20/4/2013-L'émigration maronite, entre aventure et nécessité | Politique Liban | L'Orient-Le Jour
« Ces contacts ne sont jamais superflus, même s'ils sont protocolaires, souligne l'un des prêtres qui voyagent avec le patriarche. Ils permettent aux autorités locales de nous connaître et, éventuellement, les conduisent à nous accorder des facilités administratives ou des aides diverses dans notre travail pastoral. »
C'est une visite de cet ordre que le patriarche Raï, entouré d'une délégation d'évêques et de supérieurs généraux, a effectuée hier au gouverneur de la province de Tucuman, José Jorge Alperovich. La visite de courtoisie s'est tenue en présence notamment du ministre de la Santé, Juan Mansour, un maronite pur et dur, chirurgien de profession, et sur le visage duquel on ne lit jamais d'indécision. Le patriarche a été élevé par décret au rang de visiteur de marque de la ville de Tucuman. La visite, marquée par un échange de cadeaux, s'est terminée par une rapide visite guidée du palais du gouverneur, situé sur la place centrale de Tucuman, avec un arrêt particulier aux fresques peintes sur tissu qui ornent le salon à miroirs du premier étage. La veille, le patriarche avait rendu une autre visite de courtoisie, cette fois au président de la municipalité de Tucuman, Domingo Amaya.
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Pour en revenir aux travaux de la conférence épiscopale, ils ont porté au cours de ces deux jours sur les trois premiers points de l'ordre du jour, à savoir la création de nouvelles paroisses dans les pays d'émigration, les vocations sacerdotales et les rapports entre les évêques et les ordres religieux.
Le septième point relatif à l'organisation au Liban d'un congrès maronite mondial ou de plusieurs congrès régionaux a également été abordé. Un chercheur laïc représentant de la Fondation maronite dans le monde au sein du congrès, Youssef Douayhi, participe de près à cet ambitieux projet sur lequel il faudra revenir.
Phénomène irréversible
La tendance dominante en ce qui concerne la création de paroisses dans les pays d'émigration est que le phénomène migratoire doit être considéré le plus souvent comme irréversible, et que, plutôt que de songer à amener le troupeau vers l'enclos libanais, il est préférable de songer à créer des paroisses pour encadrer les maronites là où l'aventure, la nécessité, ou les deux, les ont poussés.
Le patriarche, pour sa part, a relevé la particulière indigence en prêtres et en paroisses de l'Amérique du Sud, par rapport aux évêchés d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Australie, avec une préférence marquée des séminaristes et missionnaires formés au Liban et interrogés sur leurs choix, pour les pays anglophones. Pour le patriarche, il faut venir en aide d'urgence aux maronites de ces pays, dispersés ou assimilés dans les paroisses latines.
Les uns après les autres, les évêques des deux Amériques et celui de France et d'Europe ont souhaité la création de nouvelles paroisses dans leurs diocèses. Ainsi, Georges Abi Younès (Mexique) a parlé de Vera Cruz et Pachoka, en particulier, Grégory Mansour (New York), de North Carolina et West Palm Beach. Pour sa part, Robert Chahine (Saint Louis-Midwest) a parlé de la possibilité de construire une dizaine de nouvelles églises, et peut-être autant de paroisses, s'il y a un ombre adéquat de prêtres pour les prendre en charge.
Mgr Nasser Gemayel (France), lui, a annoncé qu'en plus des paroisses existantes de Paris, Lyon et Marseille, une nouvelle paroisse maronite sera instituée à Suresnes, et prise en charge – règlement d'un vieux différend – par l'ordre maronite libanais. Par ailleurs, il a annoncé que les choses bougent pour l'instauration d'une paroisse à Bordeaux, tandis que des paroisses maronites à Strasbourg et Lille sont envisagées.
(Pour mémoire : Des propos prêtés à Raï créent la polémique)
Prêtres mariés
Un sujet entraînant l'autre, c'est à Mgr Grégory Mansour qu'est revenue la tâche de remettre sur le tapis l'éternelle question de la tradition des prêtres mariés, en vigueur dans l'Église maronite et dans l'Orient en général. L'évêque de New York a affirmé que trois prêtres mariés de son diocèse ne demanderaient pas mieux qu'à prendre du service, si l'autorisation canonique leur est accordée. Une possibilité que le vicaire patriarcal maronite, Mgr Paul Sayah, a dit ne pas vraiment voir venir.
Pour pallier le manque, certains, comme le supérieur des antonins, Daoud Reaïdy, ont proposé que les évêques du Liban soient associés à la réunion de Tucuman, jugeant que le contraste entre la pléthore de prêtres au Liban et leur rareté dans les pays d'émigration est inacceptable.
Mais le principal réservoir de missionnaires, ce sont les ordres religieux, est-il apparu, en dépit des conflits de prérogatives qui éclatent parfois entre l'évêque et les supérieurs d'ordres, comme cela s'est passé en France ou au Canada.
Ainsi, le P. Nehmetallah Hachem, de l'ordre maronite libanais, qui représente son supérieur à la conférence de Tucuman, a affirmé que non moins de 50 moines de son ordre sont engagés dans la mission, aussi bien dans les pays riches que dans les pays émergents d'Afrique et d'Amérique du Sud. Symptomatique de ce qui se produit sur le terrain, le P. Hachem a remercié Mgr Nasser Gemayel pour la prochaine reconnaissance de la paroisse de Suresnes.
La formation
Non sans courage de sa part, et apparemment en contradiction avec cet avis, l'abbé Boutros Torbey a soulevé le problème du manque d'esprit missionnaire au sein du clergé libanais, estimant qu'il faut s'aider des textes canoniques pour inciter les religieux libanais à s'engager dans les missions, à condition que cet engagement soit vécu dans l'esprit religieux monastique même, et s'exprime donc à partir d'un couvent.
C'est à la formation des prêtres, un sujet aussi capital que sensible, que la conférence s'est ensuite attaquée. Où faut-il former les prêtres ? Quelle formation leur accorder ? Comment les souder dans un même esprit, au cas où ils doivent être suivis dans des instituts différents, proches de leur évêque ? Voilà le genre de questions qui se pose quand on parle formation sacerdotale. Le patriarche Raï a même évoqué la nécessité d'ouvrir des séminaires dans les pays d'Amérique latine qu'il a commencé de visiter. À n'en pas douter, l'état de la communauté maronite en Argentine, tel qu'il l'a vu jusqu'à présent, lui fend le cœur.
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