Arabes du Christ


" الهجرة المسيحية تحمل رسالة غير مباشرة للعالم بأن الإسلام لا يتقبل الآخر ولا يتعايش مع الآخر...مما ينعكس سلباً على الوجود الإسلامي في العالم، ولذلك فإن من مصلحة المسلمين، من أجل صورة الإسلام في العالم ان .... يحافظوا على الوجود المسيحي في العالم العربي وأن يحموه بجفون عيونهم، ...لأن ذلك هو حق من حقوقهم كمواطنين وكسابقين للمسلمين في هذه المنطقة." د. محمد السماك
L'emigration chretienne porte au monde un message indirecte :l'Islam ne tolere pas autrui et ne coexiste pas avec lui...ce qui se reflete negativement sur l'existence islamique dans le monde.Pour l'interet et l'image de l'Islam dans le monde, les musulmans doivent soigneusement proteger l'existence des chretiens dans le monde musulman.C'est leur droit ..(Dr.Md. Sammak)

mercredi 21 février 2018

Gérer la situation des catholiques orientaux de France tout en évitant les confusions

20-2-2018
S’occuper des chrétiens d’Orient est une mission certainement délicate. Pour des raisons logiques liées à la présence de paroisses orientales sur le sol Français, l’Église de France s’est adaptée pour gérer cette situation. À l’exception des certaines communautés catholiques disposant d’une structure épiscopale spécifique – c’est le cas des arméniens catholiques, des maronites et des ukrainiens catholiques, qui disposent d’une éparchie -, les autres communautés sont placées sous la responsabilité de l’archevêque de Paris. Ce dernier est, en effet, l’ordinaire des catholiques des catholiques orientaux de France. Cette institution a été créée en 1954. Ainsi, Mgr Michel Aupetit a été nommé dans cette fonction en janvier 2018, juste dans le sillage de sa nomination comme archevêque de Paris. Il est assisté d’un vicaire général qui est, depuis 2014, Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L’Œuvre l’Orient. Ce dernier a été reconduit dans ses fonctions à la suite de la désignation du nouvel archevêque de Paris comme ordinaire des catholiques orientaux de France.

On ne peut que se réjouir de la présence de structures adaptées, pourvues par des personnes compétentes. En revanche, une difficulté est susceptible d’apparaître en raison d’un élément qui risque d’interférer dans la mission de l’intéressé : la qualité de directeur général de L’Œuvre d’Orient. Dans le passé, les vicaires généraux de l’ordinariat des catholiques orientaux de France n’étaient pas simultanément directeurs généraux de L’Œuvre d’Orient. Or la situation de Mgr Gollnisch est bien une première dans l’histoire de l’Église de France. Cette dernière a-t-elle fait le choix d’une « concentration » de tout ce qui a trait aux chrétiens d’Orient en France ?
L’ordinaire – donc, de fait, le vicaire général – est appelé à prendre des décisions sensibles pour la vie des catholiques de rite oriental. Ainsi, il nomme les curés des différentes paroisses catholiques orientales. En outre, comme l’indique le site de l’Église de Paris« l’Ordinariat est en relation étroite avec la Congrégation romaine pour les Églises Orientales, ainsi qu’avec les Patriarches des Églises catholiques orientales qui résident dans les pays du Proche et du Moyen Orient. » Le vicaire général est donc conduit à prendre des mesures concrètes qui affecteront la vie des catholiques orientaux de France. Certes, s’occuper d’une association en contact étroit avec les chrétiens d’Orient peut faciliter les choses (contacts, etc.), mais la médaille a aussi son revers.
L’Œuvre d’Orient est certainement une structure fortement liée au diocèse de Paris. Pour autant, elle n’est pas une structure canonique dont la mission est de gérer la vie des catholiques orientaux de France. À proprement parler, elle n’est pas un organe du diocèse de Paris qui aurait pour mission de s’occuper des catholiques orientaux de France. Elle reste, avant tout, une association visant à aider – dans le sens le plus large – les chrétiens d’Orient dans les différents pays où ils sont établis. Elle représente certainement le diocèse de Paris dans ce « volet » dédié aux chrétiens d’orient, mais elle n’a pas vocation à administrer la vie des catholiques orientaux de France. Le risque serait de confondre les deux aspects, alors qu’une saine clarification exigerait une distinction élémentaire. Adopter des actes s’inscrivant dans une juridiction canonique ne saurait être confondu avec la gestion d’une association.

Qui plus est, il existe d’autres associations susceptibles d’entrer en contact avec les paroisses catholiques orientales de France. Certaines ont un rôle plus discret, mais non moins réel. La qualité de directeur général de L’Œuvre d’Orient influencera-t-elle ces relations avec les autres associations ? La question est posée. Le soutien aux chrétiens d’Orient doit être aussi diversifié que possible tant les besoins sont exponentiels.

En tout état de cause, les conflits d’intérêts sont loin de se limiter à la politique ou à la sphère administrative. Ils concernent aussi la vie de l’Église. Aux chrétiens de s’interroger sur la portée de certaines pratiques. Voir d’en tirer les conséquences pour ne pas prêter le flanc à des critiques qui affectent la « société civile ».
https://www.riposte-catholique.fr/riposte-catholique-blog/eglise-en-france-riposte/gerer-la-situation-des-catholiques-orientaux-de-france-tout-en-evitant-les-confusions

jeudi 15 février 2018

Réaction négative des chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem face au projet de taxe sur les propriétés ecclésiastiques

 Réaction négative des chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem face au projet de taxe sur les propriétés ecclésiastiques
 
Jérusalem (Agence Fides) – L’intention déclarée de la municipalité de Jérusalem d’imposer des taxes communales sur les propriétés des Eglises « contredit la position historique [existant] entre les Eglises et les autorités civiles au cours des siècles ». C’est ce qu’écrivent les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem dans un communiqué diffusé hier, 14 février, dans lequel ils exposent les motifs de leur contrariété nette et partagée aux nouvelles mesures fiscales mises en chantier par les hommes politiques et les administrateurs israéliens de la Ville Sainte. Les autorités civiles – peut-on lire dans le texte – ont toujours reconnu et respecté l’importante contribution que les églises chrétiennes ont apporté à la collectivité au travers de leurs œuvres – hôpitaux, écoles et maisons – financées surtout en faveur des personnes défavorisées et âgées. Le projet de taxation des propriétés ecclésiastiques – écrivent les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem – « mine le caractère sacré de Jérusalem et met en danger la capacité des églises d’exercer leur ministère propre en cette terre » au profit de leurs propres communautés et des communautés chrétiennes du monde entier.
Les chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem invitent la municipalité à retourner sur ses pas, à revoir ses décisions en matière fiscale afin de sauvegarder le Statu Quo – ensemble de règles et coutumes sur laquelle se fonde la coexistence entre les différentes communautés religieuses à Jérusalem – et à ne pas porter préjudice au profil et à la nature propre de la Ville Sainte.
Le communiqué, diffusé hier par les canaux officiels des églises, porte la signature de treize chefs des Eglises et communautés ecclésiales présentes à Jérusalem. La liste des signataires débute par celle de Théophile III, Patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, et comprend également celles de S.Exc. Mgr Pierbattista Pizzaballa, Administrateur apostolique du Patriarcat de Jérusalem des Latins, du Père Francis Patton OFM, Custode de Terre Sainte, et de Mgr Georges Dankaye, Vicaire patriarcal du Patriarcat catholique arménien. (GV) (Agence Fides 15/02/2018)

La conquête de Jérusalem et les illusions perdues des catholiques français


La conquête de Jérusalem et les illusions perdues des catholiques français

L’IMPOSSIBLE RÉTABLISSEMENT DU ROYAUME LATIN

À la tête du Comité catholique de propagande française à l’étranger, le recteur de l’Institut catholique de Paris Alfred Baudrillart a été un héraut de la vision orientaliste de la France durant la première guerre mondiale. Mais après la prise de Jérusalem en décembre 1917, son rêve d’un Orient catholique et français a pris fin.

L’ORIENT IMAGINAIRE

L’Orient des écrits de Baudrillart s’insère pour ainsi dire dans son patrimoine génétique, héritage de son arrière-grand-père Sylvestre de Sacy. Pour ce dernier, l’Orient est le creuset des civilisations, le lieu des origines. Par là, ce qui s’y déroule occupe une place centrale. Outre le recours à l’imaginaire des Mille et une nuits, l’Orient — en particulier la Palestine — s’accompagne naturellement de l’évocation de l’imaginaire évangélique. Sa représentation d’un ancien Orient chrétien lui rappelle l’image idéale d’un Orient intouché, mis à mal par la modernité. Il regrette la disparition de la civilisation orientale brillante qu’il connaît par les livres et qui lui paraît merveilleuse. Cet Orient rêvé est aussi présent dans son esprit et dans ses écrits, exprimant alors une foi en un Orient chrétien encore vif.
Baudrillart est catholique et Français. À ce titre, sa vision de l’Orient révèle une approche très limitative : il est sans conteste sous l’influence de ses fréquentations de chrétiens orientaux, représentants des Églises unies, pour lesquels la France doit avoir une présence forte et constante au Levant. Baudrillart s’inscrit en plein dans une tradition décomplexée, favorisant ce qui peut renforcer la place du catholicisme et de la France dans cette région, et a contrario rejetant ce qui la met à mal. Il est impliqué dans la communautarisation de l’Orient, initiée par les Ottomans et renforcée par les Occidentaux dans le cadre de leurs politiques clientélistes respectives.
Le destin français de l’Orient suscite de sa part le recours régulier à l’imaginaire des croisades. Il s’exprime en ce sens devant un parterre qui partage pleinement ses vues, celui de l’Œuvre des écoles d’Orient, association d’aide aux chrétiens d’Orient dont la devise est « Dieu le veut ! »1. L’association avec l’esprit des croisades est encore plus évidente au moment de la première guerre mondiale, avec inscription dans une certaine norme affectant le discours politico-religieux du temps.
Ces affirmations s’accompagnent du rejet de ce qui est opposé à sa vision de l’Orient. Il honnit le protestantisme, synonyme de concurrence britannique, qu’il perçoit comme allié au judaïsme/sionisme, ou à l’orthodoxie. Il rejette également l’orthodoxie, et la Russie derrière elle. Catholique de son temps, il méprise le judaïsme (et déteste les juifs), et le sionisme, instrument de pénétration allemande, puis britannique. Dans la même logique, Baudrillart se méfie de l’islam, puis du nationalisme arabe, même si celui-ci peut recevoir les faveurs des autorités françaises au nom de la lutte anti-ottomane.
Au cours de la première guerre mondiale, l’Orient est le théâtre d’une véritable lutte de civilisations, orientale et occidentale, chrétienne et musulmane, observée par notre homme. Il écrit le 12 mars 1917 dans ses Carnets2 : « La journée s’ouvre par la nouvelle de la prise de Bagdad, nom féérique qui résonne à travers l’histoire et ajoute à l’étrange grandeur de cette guerre mondiale. » Le 31 mars 1917, au moment de la percée britannique sur le front de Gaza, il note que « toutes les grandes cités du monde ancien et moderne sont en jeu dans cette guerre. » Après une année 1917 difficile sur les théâtres d’opérations du front occidental, la prise de Jérusalem, au début décembre, lui apparaît comme un véritable « rayon de soleil »3.
Ce « choc de civilisations » est aussi l’occasion de conforter Baudrillart dans ses convictions. Le catholicisme, et la France avec lui (ou plutôt : la France, donc le catholicisme) doivent occuper au Proche-Orient la place prépondérante, au nom de la « civilisation ». Baudrillart pense un Orient simple, devant revenir à la France.

PLUS DE SEPT SIÈCLES DE DOMINATION MUSULMANE

S’engageant en faveur de la réalisation des souhaits français en Orient, il s’illustre de plusieurs manières. C’est d’abord son discours de la fin décembre 1917, donné en l’église parisienne de Saint-Julien-le-Pauvre, à la demande du ministère des affaires étrangères. Célébrant la toute récente prise de la Ville sainte, Baudrillart intitule son discours Jérusalem délivrée4.
Ce discours très attendu se veut l’incarnation de la rencontre entre l’Orient rêvé et la réalité géopolitique désirée, au moment où celle-ci doit pouvoir se réaliser, puisque Jérusalem est à nouveau aux mains de chrétiens, pour la première fois depuis 1187. Le lieu choisi pour cette cérémonie religieuse — mais aussi, et combien plus, politique — est éloquent : c’est la paroisse melkite de Paris, consécration du lien entre la France et l’Orient chrétien, lien séculaire qu’il convient alors de raviver.
Le discours est éloquent par la synthèse qu’il effectue de l’imaginaire politico-religieux français relatif au Proche-Orient de cette époque5« Jérusalem est chère au patriotisme français, parce que, depuis plus de mille ans, la France a couvert les Lieux saints de son amour et de sa protection. » De fait, cette cérémonie catholique et patriotique réconcilie deux France qui se sont violemment opposées quinze ans plus tôt, au plus fort de la crise anticléricale. Cette alliance plonge ses racines dans les plus anciens temps, et Baudrillart évoque les Francs, « nos ancêtres », avec une filiation : « dans le culte que nous portons aux Lieux saints, au sentiment religieux commence à se mêler un sentiment national. » Dans la lignée de Charlemagne, les croisés se mettent en branle pour sauver l’Europe :La croisade ! Idée française [..] comprise et exécutée surtout par des Français. [...] Si je cherche qui incarna l’idée et qui la réalisa le mieux, quatre noms m’apparaissent au-dessus de tous les autres : Urbain II, pape français, Godefroy de Bouillon, belge et lorrain, c’est-à-dire bien près d’être français, saint Bernard et saint Louis, tous deux français et quels Français !
Un âge d’or qui ne dure pas, et « Jérusalem était pour sept cent trente ans entre les mains des Infidèles. »
Dans cette période est développée l’idée de la protection des Lieux saints, avec un protectorat exercé par la France et renforcé par chaque capitulation, avec contribution de tous les régimes français. Ce qui pousse Baudrillart à un appel au retour de la France à la chrétienté :Envoyons d’ici l’hommage de notre gratitude au pape qui, malgré les fautes de la France, a toujours voulu voir en elle la nation apostolique. Sachons reconnaître une aussi constante fidélité par le retour de la nôtre ! Mettons fin à une situation déplorable qui nous isole dans le monde chrétien ! Que ceux qui, en prenant les rênes du pouvoir, ont affirmé la noble prétention d’unir tous les Français et de concentrer toutes les forces de notre pays, appliquent à cette idée leurs réflexions et leur patriotisme !

LA « MISSION CIVILISATRICE » DE LA FRANCE

Et de fait, la France dispose d’atouts sur place, cumulant l’exercice de la charité réelle et l’expansion de la civilisation française : « Ah ! qui dira ce que, par leurs œuvres de toutes sortes, par leurs écoles de tous degrés, ont fait là-bas nos religieux et nos religieuses (…) ? » Autant d’éléments à disposition pour faciliter une prise en main française :
Grâce à eux, les indigènes ont aimé la France et parlé sa langue ; ils ont souffert de nos malheurs et se sont réjouis de nos succès. Sainte armée de la France catholique qui parfois a suppléé aux défaillances momentanées de la France officielle !Cette situation fonde l’espoir de Baudrillart au moment de la conquête de Jérusalem, qui ferme une parenthèse et préfigure une ère nouvelle :Un général anglais, visiblement pénétré du souvenir de Godefroy de Bouillon, a fait son entrée à pied, sans apparat, modestement, chrétiennement, et a reçu la soumission de la grande ville. Auprès de lui se tenaient un général français et un italien.Avec eux et avec nous, Rome, la Jérusalem nouvelle, a manifesté sa joie et célébré la victoire de la Croix.Mais Baudrillart doit tempérer son enthousiasme : on ne peut savoir ce qu’il adviendra de la Palestine, ce pourquoi il se fait fort de terminer son propos en indiquant des conditions à respecter, qui vont dans le sens de sa vision catholique et française des choses. Si la première reprend en quelque sorte la deuxième partie de la très récente déclaration Balfour(respecter les populations locales), les trois suivantes vont plus loin dans l’affirmation de son point de vue, et semblent devancer ce qui doit se dérouler concrètement. La puissance qui vient de l’emporter doit en effet respecter la victoire chrétienne (« La Croix rétablie doit désormais régner sur Jérusalem. Malheur au peuple, quel qu’il soit, qui trahirait la chrétienté ! »). Elle se doit également de respecter la place traditionnelle de la France, qui vient d’être rappelée lors de la récente entrée au Saint-Sépulcre du représentant de la France, avec les honneurs liturgiques. Enfin, le Royaume-Uni doit respecter les amis de la France sur place.
Quelques jours plus tard, Baudrillart enfonce le clou dans un entretien au Petit journal, donné en accord avec le Quai d’Orsay6. Toutefois, s’il reprend les termes de son intervention à Saint-Julien-le-Pauvre, Baudrillart est obligé d’adapter ses vues, sinon ses revendications, à un contexte résolument mouvant, avec la nécessité de prendre en compte la réalité locale et internationale.Nous, catholiques français, dominés par le point de vue religieux et par le point de vue patriotique, nous ne nous dissimulons pas que la question de la Palestine et des Lieux saints n’est qu’une partie d’un problème extrêmement complexe. Ignorant les termes dans lesquels ce problème se pose actuellement, ignorant comment il se posera à la fin de la guerre, il nous est impossible d’avoir des opinions très catégoriques, ou plutôt, si nous avons ces opinions, nous n’avons pas les moyens pratiques de les faire triompher (…). D’une façon générale, je crois que tous les catholiques ont une même pensée et un même désir : au point de vue religieux, ils ne demandent nullement l’écrasement de ceux qui ne partagent pas leur foi.
Ceci s’applique par exemple aux juifs : « En ce qui concerne les juifs, nous sommes les premiers à reconnaître qu’ils ont droit au respect le plus absolu de leur conscience. » Dans le même temps, savoirsi le fait qu’ils ont été pendant des siècles les maîtres du pays leur donne un droit particulier sur cette terre, c’est une autre question. […] On ne saurait oublier non plus que depuis le temps de la captivité, c’est-à-dire depuis le commencement du VIe siècle av. J.-C., la Palestine a toujours été soumise à des dominations étrangères, sauf le temps très court où elle fut gouvernée par les Macchabées : la domination politique des juifs en Palestine ne reposerait donc que sur des droits bien hypothétiques. Que les juifs viennent en aussi grand nombre qu’ils le voudront pour y jouir des droits de tous, rien de mieux…
Cette tolérance affichée, qui ressemble fortement à de la résignation, s’applique aux Arabes musulmans :Quant aux populations arabes musulmanes, nous avons aussi le devoir de respecter leurs croyances ; malgré des périodes d’intolérance et de fanatisme, les musulmans ont, somme toute, pendant des siècles, respecté les croyances chrétiennes à Jérusalem.
En l’occurrence, ce respect est surtout dû au fait que les Arabes ont donné beaucoup de leur sang à la France au cours de cette guerre.Quant aux chrétiens qui ont eu tant de fois à souffrir au cours des siècles, il est bien évident que nous leur devons le respect et la protection de leur foi et de leur culte, et, s’il est permis de le dire en passant, les catholiques l’assureraient d’une façon plus complète que ne l’eût fait l’orthodoxie russe, si jalouse de dominer en Orient.
De ces considérations découlent des réflexions quant à l’avenir de la Palestine, et donc la question de son gouvernement. Conquise par des chrétiens, Jérusalem et sa région doivent désormais être gérées par des chrétiens, mettant ainsi fin à près d’un millénaire de domination musulmane sur les Lieux saints :Évidemment, nous eussions désiré un régime qui eût été la consécration de notre protectorat et qui eût donné à la France une situation vraiment unique, mais puisque c’est Richard-Cœur-de-Lion et non pas Saint-Louis qui a présidé à la rentrée des troupes chrétiennes à Jérusalem, nous sommes bien obligés d’en tenir compte. En tout cas, il y a une chose certaine, c’est qu’anglaises, françaises ou italiennes, ce sont des armées chrétiennes qui ont repris et occupé Jérusalem : à nos yeux les chrétiens doivent y rester maîtres. Même pour ceux qui ne partagent pas notre foi, c’est le Christ, c’est son souvenir qui est la part principale de la grandeur de Jérusalem et de son caractère sacré : les Lieux saints sont les lieux que le Christ a sanctifiés. Nul ne comprendrait dans la chrétienté -– et le Saint-Siège l’a laissé entendre ces jours-ci -– que, par un artifice quelconque, la Croix fût de nouveau subordonnée au Croissant, et il ne serait pas juste qu’elle tombât sous une domination juive, restaurée on ne sait comment par des puissances chrétiennes qui trahiraient la cause de la chrétienté.

S’ADAPTER AU NOUVEAU MONDE

Réaliste, Baudrillart doit concéder que la France est en situation minoritaire. Si elle ne peut prétendre à la gestion directe des lieux, elle doit pouvoir conserver ses attributs de puissance protectrice (protectorat sur les ordres religieux et privilèges traditionnels pour les représentants de la France), à défaut de poursuivre son traditionnel protectorat sur les chrétiens d’Orient. Mais une échappatoire pourrait lui permettre de conserver une position privilégiée : comme pour le moment l’option d’une internationalisation de Jérusalem et sa région demeure, dans la logique des accords Sykes-Picot, Baudrillart suggère : « Pourquoi le président de ce régime international que nous croyons le plus probable pour Jérusalem et les Lieux saints ne serait-il pas un Français ? » Soucieux du respect de la place et des traditions françaises en Orient, le prélat veut également que les loyautés locales envers la France ne soient pas négligées : « Maronites et Syriens, par exemple, ont toujours les yeux tournés vers nous… »
Le cap est maintenu après la guerre. Les bouleversements dus au conflit, avec la reconfiguration du Proche-Orient, doivent permettre la réalisation de la mission civilisatrice française. Baudrillart inscrit plus que jamais son action dans cette optique, avec option pour une « Grande Syrie », comprenant naturellement la Palestine. Dans la même logique, il poursuit son appui en faveur du maintien du protectorat catholique de la France et des capitulations, comme des honneurs liturgiques. Les choses ne tournant pas à l’avantage de la France, Baudrillart exprime une véritable nostalgie du temps où le représentant français était prépondérant en Orient pour le maintien de l’ordre et la défense des Latins contre toute agression. La restauration d’un royaume franc, sous-tendue par ces efforts, ne pouvant aboutir, Baudrillart prend note et favorise une alternative belge qui permette de déminer le terrain face aux empêchements britanniques et aux revendications de la puissance catholique rivale, l’Italie.
Néanmoins, il semble que le nouveau « grand jeu oriental » qui se met en place après 1917-1918 soit joué d’avance puisque, faisant siens de tenaces préjugés, Baudrillart a une ferme conviction quant à la toute-puissance des juifs. S’il en faut une preuve, celle-ci est rapidement apportée par la consécration de la manipulation de la politique britannique par les juifs, qui n’est qu’une illustration supplémentaire de la collusion entre eux et les protestants : la nomination de Sir Herbert Samuel, un juif, comme haut-commissaire britannique en Palestine.
La vision de l’Orient de Mgr Baudrillart, avec une réalité géopolitique désirée faisant la part entre les éléments qui lui sont favorables et ceux qui la mettent à mal, ne correspond décidément pas à la réalité du début des années 1920. Cette situation découle d’une part du fait que la France ne fait rien pour réaliser les idées du recteur en trahissant son propre rôle, sa destinée, et d’autre part des circonstances réelles du terrain.
C’est là la conséquence des alliances internationales de Paris. Comment la France peut-elle arriver à ses fins alors qu’elle doit d’abord satisfaire les Russes avant et pendant la première guerre mondiale, puis s’arranger avec les Britanniques ? Britanniques ou Italiens ne mettent-ils pas à mal la présence française au nom de leurs propres ambitions sur le même terrain proche-oriental ? Par ailleurs, la France souffre de ses faiblesses intrinsèques. Comme à l’accoutumée, elle a beaucoup d’ambitions, mais peu de moyens pour les réaliser.

LA FIN DU RÊVE D’UN « ORIENT OCCIDENTAL »

Naturellement, Baudrillart ne peut rester de glace devant cette situation. Le prélat ne peut donc qu’entrevoir la fin du rêve entretenu pendant et juste après la guerre, celui d’un Orient « occidental » : pessimiste, il envisage un temps le retrait chrétien de Jérusalem, la fin de la présence française en Orient, voire celle de la civilisation levantine. Dans ces conditions, revenant de manière indirecte à la thématique des croisades qu’il affectionne, il précise qu’un retrait complet ne peut être envisagé : ne pouvant imposer son ordre à tous, la France doit se concentrer sur le Liban pour préserver un réduit chrétien et protéger des coreligionnaires orientaux sinon immanquablement voués au joug musulman.
L’Orient est donc plus compliqué qu’il ne l’entend. Son passage à Jérusalem, à la fin de l’été 1923, est une étape fondamentale dans sa découverte de ce monde. Une fois sur place, Baudrillart fait preuve d’un réel discernement. À cette déception s’ajoute celle suscitée par l’absence d’unité entre chrétiens en général, notamment entre Européens. De fait, il importerait que ceux-ci s’allient pour être plus efficaces contre les menaces extérieures énumérées plus haut : le sionisme, mais surtout le laïcisme turc ou l’islamisme doublé du nationalisme arabe, tandis que sa foi en un Orient chrétien vivace est mise à mal par la réalité des faits. Chez lui se développe alors la conscience de ce que cet Orient chrétien n’est plus grand-chose.
Particulièrement actif dans les affaires orientales entre 1914 et 1918 — dans la lignée d’idées énoncées en partie avant la guerre, dans les années suivant immédiatement la conflagration mondiale et au début des années 1920 — au moment où toutes les espérances sont permises quant à un bouleversement de l’Orient en accord avec les idées catholiques et françaises, Baudrillart s’efface ensuite progressivement. À la différence de ce qu’il veut affirmer en décembre 1917, le monde qui évolue s’impose à lui et à ceux qui pensent comme lui. C’est par exemple ce qu’il note lorsque le 28 janvier 1933 il évoque la mort alors annoncée d’un élément qui lui est cher, l’Œuvre d’Orient ; et en conséquence c’est pour lui la fin d’une certaine idée de l’Orient français.
1Cri de ralliement et de guerre des croisés, « Dieu le veut ! » est jusqu’en 1987 la devise de l’association catholique, qui prend le nom d’ « Œuvre d’Orient » en 1930.
2Les Carnets du cardinal Baudrillart 1914-1918, éditions du Cerf, 1994.
3Ibid. , 15 décembre 1917.
4« La Jérusalem délivrée » est le titre d’un poème épique écrit en 1501 par Torquato Tasso, connu en français sous l’appellation le Tasse. Il retrace dans un récit largement fictionnel la première croisade, au cours de laquelle les chevaliers chrétiens menés par Godefroy de Bouillon combattent les musulmans (Sarrasins) afin de lever le siège de Jérusalem en 1099.
5« Jérusalem délivrée ». Discours prononcé à Saint-Julien-le-Pauvre en l’honneur de la prise de Jérusalem, le 23 décembre 1917, Paris, Beauchesne, 1918.
6L’entretien paraît dans le numéro du 25 décembre 1917 : « L’influence française en Orient — Quel doit être l’avenir de Jérusalem ? L’opinion de MgrBaudrillart », p. 2.
https://orientxxi.info/l-orient-dans-la-guerre-1914-1918/la-conquete-de-jerusalem-et-les-illusions-perdues-des-catholiques-francais,2207

mercredi 14 février 2018

Un livre :Ismaël contre Israël.

Ismaël contre Israël.
Le conflit israélo-arabe depuis ses origines

La diversité et la complexité des situations au Proche-Orient, et tout particulièrement en Israël, ramènent sans cesse à la question de ce conflit qui ne trouve pas d’issue. La « question palestinienne », et plus récemment le conflit israélo-palestinien, pose de façon récurrente la problématique de « la terre » pour ces deux peuples et ces trois religions. La question ne date pas d’hier. Pour comprendre cet « Orient (si) compliqué » ne faudrait-il pas croiser ces niveaux de lectures pour répondre à cette question ?

Esther BENFREDJ s’y attache en présentant un opus solidement documenté. Une para-critique abondante, des cartes, un glossaire qui permettent au lecteur de se situer dans le temps et dans l’espace.

L’auteur qui vit au Canada depuis quelques années s’adresse tout particulièrement aux Québécois souverainistes en regrettant leurs prises de position en faveur des Palestiniens, et en critiquant donc la politique intérieure de l’Etat d’Israël. La comparaison et les proximités qui semblent sous tendre sont sans doute un peu hardies ! Le titre du livre porte en lui-même une question, voire une interrogation fondamentale: dans le conflit israélo-palestinien, est-on devant un affrontement bipolaire entre deux peuples ? Entre deux religions ? Le titre semble conférer ce conflit à la seule réalité religieuse entre musulmans et juifs. Le conflit israélo-palestinien est certes bien ancré dans une dimension binaire inconciliable aujourd’hui... Il existe, faut-il le répéter, un troisième acteur permanent dans le conflit,  qui est à percevoir comme un véritable partenaire: le chrétien. Ce conflit pose de façon récurrente la problématique de l’appartenance à une terre pour deux peuples et pour trois religions ! On ne saurait enfermer ce conflit dans une dualité et la seule référence à deux religions. On ne peut considérer le chrétien dehors du Peuple palestinien, mais on ne peut pas non plus l’inclure comme adhérant à la foi musulmane ! Alors, où est donc sa place ? Cette place si singulière ?

L’ouvrage si argumenté soit-il n’offre pas une lecture neutre des faits mais adopte une position bienveillante à l’égard d’Israël. La préface signée de Shmuel TRIGANO adopte la même pente en enfonçant le clou là où se situe le débat depuis 1948. Nous sommes ici dans la posture. Selon l’universitaire de Nanterre, cet ouvrage « constitue de façon objective la généalogie du conflit au Proche-Orient ». Les termes employés dans les premières phrases de la préface sont forts. Il s’agira, ici, de « redécouvrir (dit-il) cette histoire (qui) malmène dans ses tréfonds les conventions ».

Le livre ne manque pas de pertinence. Il souligne, assurément, des vérités incontournables qu’il est nécessaire de prendre en compte. Néanmoins, on aurait préféré davantage de neutralité ou de distance… pour présenter les faits. Ils sont souvent têtus, et demandent effectivement une bonne part de distanciation. Le dossier est ici, en grande partie, à charge… Esther BENFREDJdénonce la lecture communément admise qu’Israël est un corps « étranger » en terre « arabe ». Cela relèverait, selon elle, du mythe. Comment alors comprendre que ces mythes fondateurs puissent être décisifs dans la recomposition d’un paysage politique ? Comment lire les imaginaires qui sont attachés à cette Terre ? Selon l’auteur, les fondateurs de l’Etat d’Israël ne sont pas venus spolier les propriétaires palestiniens, et encore moins un Etat arabo-palestinien légitimement constitué. Israël serait-il alors ce lieu « donné » par l’Occident à tous ces juifs marqués par la Shoah comme manifestation d’un regret ou de remords pour ne pas avoir parlé, pour ne pas avoir su les protéger et les défendre ? La Création de l’Etat d’Israël, sous couvert de promesses des uns et des autres et de la volonté de mettre en exergue un mythe national juif, est-elle une réponse à Auschwitz ? Cette tragédie instrumentalisée solde-t-elle les comptes du deuxième conflit mondial ? La percée de l’idéologie sioniste fait éclore le nationalisme palestinien et le besoin de relire son Histoire marquée par le drame de la Nakba (1948). Le sionisme de Théodore Herzl infligerait-il à l’Occident l’obligation de se constituer à la fois témoin, protagoniste fautif et coupable de ce qui s’est passé entre les deux grandes guerres mondiales ? Et une fois encore, Shmuel TRIGANO vient marquer de son autorité que « l’Etat d’Israël est aussi « ancien » que les Etats arabes. Il est né de la même tourmente, de la même histoire, aussi légitime et légal qu’eux, peuple en majorité par des Juifs originaires de ce monde-là, qui s’y sont regroupés dans le cadre d’un grand échange de population… ». Et de dire encore : « Quand on voit, par exemple, dans la création de l’Etat d’Israël une forme de compensation de la Shoah (que l’Occident aurait injustement fait « payer » à des Palestiniens innocents), on méconnait l’histoire juive et, en l’occurrence, l’histoire de monde arabo-musulman (où vivait la majorité de la population du nouvel Etat d’Israël) qui, par ailleurs, ne ressemble en rien à la version « post-colonialiste » complaisante que l’on voudrait accrédite  occidentaleQuand on ne se focalise plus sur la perspective occidentale, l’état des choses originel s’impose… ».

Le conflit israélo-palestinien ne fait que raviver cette quête de sens, cette volonté de demeurer là où l’Histoire ou les histoires ont mis chacun d’entre eux, juifs ou palestiniens.

Cet essai ne peut laisser le lecteur insensible. Sa lecture sera facilitée si l’on tient pour vraie et définitive la thèse proposée ici. Dans le cas contraire, il nourrira sans doute plus de crispation. Chacun au terme de ces 251 pages se fera une idée du fondé de ce qui est proposé par l’auteur. La discussion est irrémédiablement ouverte…

Patrice Sabater, cm
Novembre 2017

Esther BENFREDJIsmaël contre Israël. Le conflit israélo-arabe depuis ses originesEd. DDB, Paris 2017. 251 pages. 18,90 €

Crédit photo : Esther Bendfredj – www. quebec-amerique

Esther Benfredj est née à Paris en 1980. Diplômée en droit international et en science politique, elle a travaillé à la Faculté de droit de l’Université de Montréal en tant qu’assistante de recherche avant de se lancer dans le journalisme. Ismaël contre Israël est son premier essai.

mardi 13 février 2018

Les membres du synode grec-melkite reçus par le Pape François

Les membres du synode grec-melkite reçus par le Pape François

Le Pape François a reçu les membres du synode grec-melkite au Vatican, ce lundi 
12 février. Saluant le Patriarche Joseph Absi, le Saint-Père a adressé ses prières
 à la «Syrie bien-aimée» et à tout le «Proche-Orient», où l’Église 
grecque-melkite est profondément enracinée, et où elle assure un «précieux 
service pour le bien du peuple de Dieu», il est revenu sur les conditions difficiles
 dans lesquelles les membres de cette
 Église accomplissaient leur mission, et vivaient leur foi.
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Les évêques et les prêtres grecs-melkites ont une mission essentielle rappelle François: encourager les fidèles à demeurer sur leur terre, principalement la Syrie, «frappée ces dernières années par des souffrances indicibles». Ils sont ainsi appelés à «manifester devant le peuple de Dieu qui souffre, communion, unité, proximité, solidarité, transparence et témoignage». Le Pape entend les aider grâce notamment à la journée de prière et de jeûne du 23 février prochain, dédiée à la paix.Lors de cette rencontre, qui intervient après l’assemblée synodale de cette Église d’orient tenue au Liban début février, le Pape a souligné que les pasteurs avaient une tâche toute particulière: celle de réanimer le cœur des fidèles, demeurant à leurs côtés, les consolant, allant à leur rencontre et répondant à leurs besoins.«Nous avons tant besoin de pasteurs qui embrassent la vie avec l’ampleur du cœur de Dieu, sans s’abandonner aux satisfactions terrestres, sans se contenter de maintenir ce qui existe déjà, mais en visant toujours plus haut», a expliqué François. Les pasteurs doivent ainsi être «libres de la tentation de se maintenir en “basse altitude”, libérés des mesures étroites d’une vie tiède et routinière», «pauvres, détachés de l’argent et du luxe, au milieu d’un peuple qui souffre, annonciateurs cohérents de l’espérance pascale, en chemin permanent avec les frères et les sœurs».

http://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2018-02/les-membres-du-synode-grec-melkite-recus-par-le-pape-francois.html

lundi 12 février 2018

LIBAN - Condamnation de profanateurs d’une statue de Notre-Dame consistant à mémoriser la sourate du coran relative à la Mère de Jésus

LIBAN - Condamnation de profanateurs d’une statue de Notre-Dame consistant à mémoriser la sourate du coran relative à la Mère de Jésus
 
Akkar (Agence Fides) – Deux jeunes musulmans libanais, inculpés d’avoir profanés une statue de Notre-Dame ont été condamnés à une peine alternative à la détention consistant à lire et mémoriser des passages du coran exprimant la vénération pour la Mère de Jésus. La décision du magistrat Jocelyne Matta, juge d’instruction du nord du Liban, a reçu des éloges, y compris de la part de responsables musulmans libanais qui l’ont valorisée comme instrument efficace pour lutter contre les sectarismes et toutes les formes d’offense perpétrées contre les croyances religieuses d’autrui.
Les deux jeunes, élèves musulmans de l’école technique de Mounjez, un village à grande majorité chrétienne de la région d’Akkar, s’étaient introduits voici quelques jours dans une église et y avaient accompli des gestes outrageants contre une statue de Notre-Dame. Les deux jeunes ont également filmé leur bravade sacrilège et l’ont diffusé parmi leurs camarades sur les réseaux sociaux. La police les avait arrêtés et les organes judiciaires s’étaient immédiatement activés afin d’établir une peine permettant également d’envoyer un signal efficace et de prévenir de nouveaux conflits sectaires. Jocelyne Matta, chargée de se prononcer sur le cas, lors de l’audience du 8 février, a préféré condamner les deux inculpés à une leçon de culture religieuse islamique plutôt que de recourir à des peines de détention. Durant l’audience, le magistrat a lu d’une copie du coran la sourate al Imran, qui exprime la vénération accordée à Marie par le texte sacré de l’islam, disposant comme peine pour les deux jeunes inculpés la lecture, la mémorisation et la récitation de ce texte. La proposition du juge a été approuvée et notifiée par le Tribunal de Tripoli, qui donné mandat à un responsable du Tribunal des mineurs d’aider les jeunes dans la mémorisation. Avant d’être relâchés, les deux inculpés on exprimé leur repentir pour l’action perpétrée.
« Le recours à ce type de peine rééducative – fait remarquer à l’Agence Fides le Père Rouphael Zgheib, prêtre maronite et Directeur national des Œuvres pontificales missionnaires au Liban – exprime une orientation nouvelle dans la praxis de la justice libanaise et représente une application de l’article 111 du Code pénal, qui autorise le juge instructeur à remplacer la détention d’un inculpé par une autre mesure quelconque considérée comme plus appropriée et efficace. Le juge s’était aperçu que les jeunes ne savaient rien du coran, bien qu’étant musulmans, et il a donc choisi ce type d’amende pour leur enseigner à respecter également leur religion elle-même, outre les fois de ceux qui ne sont pas musulmans ».
La décision du juge Matta, magistrat chrétien, a été appréciée par des responsables religieux et politiques libanais. Le Premier Ministre Saad Hariri, musulman sunnite, l’a valorisée sur les réseaux sociaux en tant que choix utile à mettre en évidence ce que « les chrétiens et les musulmans partagent ». La décision de justice a montré aux deux jeunes que leur action représentait également une offense pour leur religion islamique elle-même, religion que, visiblement, ils ne connaissaient pas bien. (GV) (Agence Fides 12/02/2018)


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vendredi 9 février 2018

« PALESTINE. UN PEUPLE, UNE COLONISATION »

COMPTE RENDU DU NUMÉRO SPÉCIAL MANIÈRE DE VOIR – MONDE DIPLOMATIQUE,  ARTICLE PUBLIÉ LE 05/02/2018
Par Mathilde Rouxel
Ce numéro spécial, février-mars 2018, a été conçu à partir de la décision prise par le président américain Donald Trump le 6 décembre 2017 de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Pour les préfaciers, Akram Belkaïd et Olivier Pironet, cette décision prouve avant tout que le soutien de nombre de gouvernements arabes à la cause palestinienne relève d’une « dialectique creuse » (p. 4). Elle manifeste aussi l’inaction de Mahmoud Abbas, qui « s’enfonce dans l’autoritarisme » (p. 5) sans avoir pourtant atteint un seul de ses objectifs. En reprenant à travers les soixante-dix ans de l’histoire du conflit israélo-palestinien des textes-clés publiés par des journalistes et des chercheurs depuis 1960, ce numéro offre une large perspective historicisée sur la question palestinienne.

Une guerre de cent ans

La revue se découpe en plusieurs temps. Une première partie, intitulée « Une guerre de cent ans », propose la publication d’un texte inédit du chercheur Gilbert Achcar, « La dualité du projet sioniste », la réédition d’un texte de juin 1960 de l’ancienne rédactrice en chef du Monde Diplomatique Micheline Paunet, un texte de 1969 du chercheur spécialiste des guérillas et des questions stratégiques Gérard Chaliand, un texte de 1988 du journaliste Amnon Kapeliouk, un texte de 1993 de l’intellectuel palestinien et ancien membre du Conseil national palestinien Edward Saïd, deux textes de 1999 et 2000 du journaliste Alain Gresh et un texte du journaliste et historien Dominique Vidal publié en 2017.
Dans son article, Gilbert Achcar revient sur les origines du sionisme étatique pensé par Théodore Hertzl à la fin du XIXe siècle. S’en suivit déclaration Balfour en 1917 qui acta un projet sioniste réalisé « sous l’égide d’une grande puissance européenne » (p. 10), et « structurellement intégré au système impérialiste » (p. 11). Dans un article écrit en 1960 et retitré pour cette édition « La naissance de la question des réfugiés », Micheline Paunet revient sur l’exode des Palestiniens en 1948 et la mise en place d’une aide internationale aux réfugiés (l’UNRWA). « Quand la résistance s’organise » reprend un texte de Gérard Chaliand publié en 1969, qui explique l’organisation de mouvements de lutte armée – d’abord l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), les Héros du retour (Abtal Al-Aouda) et le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), puis les premiers commandos du Fatah à partir de 1965. Il insiste notamment sur l’impact de la bataille de Karameh en 1968 sur les populations palestiniennes, qui sent naître un « sentiment d’appartenance à l’identité collective » (p. 17), tout en mettant fin « aux pratiques ‘légalistes’ de l’Organisation de libération de la Palestine », comme le précise Samir Frangié dans un encadré sur la lutte armée placé en corps d’article (p. 20). Dans un article de 1988, le journaliste Amnon Kapeliouk atteste de l’émergence de la première intifada, et reprend la comparaison désormais fort répandue qui met en pendant la situation israélo-palestinienne et la situation sud-africaine, assimilant Gaza à Soweto (p. 21). Il explique l’éclatement de l’Intifada par les conditions économiques dans lesquels les Gazaouis sont plongés, mais aussi la « désillusion à l’égard du monde arabe » (p. 22) qui au sommet de la Ligue arabe à Amman en 1987 traitait le conflit israélo-palestinien comme un problème secondaire. En 1993, ce sont les accords d’Oslo qu’Edward Saïd commente, en les comparant à un traité de Versailles (p. 23) pour lequel « les Palestiniens, loin d’être victimes du sionisme, en étaient les agresseurs » (p. 24). En 1999, Alain Gresh revient sur un discours prononcé par Yasser Arafat le 5 décembre 1998 pour discuter une solution à deux États, reconnaissant « implicitement les déboires du ‘processus d’Oslo’ » (p. 27). En effet, les accords de 1993 menèrent rapidement à un blocage des négociations, « de nombreux engagements israéliens ne furent pas respectés » (p. 28), conduisant même à une extension des colonies (p. 29). Alain Gresh note tout de même que les accords d’Oslo « ont créé une réalité nouvelle », notamment dans la reconnaissance du « fait palestinien » aux États-Unis et le renforcement du soutien diplomatique à l’OLP (ibid.). En 2000, une nouvelle intifada éclate à la suite d’une visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem. Alain Gresh, dans un article suivant, explique la colère des Palestiniens face aux colonies et à l’inanité de dix années de négociations. Malgré l’arrêt des violences du côté palestinien, « l’État israélien a […] continué à confisquer des terres » (p. 31) et annoncé le maintien des colonies. La victoire du Hezbollah et la libération du Sud Liban en 2000 ont aussi participé au déclenchement de ces nouvelles violences. Dans le dernier article de cette première partie, un texte de Dominique Vidal daté de 2017, c’est la loi dite « de régulation » adoptée à la Knesset le 6 février 2017 qui est discutée : ouvrant « la voie à l’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie » (p. 34), cette loi risque de mener à un « État d’apartheid » (ibid.), de surcroît soutenu par le nouveau président des États-Unis Donald Trump.

Résistances

Une deuxième partie, intitulée « Résistances » rassemble des textes de l’historienne Nadine Picaudou (2001), du journaliste Graham Usher (2003), de l’ancien ambassadeur de France et journaliste Éric Rouleau (2004), d’Edward Said (1998), de la journaliste Wendy Kristanasen (1995), de l’historien Jean-Pierre Filiu (2012), du journaliste Olivier Pironet (2014), de la journaliste au quotidien israélien Haaretz Amira Hass (2008), du professeur de sociologie à l’université de Ramallah Abaher El Sakka (2005), de l’historien Alain Ruscio (2013) et du poète palestinien Mahmoud Darwich (1987).
Le texte de Nadine Picaudou souligne la désorientation qui domine parmi les jeunes qui se sont soulevés lors de la seconde Intifada, baptisée par l’opinion générale l’« Intifada al-Aqsa ». L’auteure souligne l’absence de continuité de l’intifada de 2000 avec celle de 1987-1993, la violence des affrontements de la seconde marquant sa différence face à la révolte des populations civiles désarmées en 1987. Il s’agit davantage d’une « insurrection qui repose sur la participation active d’une minorité » (p. 38) agissant « aux lisières des zones palestiniennes » (ibid.) : la précarité dans laquelle avaient été plongés les Palestiniens à la suite des accords d’Oslo favorisait le recrutement des factions politiques (principalement les milices du Tanzim, issue du Fatah de Yasser Arafat) parmi les réseaux de comités populaires, qui devinrent « l’instrument d’une mobilisation sociale de masse qui triomphera lors de l’Intifada » (p. 40). Le texte de Graham Usher questionne quant à lui l’issue de cette Intifada, alors qu’au printemps 2002, toute la Cisjordanie est réoccupée par l’armée israélienne et que le secrétaire d’État américain Colin Powell, le président Bush et le premier ministre israélien Ariel Sharon poussent l’Autorité palestinienne à faire des réformes destinées à « écraser Yasser Arafat, l’Autorité palestinienne et tout ce qui rappelait les accords d’Oslo » (p. 44). Sous les pressions, Arafat accepte l’élection, le 9 mars 2003, de Mahmoud Abbas au poste de Premier ministre. Avant sa mort en 2005, Éric Rouleau dressait le portrait du leader palestinien, Arafat, comme un « insubmersible » (p. 47) personnage politique, que le pragmatisme avait conduit à penser une solution à deux États (p. 48). Malgré tout, son manque de concession et la « dualité » (p. 49) de son discours conduisirent « nombres d’intellectuels palestiniens » à lui reprocher « un ‘laxisme’ s’apparentant à une trahison » (p. 50). À la suite de ce portrait, deux pages de bande dessinée de Samir Harb relatent l’histoire – autobiographique – d’un Palestinien en exil. Dans un texte de 1998, Edward Said raconte la « judaïsation continue » (p. 55) de Jérusalem, mais aussi l’émergence de « nouveaux historiens » israéliens qui confirment « que la campagne militaire de 1948-49 avait délibérément visé à expulser du pays le maximum d’Arabes » (ibid.), Saïd y voyant l’espoir d’un « futur moins sombre » pour la Palestine.
C’est ensuite la riposte armée du Djihad islamique et du Hamas qu’analyse Wendy Kristanasen deux ans après les accords d’Oslo, en 1995, ainsi que leur tentative d’entente avec l’Autorité palestinienne en vue d’entrer en politique. Dans un article daté de 2012, Jean-Pierre Filiu présente la situation à Gaza au lendemain des révolutions arabes, alors que lorsque leurs voisins appelaient à la chute du régime, les Gazaouis disaient vouloir « ‘en finir avec la division’, renvoyant dos à dos Hamas et Fatah au nom de l’intérêt supérieur du peuple palestinien » (p. 59). Olivier Pironet analyse la situation de la Cisjordanie en 2014, en regard des accords sécuritaires israélo-palestiniens élaborés en 1993. Ces accords sont très critiqués par l’opinion palestinienne, qui les juge amplement favorables aux colons, contre lesquels « la police de l’Autorité palestinienne n’a pas le droit d’utiliser la force » (p. 60), alors qu’elle est tenue par ailleurs « de coopérer pour cibler et interpeller les militants palestiniens constituant un ‘danger potentiel’ vis-à-vis d’Israël » (ibid.). Il souligne également les inégalités entre les classes sociales, creusées d’année en année (p. 63). Les différences sont aussi marquées par l’exercice d’une double autorité politique dans les territoires, sur laquelle revenait en 2008 Amira Hass, correspondante en Palestine du quotidien israélien Haaretz. En expliquant les rivalités entre le gouvernement de Gaza, du Hamas, et celui du Fatah en Cisjordanie, elle fait le constat du désintérêt des jeunes de la politique palestinienne, doublant la « crise gouvernementale » par une « crise idéologique » (p. 65). Abaher El Sakka s’intéressait quant à lui en 2005 au système de « checkpoints » qui rythme le quotidien des Palestiniens, concrétisation de « la biopolitique décrite par Michel Foucault, ce contrôle physique de la société sur les individus » (p. 66) en ce qu’ils « symbolisent la classification par le pouvoir israéliens des Palestiniens selon leur lieu de naissance » (ibid.). L’article d’Alain Ruscio, daté de 2013, sur la présence de colonies israéliennes à Hébron est un témoignage sur les difficiles conditions d’occupation pour les Palestiniens. En clôture de cette partie, un texte de Mahmoud Darwich analyse les complications liées à la sortie des territoires pour un Palestinien.

Une question internationale

La dernière partie, plus courte, interroge les actes de la communauté internationale relatifs au conflit israélo-palestinien à partir des textes du journaliste Mohamed Sid-Ahmed (2000), de la journaliste Marina Da Silva (2006), du journaliste Maurice Lemoine (2011), des textes inédits des journalistes Hélène Servel et Isabelle Avran, et un texte d’Alain Gresh daté de 2017.
Dans un premier article, Mohamed Sid-Ahmed revient sur la visite d’Ariel Sharon à Jérusalem, à l’origine de la première Intifada soutenue par d’immenses manifestations de solidarité dans toutes les grandes capitales arabes, divisée depuis la guerre lancée par l’Irak de Saddam Hussein contre le Koweït en 1990. Marina Da Silva expose quant à elle en 2006 la situation des réfugiés palestiniens, « les oubliés des accords d’Oslo » (p. 78), vers lesquels se sont prioritairement tournées les organisations islamistes tel le Djihad islamique ou le Hamas qui leur fournissaient une « assistance matérielle » (p. 79). La journaliste insiste sur la politique d’exclusion notamment du gouvernement libanais, qui vient « rappeler que l’évolution du conflit israélo-palestinien est aussi liée à la solution du problème des réfugiés » (p. 81). Maurice Lemoine revient pour sa part sur le soutien de nombreux gouvernements d’Amérique latine à la cause palestinienne, reconnaissant l’État palestinien et ouvrant ses voies au commerce avec les pays arabes au détriment d’Israël. Hélène Servel travaille quant à elle sur l’attrait de Jérusalem pour les journalistes français, « qui viennent s’y faire un nom » (p. 84) quel que soit leur statut, employés ou pigistes, et conclut qu’« une véritable économie (…) se crée autour de la presse étrangère » (p. 85). Isabelle Avran présente le BDS, « mouvement populaire non violent » né en 2005 pour réclamer la suspension d’un partenariat scientifique entre l’Union européenne et Israël, et qualifié de « menace stratégique » (p.86) par le gouvernement israélien, qui depuis 2015 a « mis en place un département spécial chargé d’espionner les militants du boycott » (p. 87). Alain Gresh clôt la revue en soulignant la persistance des Palestiniens à résister.
Avec ce grand panorama journalistique et académique à travers soixante-dix ans d’histoire de conflit, ce numéro édité par Le Monde Diplomatique et Manière de Voir offre un aperçu précis de la question palestinienne. Il permet de mieux saisir les enjeux, notamment, de la décision du président Donald Trump de faire de Jérusalem la capitale d’Israël, alors que le processus de paix israélo-palestinien est encore au point mort.

Palestine. Un peuple, une colonisation, Manière de voir – Le Monde diplomatique, n°157, février-mars 2018.



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