Priorité à l'élection d'un président, affirme le sommet chrétien de Bkerké
C'est finalement un sommet religieux chrétien et non pas islamo-chrétien qui s'est tenu hier à Bkerké sous la présidence du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï. Le patriarcat maronite n'a donné aucune précision au sujet des raisons qui ont induit ce changement. Le sommet islamo-chrétien a été reporté mais sans qu'une nouvelle date ne soit fixée.
À l'issue de leurs délibérations, les prélats chrétiens ont fait paraître un communiqué dont lecture a été donnée par M. Harès Chéhab, membre de la commission nationale de dialogue islamo-chrétien. Le ton est donné dès les premières lignes, avec une insistance particulière sur l'élection d'un président. « Les chefs des communautés chrétiennes appellent l'ensemble des courants politiques à se dépêcher d'adopter une feuille de route qui commence par l'élection d'un chef de l'État, conformément aux règles constitutionnelles, souligne le communiqué. Cette élection est prioritaire et fondamentale dans la mesure où elle concerne tous les Libanais, toutes appartenances communautaires confondues. Les chefs spirituels placent le Parlement devant ses responsabilités historiques et constitutionnelles, et demandent à tous ses membres de se rendre place de l'Étoile afin d'élire un président », indique le communiqué qui précise que la formation d'un nouveau gouvernement « à même de pouvoir régler l'ensemble des problèmes politiques, socio-économiques et constitutionnels, et d'élaborer une nouvelle loi électorale, doit suivre la présidentielle ».
Dans le même temps, les prélats ont affirmé que « le gouvernement actuel doit rester en place ». « Il ne faut pas qu'il chute ou qu'il démissionne, tant que le vide persiste à la tête de l'État, relèvent les chefs spirituels chrétiens. Il faut soutenir ce que le chef du gouvernement et son équipe entreprennent en collaboration avec le président de la Chambre, Nabih Berry, pour accélérer l'élection d'un président. Cette élection est une revendication sur laquelle insistent les chefs des communautés ici présents parce qu'elle constitue une échéance nationale qui préserve les principes de la justice et de l'équité, lesquels sont à la base du partenariat national », ont-ils souligné.
Des garde-fous constitutionnelsS'arrêtant sur « la crise politique sans précédent et la détérioration de la situation économique », qu'ils ont attribuées à la vacance présidentielle, « laquelle a provoqué la paralysie de toutes les autres institutions et constitué une violation de la République », les prélats chrétiens ont jugé « indispensable, une fois cette crise réglée, d'établir un nouveau mécanisme et des garde-fous constitutionnels susceptibles d'empêcher une répétition de cette malheureuse expérience ». Ils ont mis en relief sur ce plan « l'importance d'une coopération entre les différents dirigeants et forces politiques en vue d'un retour à l'entente et pour que les divergences restent dans un cadre démocratique ». Selon eux, ces deux facteurs sont « nécessaires pour préserver la stabilité qui est primordiale pour nous et pour notre environnement arabe ». Dans ce cadre, les chefs religieux chrétiens ont appelé la communauté internationale à mettre fin à « la guerre, la violence, au terrorisme et aux opérations d'épuration religieuse pratiquées en Syrie, en Irak, au Yémen et en Palestine ». Ils ont souligné la nécessité d'œuvrer pour une solution politique dans ces pays.
Les chefs spirituels chrétiens ont en outre commenté les manifestations populaires organisées contre la classe politique. Ils les ont approuvées, mais avec quelques réserves. Tout en exprimant leur attachement au droit d'expression « pratiqué suivant les règles en vigueur », ils ont estimé que « le recours à la rue recèle des dangers, surtout lorsque les tensions sont exacerbées et que les flammes qui entourent le Liban risquent d'ébranler sa stabilité ». S'adressant indirectement aux protestataires, les chefs religieux ont souligné la nécessité d'une « lecture saine des priorités, qui doit être accompagnée d'une échelle de mesures à prendre pour faire face aux événements et aux revendications socio-économiques et sécuritaires ». Les responsables religieux ont qualifié d' « expression démocratique » les pressions exercées par la rue sur le gouvernement, mais ils ont fait part de leur opposition aux actes de violence qui ont ponctué les manifestations ainsi qu'au blocage de la vie publique.
Les prélats ont dans le même temps mis en garde contre « l'infiltration de fauteurs de troubles parmi les manifestants pacifiques », avant de dénoncer les actes de violence et de vandalisme au centre-ville de Beyrouth, appelant à sanctionner leurs auteurs. Ils ont aussi relevé le ras-le-bol populaire face à « l'impuissance de la classe dirigeante à assurer les services les plus élémentaires indispensables à une vie digne ».
En conclusion, les chefs spirituels ont invité les chrétiens à « faire primer le dialogue et la fraternité », et « faire passer l'intérêt national avant les intérêts privés, pour éviter que le Liban ne plonge dans l'inconnu et pour lui éviter les drames qui se déroulent autour de nous et qui inquiètent la population ».
Les participants aux assises chrétiennes
Voici la liste des personnalités qui étaient présentes à la réunion des chefs spirituels chrétiens, qui s'est tenue à Bkerké en présence des membres de la commission nationale de dialogue islamo-chrétien : NNSS, les patriarches maronite, Béchara Raï, grec-orthodoxe, Youhanna X Yazigi, arménien-orthodoxe, Aram 1er, grec-catholique, Grégoire III Lahham, syriaque-catholique, Ignace III Younan, le pasteur Sélim Sahyoun, président du Conseil supérieur évangélique au Liban et en Syrie, Mgr Georges Saliba, représentant le patriarche syriaque-orthodoxe, Ignace Efram II, Mgr Patrick Mouradian, représentant le patriarche arménien-catholique, Grégoire Pierre XX, le vicaire apostolique latin, Mgr Boulos Dahdah, le chef de l'Église chaldéenne au Liban, Mgr Michel Kassarji, le métropolite Élias Audi, l'archimandrite Roueiss Orchelimi, représentant l'Église copte-orthodoxe, le corévêque Yatroun Coliana, représentant l'Église assyrienne, ainsi que plusieurs évêques et les membres de la commission nationale de dialogue islamo-chrétien, Harès Chéhab, Camille Menassa, Jean Salmanian et Michel Abs.
Le nonce apostolique, Mgr Gabriele Caccia, a été également convié au sommet.