réaffirmé qu'il resterait aux côtés du Liban, d'autant plus que sa formule de coexistence est unique et exemplaire. Le dialogue y fait figure de mode de vie, sachant que son système accorde une place à chacune de ses composantes. Tant et si bien que le Vatican estime que tout bouleversement de cette formule de coexistence libanaise pourrait ouvrir la voie à l'aventure de la partition dans la région tout entière.