Dans la nuit sombre et lugubre de la guerre syrienne, de petites lueurs d'espoir pointent à l'horizon. En effet cette rébellion, née à Deraa, une ville du sud, où se situe une université islamique financée par l'Arabie-Saoudite, semble avoir accouché deux ans plus tard, d'une tentative de révolution nationale-islamiste avec laquelle les « démolicraties » Occidentales flirtent allègrement.
De cette comédie-tragique que nous font subir les « pan-islamistes » et leurs alliés régionaux et occidentaux, quel est le bilan ?
Militairement, nous ne sommes pas experts pour apprécier la situation ; nous nous appuyons sur les conclusions de plus connaisseurs que nous, pour dire que l'armée arabe syrienne commence à faire le siège de Damas et Alep, alors que les rebelles se trouvent à l'intérieur des deux villes.
Et pourtant, nous ne serions pas arrivés à ce stade du conflit, si l'une des offres de dialogue du Président Bachar Al-Assad avait été tentée par l'opposition islamiste et ses parrains, avant de s'obstiner dans la politique du refus.
Bien évidemment, nous ne sommes pas naïfs ; avec ou sans Bachar el-Assad, il semble que l'objectif des forces occultes était de détruire la Syrie. Il fallait aussi faire sortir du guet les terroristes en sommeil au Proche-Orient et en Europe pour qu'ils aient des chances d'être tués dans ce nouveau foyer de guerre.
Deux ans après, l'image se révèle. Nous avons vu un enchaînement de violence accrue et une sauvagerie guerrière, nourrie par un blocage systématique de la part de la rébellion qui posait à chaque offre une condition inacceptable avant toute négociation et cette condition était le départ du Président Assad ; on ne pouvait mieux agir pour faire capoter les chances d'aboutir. L'erreur de l'opposition aura été de personnaliser le problème et de faire une fixation sur l'homme, alors que c'est l'appareil du Baath qui était à faire évoluer et à transformer. Personnaliser une problématique politique est toujours dangereux, car le risque est alors pris de transformer la victime en héro.
La poursuite de la lutte armée, à part le fait qu'elle a abouti à détruire le pays, ce qui semblait être un but en soi, aura entraîné la radicalisation des mouvements. Radicalisation de la lutte nationale-islamiste, côté rebelles, politique de la terre brûlée, côté gouvernement.
Le bilan qui nous dressons plus loin, donnera au lecteur un sentiment de parti pris de notre part ; pour être franc ; c'est un peu le cas car pour nous, le parlement et le dialogue doivent l'emporter sur la lutte armée ; notre option est de défendre les fragiles et les minoritaires. Or ces derniers ont tout à perdre dans la lutte armée.
Pour cette raison et sans vouloir gommer les abus passés du régime, notre analyse tente de montrer que la méthode utilisée par les rebelles ne pouvait avoir pour objectif « la démocratie », mais uniquement la destruction et le regroupement des extrémistes, en Syrie, pour y être détruits.
En partant de la situation des trois derniers jours, que constate-t-on ?
A Alep la recrudescence des bombardements de l'aviation syrienne passe à une autre échelle. Chez les rebelles, les luttes fratricides, sans doute dues à l'ambiguïté persistante sur les objectifs de cette guerre, mènent lentement à l'affaiblissement du mouvement à l'origine de la contestation. Les signes de cet affaiblissement se lisent, à l'inverse de ce qu'affirme une partie de la presse occidentale officielle, dans les retournements auxquels nous assistons, côté rébellion. Au sein de la population, de vrais sympathisants font plus que s'interroger sur le bien fondé de cette « révolution ».
Ceux qui avaient rejoints la rébellion espéraient trouver plus de liberté et moins de corruption, il découvre une insécurité persistance et croissante, des menaces imminentes et des brigands violant leurs filles et s'installant dans leurs propres maisons.
Ils aspiraient à sortir de la pauvreté, et voilà que le peuple est réduit à la misère, regrettant la pauvreté de naguère où les prix du marché étaient élevés alors que maintenant la loi du marché noir les prive de l'essentiel.
Ils rêvaient d'hôpitaux et de soins gratuits pour tous et de qualité, ils ont même perdu le système généreux qu'on leur avait bâti ; les soins n'étaient pas les meilleurs, mais ils étaient gratuits pour tous ceux qui étaient dans le besoin.
Ils se plaignaient de la répression policière, des moukhabarat *, des chabihhas **, sans doute à juste titre, mais que retrouvent-ils ? Des filles et des femmes enlevées et violées, des morts par dizaines de milliers ; des maisons et des usines pillées.
Le peuple avait peut-être été déçu de ne pas manger à sa faim et pourtant les silos à blés étaient pleins, mais voilà que ceux-ci ont été volé et vendu aux turcs par ces mêmes rebelles ; les premiers ayant remis ce même blé sur le marché syrien, à un prix au kilo, dix fois plus élevé. Aujourd'hui la population rurale est bien déçue, puisque même les bêtes meurent de faim ; elle ne bénéficie plus de la nourriture que l'Etat cédait autrefois aux fermiers à des prix dérisoires.
Avant la rébellion, la qualité des biens produits n'était peut-être pas du niveau des produits manufacturés ailleurs, dans d'autres pays, et tous les employés n'étaient pas riches comme le patron de l'usine, mais que constate-t-on, suite à la guerre poursuivie par les rebelles et leurs alliés ? Un millier d'usines détruites ou volées ; presque tous le tissu industriel d'Alep et le principal tissu manufacturier de Syrie est anéanti. Contre l'injustice, dont la population pouvait se plaindre, la rébellion a donné en échange le chômage. Permettez la boutade : Si le Qatar avait investi en Syrie quelques pourcentages de son budget, pour rendre la Syrie prospère au lieu de financer la guerre, il aurait embelli le visage de ce beau pays.
Les rebelles en massacrant sauvagement les membres de l'armée arabe syrienne et des fonctionnaires prétendaient sans doute offrir la sécurité à leur place. Ils auraient du "balayer devant leur porte poussiéreuse", avant de prétendre. Non seulement, il s'agit de bandes anarchiques, chacune menant sa politique, mais encore immorales, vivant de viols, de rapines, de barbarie gratuite, sans la moindre notion de justice et de surcroît dont les objectifs sont extrêmement opaques.
La prétentions à la sécurité des rebelles, ce sont des dizaines de milliers d'habitations détruites et des réfugiés par centaines de milliers échappés dans les pays voisins, mais dont la situation n'est guère plus enviable que ceux restés dans le pays.
La méthode policière des rebelles ce sont les voitures piégées, comme celle qui a explosé face à l'université d'Alep ou à Damas au centre-ville ou encore près de l'Université. Ce type d'attentat est le meilleur catalyseur pour un retournement de la population, car même le partisan le plus inflexible pourrait, lui ou les siens, se trouver dans le souffle de l'explosion. Au fond, au temps du régime régnant, il n'y avait pas de voitures piégées ; la sécurité n'était-elle pas plus sûre ?
La « réussite de la rébellion » est d'avoir permis une perte générale de contrôle du pays ; les méfaits ont même dépassé les frontières puisque l'on estime à près de 400 jeunes filles celles qui furent violées, à ce jour, par des soldats turcs. En Jordanie et en Egypte, les jeunes syriennes sont vendues dans de « faux mariage » dit Zawaj Soutra, à de riches vieillards pour une modique somme de 100 ou 150 dollars.
Les villageois syriens sont peut-être devenus misérables, mais ils ne sont pas dénués de bon sens ; ils ont compris que si la Syrie avait besoin d'un changement au niveau de la gestion publique, celui-ci ne pouvait passer par l'annihilation. Ils demandent à présent aux rebelles d'abandonner les villages.
En conséquence, le regard des musulmans sur les chrétiens commencerait à changer. N'allons pas trop vite.... Disons seulement que la population, en général, établit un parallèle entre l'attitude des rebelles sunnites qui cherchent à éliminer tout ce qui n'est pas de leur religion et les chrétiens avec leurs organismes de bienfaisance et leurs hôpitaux qui aident sans discrimination... La population musulmane ressentirait-elle aussi le remord d'avoir manqué à la protection des minorités, gens du livre, que demande le Coran ?
Des habitants du village de Deir Hafer, lequel vit actuellement des combats féroces entre rebelles et armée arabe syrienne, ont reconnu, devant nous, avoir été trompés par la rébellion et leurs alliés. Ils affirment ne plus vouloir leur présence et particulièrement celle Forsat al-Nosra qui, en dépit de toutes les destructions et souffrances évoquées plus haut, a interdit aux femmes de travailler, aux hommes de fumer, aux enfants, et surtout aux filles, d'aller à l'école ; ils ont même demandé aux familles d'accepter de marier, sans dot, gratuitement disons, leurs fillettes de 14 ans au chef de Forsat al-Nosra. En revanche, ce mouvement accepte qu'on tue, qu'on égorge, qu'on coupe les têtes....et même les têtes des Imams qui ne pensent pas comme eux.
Les misères que nous avons rapportées ne sont certes pas l'œuvre unique des rebelles. Les bombardements aériens, décidés par le régime, ont tout autant contribué aux destructions et aux dizaines de milliers de victimes innocentes.
Chaque partie a ses responsabilités ; pour cela, si l'objectif de la rébellion n'est pas la destruction de la Syrie et l'élimination de tous les terroristes sortis du guet européen et moyen-oriental, qu'elle déclare une trêve et se mette à la table des négociations sans condition pour énoncer ses aspirations et se faire entendre objectivement. En revanche, si elle poursuit le combat, nous aurons le signe, presque la preuve, que l'objectif de cette rébellion n'a jamais été la « démocratie ». Les démocrates « parlementent au parlement » et non dans les batailles de rues.
Espérons qu'à présent, l'Occident, qui est soutien et pilier, de cette opposition nationale-islamiste, prendra conscience de son rôle immoral, car sa politique étrangère inacceptable se traduit par un soutien à des bandes dangereusement nationalistes, expansionnistes, immatures, manipulées, vengeresses et barbares ; elle mène à des effets qui sont hors de toutes normes morales. En politique, comme dans la vie individuelle, l'abus de dispositions non soumises à la morale, conduit à l'autodestruction. « Qui sème le vent, récolte la tempête ».
En encourageant le mouvement national-islamiste, l'Occident a exagérément exacerbé les rapports confessionnels entre les populations locales. Les accents de la rébellion à Alep sont ceux de la purification religieuse; Est-il trop tard pour l'Occident, de se dessaisir de cette politique et de la modifier ? Certes, si les politiques ont tardé, il n'est jamais trop tard : Une conférence régionale regroupant les pays du Maschrek sous l'égide de l'ONU redonnerait des responsabilités à tous les gouvernements en place et aux minorités inquiètes. Par le dialogue, on préserve et renforce la sécurité des peuples, la justice, la condition économique et sociale, la paix entre les Etats et surtout le rêve car en Orient où le cœur aiguille la raison, le rêve fait partie du programme gouvernemental. Donner du rêve, un rêve de paix et de prospérité à la population syrienne, irakienne, libanaise, égyptienne et israélienne, voilà qui a plus de chances d'aboutir à la démocratie que les intrigues des chancelleries ou la politique machiavélique du diviser pour régner.
Le Veilleur de Ninive.
* services secrets
** milice civile