États-Unis – Décret anti-réfugiés : le scepticisme des chrétiens d'Orient
Par un décret, aujourd'hui suspendu, Donald Trump veut interdire provisoirement l'entrée des réfugiés et des ressortissants de sept pays à majorité musulmane sur le sol américain. Les chrétiens d'Orient, qui pourraient déroger à la règle, jugent cette distinction dangereuse.
On se rappelle les effets désastreux de la gaffe de George Bush qui, en 2001, avait, pour qualifier la guerre contre le terrorisme, utilisé le mot « croisade ». L'emploi de ce terme, qu'il a publiquement regretté depuis, avait provoqué un vif émoi au Moyen-Orient parce qu'il faisait des chrétiens d'Orient les protégés des Occidentaux et donnait aux fondamentalistes musulmans une raison supplémentaire de les haïr.
En signant le 27 janvier le décret « Protéger la nation contre l'entrée de terroristes étrangers aux États-Unis », le président Donald Trump a provoqué un malaise comparable chez les chrétiens d'Orient. Le texte prévoit la suspension pendant quatre mois du programme d'admission des réfugiés, ainsi que l'arrêt pour trois mois de l'accès des ressortissants de sept pays musulmans (Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) aux États-Unis.
Pour ce qui est du programme d'admission des réfugiés, un passage du décret stipule que des dérogations seront possibles pour « accorder la priorité aux demandes faites par des individus [qui seraient victimes] d'une persécution religieuse, à condition que la religion de l'individu soit une religion minoritaire dans son pays ».
L'ensemble de ces mesures a été temporairement suspendu le vendredi 3 février par la décision d'un juge fédéral, et on ne sait pas encore si ce décret sera finalement appliqué.
Le jour même de la signature du texte, le nouveau président américain a accordé une interview à la chaîne de télévision chrétienne CBN, dans laquelle il entend à l'avenir donner la priorité aux réfugiés chrétiens persécutés. « Ils ont été traités de façon terrible. Savez-vous que si vous étiez un chrétien en Syrie, il était impossible, ou du moins très dur, d'entrer aux États-Unis ?, s'est-il insurgé avant d'affirmer : Nous allons les aider. »
La question complexe de l'immigration
Si cette attention toute particulière de la part de l'administration américaine aux chrétiens d'Orient apparaît à première vue une bonne chose, ce traitement de faveur risque toutefois de se retourner contre eux. « Déclarer être favorable seulement aux chrétiens ne nous rend absolument pas service. Au contraire ! », a réagi Mgr Georges Casmoussa, ancien archevêque syrien-catholique de Mossoul. « Nous ne voulons pas de statut spécial, mais simplement être reconnus comme des citoyens à part entière. Si certains optent pour l'immigration, que leurs cas soient examinés à partir de leur situation et non en fonction de leur religion », poursuit le prélat, qui juge ces déclarations « imprudentes ».
Même son de cloche du côté de Marc Fromager, directeur d'Aide à l'Église en détresse (AED). « Tout ce qui touche à Donald Trump suscite des réactions souvent excessives et un peu hystériques. On ne peut pas reprocher à un État de prendre soin de sa sécurité intérieure. M. Trump estime que cette mesure provisoire doit permettre de renforcer à terme les procédures d'admission. C'est son droit. Mais il est vrai que le fait de mettre un coup de projecteur uniquement sur les chrétiens peut s'avérer contre-productif. »
« C'est du populisme au plus bas niveau », dénonce quant à lui Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk, en Irak, qui s'interroge sur le choix des sept pays touchés par le décret. « Alors que des chrétiens sont persécutés au Pakistan et que nous savons que des terroristes vivent là-bas, pourquoi ne pas avoir aussi intégré ce pays dans la liste ? Quand on est à ce niveau de responsabilité, on ne peut pas trancher aussi catégoriquement sur une question aussi complexe que celle de l'immigration. » C'est l'incohérence de la mesure que l'archevêque irakien ne comprend pas. « On sait bien que des terroristes sont partis de France pour le Moyen-Orient. Est-ce qu'il faudrait interdire à tous les Français le voyage vers les États-Unis ? »
Tout comme Marc Fromager, Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l'Œuvre d'Orient, regrette que les médias, et en particulier la presse française, s'acharnent systématiquement contre tout ce que dit ou fait Donald Trump. « Cela ne permet plus de réfléchir sereinement. » Mais cette considération ne l'empêche pas de porter un regard très critique sur le bilan de la politique américaine au Moyen-Orient.
Mieux vaut aider les pays à se reconstruire
De retour d'un voyage en Irak où il a pu constater les ravages de Daech dans les villages de la plaine de Ninive, il reste persuadé que la meilleure façon d'aider les chrétiens d'Orient est de réparer les pays dans lesquelles ils vivent. Appelant les États-Unis à faire « un examen de conscience », notamment sur leur action en Irak, Mgr Gollnisch assure qu'« il n'est pas possible de prétendre être l'ami des chrétiens d'Irak tout en ayant dévasté leur pays […] et qu'il n'y aura pas de salut pour ces chrétiens s'il n'y a pas de salut pour l'Irak ! »
En ce sens, Mgr Casmoussa insiste sur le fait que l'aide des États-Unis serait plus efficace si elle était concentrée sur le rétablissement de l'État irakien. « Aller dans cette direction serait bien plus utile que de nous envoyer des missiles ou des tanks. Il fait aider nos pays à s'établir en État de droit et à séparer la religion de l'État, afin que l'on n'instrumentalise plus l'un au profit de l'autre. »
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