Sauf que si le courant aouniste espérait à travers sa démarche gagner le patriarcat à sa cause, en tablant comme à son habitude sur le thème des droits des chrétiens, il est apparemment loin d'avoir réussi à sensibiliser son hôte à son argumentation, compte tenu vraisemblablement des méthodes et de la politique qu'il emploie.
L'Orient-Le Jour a ainsi appris de sources responsables à Bkerké que le patriarche maronite « n'adhère pas à ce discours tendu ». Le chef de l'Église maronite a écouté « avec attention MM. Abi Nasr et Dib, mais Bkerké se distancie de toutes les formes d'outrance verbale ». « Si le siège patriarcal est le premier à défendre le pacte national et le respect des institutions, son discours reste différent, en ce sens qu'il est national et éloigné de la politique et de la polémique », selon la même source. « Le patriarche maronite doit écouter tout le monde. Il remplit son devoir d'entendre tous les avis, non pas pour prendre parti en faveur de l'un ou de l'autre, mais pour rétablir les conditions d'un dialogue national », toujours selon la même source.
À l'issue de l'entretien, M. Abi Nasr a affirmé avoir fait savoir à Mgr Raï que « le CPL a décidé de ne plus assister en spectateur à l'effondrement de la formule libanaise du vivre-ensemble, considérant comme illégal tout pouvoir qui contredit le pacte national ». Le député du Kesrouan a fait valoir que « les autres composantes chrétiennes, notamment Bkerké, ne sauraient rester les bras croisés face à cet effritement et devraient au contraire l'interdire en usant de tous les moyens légaux ». Il a indiqué que son parti a, pour sa part, « décidé de mener une action médiatique et politique et d'adopter des positions fermes face à certaines institutions constitutionnelles qui marginalisent une tranche essentielle du tissu libanais », faisant part de la volonté du CPL de « descendre dans la rue si besoin est ».
De sources aounistes, on apprend que Mgr Raï semble vouloir entreprendre bientôt une démarche pour tenter de « mettre fin à la sape de la formule du vivre-ensemble ». Mgr Raï pourrait, selon ces sources, convoquer séparément les leaders chrétiens et demander à chacun d'eux son point de vue sur les moyens possibles pour éviter le naufrage.
M. Abi Nasr a par ailleurs constaté que « le Grand Liban de 1920, chrétien, musulman, sunnite, chiite, druze, première et dernière référence politique, est aujourd'hui en train de s'écrouler », alors qu'il avait « défié le monde en montrant que les musulmans et les chrétiens pouvaient fonder un seul État uni dans sa terre, son peuple et ses institutions ».
Le député du Kesrouan a par ailleurs appelé le « camp adverse » à mettre fin à la vacance présidentielle. « N'imputez pas la responsabilité du vide aux maronites, d'autant que vous avez coupé leurs ailes à travers une loi électorale injuste qui a fait accéder au Parlement des maronites qui ne le sont pas », a-t-il lancé à l'adresse de ses adversaires politiques qu'il n'a pas nommés, en allusion notamment au courant du Futur.
Dans la même détermination de vouloir mener des actions concrètes pour « préserver le Liban et sa formule menacée », M. Dib a fustigé « l'exclusion des chrétiens et la monopolisation du pouvoir ». « Il est apparu que le partenaire politique musulman ne se soucie nullement de l'intérêt national suprême portant sur le vivre-ensemble et le maintien de toutes les composantes libanaises », a affirmé le député de Baabda, avant de faire valoir que « les musulmans ont intérêt, plus que les chrétiens, à préserver toutes les confessions ».
Et de conclure : « Il était nécessaire d'informer le patriarche maronite du climat qui prévaut aujourd'hui, d'autant qu'il bénit toute initiative contribuant au renforcement du vivre-ensemble et à la préservation de cette formule à laquelle il est le plus attaché. »
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