Tbilissi (Agence Fides) – « Lors de la rencontre que nous aurons ce soir avec le Pape François, il n’y aura pas de discours mais une prière et j’espère qu’il nous adressera une parole d’encouragement. Je dirai au Saint-Père : nous espérons bientôt une visite de votre part en Irak. Nous avons besoin de votre présence et de votre soutien en ces lieux ». C’est ce que raconte à l’Agence Fides le Patriarche de Babylone des Chaldéens, S.B. Louis Raphaël I Sako, en décrivant les sentiments avec lesquels, en compagnie d’Evêques, de prêtres, de religieux et de fidèles chaldéens, il se prépare à la rencontre avec le Successeur de Saint Pierre, prévue ce soir à 18.00 locales en l’église Saint Simon Bar Sabbae de Tbilissi. A la rencontre avec le Pape – indique le Patriarche – seront présents 12 Evêques chaldéens ayant à peine vécu leur Synode annuel à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Outre les fidèles de la nombreuse communauté assyro chaldéenne présente en Géorgie, le Pape François sera également accueilli par des groupes de fidèles chaldéens provenant des Etats-Unis, de France et du Canada, ainsi que par un groupe de chaldéens actuellement réfugiés, après avoir dû abandonner leurs maisons face à l’avancée des djihadistes du prétendu « Etat islamique ». Au cours de la rencontre, seront récitées les Vêpres en langue chaldéenne. En Géorgie, vivent environ 10.000 chrétiens appartenant aux communautés chaldéenne et assyrienne. Leur arrivée originelle dans le Caucase remonte aux flux migratoires enregistrés dès la première moitié du XIX° siècle et s’étant renforcés au début du XX° siècle du fait des persécutions subies notamment par les assyriens et les chaldéens durant la I° Guerre mondiale. « La rencontre avec le Successeur de Saint Pierre – a déclaré le Patriarche de Babylone des Chaldéens à l’Agence Fides – constituera un moment fort et nous le vivrons pour être confirmés dans la foi, dans l’espérance et dans le choix de persévérer et de demeurer sur notre terre martyrisée ». (GV) (Agence Fides 30/09/2016) |
En Jordanie, un écrivain chrétien a été assassiné
L'écrivain-journaliste Nahed Hattar a été assassiné à Amman alors qu'il devait comparaître devant un tribunal pour avoir publié sur son compte Facebook une caricature moquant Daech et sa vision de Dieu. Bien avant, l'homme suscitait la controverse. Décryptage.
L'écrivain-journaliste Nahed Hattar a été assassiné à Amman alors qu'il devait comparaître devant un tribunal pour avoir publié sur son compte Facebook une caricature moquant Daech et sa vision de Dieu. Bien avant, l'homme suscitait la controverse. Décryptage.
Des manifestants brandissent le portrait de Nahed Hatter, à Fuheis en Jordanie, le 25 septembre 2016. / Khalil Mazraawi/AFP
Les faits
La Jordanie, pays arabe plutôt modéré, n'est pas épargnée par l'extrémisme religieux. C'est ce que démontre l'assassinat dimanche 25 septembre de l'écrivain jordanien Nahed Hattar, 56 ans. Il a été tué alors qu'il montait les marches d'un tribunal d'Amman où il était jugé pour avoir publié une caricature considérée comme offensante envers l'islam. Gravement blessé à la tête, il est décédé à l'hôpital.
Selon des témoins, l'assassin présumé, un homme barbu, portant une thobe (tunique traditionnelle) de couleur grise a tiré sur la victime avant de se rendre aux policiers présents devant le tribunal.
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De religion chrétienne, le chroniqueur avait été arrêté le 13 août après avoir relayé sur son compte Facebook une caricature – dont l'auteur est inconnu – montrant un djihadiste barbu sur un lit au paradis entouré de deux femmes s'adressant à Dieu comme à un simple serviteur. Il lui demandait d'apporter un verre de vin et des noix de cajou et lui ordonnait d'amener quelqu'un pour nettoyer la chambre, avant de lui faire remarquer qu'il devait frapper à la porte avant d'entrer.
La caricature avait pour titre : « Dieu des Dawaech », en allusion aux djihadistes de Daech. Mais au vu des réactions violentes sur les réseaux sociaux, l'écrivain avait retiré la caricature peu de temps après, tout en expliquant « qu'elle moquait les terroristes et leur conception de dieu et du paradis. Elle ne porte en aucun cas atteinte à la divinité de dieu. »
Nahed Hattar avait cependant été accusé par les autorités jordaniennes d'« incitation aux dissensions confessionnelles » et d'« insulte » à l'égard de l'islam, qui interdit toute représentation de Dieu.
> À lire : Jordanie : les islamistes reviennent au Parlement
Qui est Nahed Hattar ?
L'écrivain assassiné était un opposant de gauche au régime jordanien, connu aussi pour son soutien au régime syrien de Bachar Al Assad. Après son arrestation en août, il avait été libéré début septembre sous caution et le procureur général avait imposé un black-out sur cette affaire. Ce n'était pas la première fois que Nahed Hattar avait maille à partir avec la justice. Il avait déjà été emprisonné dans le passé pour avoir critiqué le roi de Jordanie, dans des articles publiés sur Internet.
Peu après la publication de la caricature sur le Web, le journaliste avait été violemment pris à partie pour son athéisme, alors qu'il est chrétien.
Dans une région où les tensions religieuses sont exacerbées, la Jordanie est un pays où les chrétiens sont bien intégrés et où la liberté de culte est assurée. Par ailleurs, le royaume se veut à la pointe du dialogue islamo-chrétien.
Les chrétiens jordaniens seraient entre 3,5 à 4 % de la population du royaume. Ils disposent de neuf sièges réservés, sur 80, au Parlement. Deux chrétiens sont appointés par le roi pour siéger au Sénat. Nombre d'entre eux occupent des postes de ministres, depuis 1947.
Ils sont essentiellement établis à Amman, Salt (nord) et Madaba (sud), où une université catholique a ouvert ses portes en 2011. Une communauté ancienne subsiste également à Karak. Au nord, Shatana est un village intégralement catholique.
Un assassinat plutôt motivé par des raisons politiques
Nahed Hattar était un personnage très controversé en Jordanie. Selon l'écrivain Fahad al Khitan, interrogé sur la télévision qatarienne Al Jazeera juste après son arrestation en août, ses adversaires auraient profité de l'affaire de la caricature « pour se venger de ses déclarations politiques souvent offensantes et controversées. »
En effet, il affichait ouvertement ses sympathies pour le président syrien Al Assad et décrivait ceux qui critiquaient le gouvernement syrien de « terroristes » ou de « sympathisants terroristes ».
Plus grave, il se faisait le porte-parole de ceux qui veulent priver les Jordaniens d'origine palestinienne de leurs droits légaux et civiques en Jordanie – la population d'origine palestinienne représente près de 70 % de la population du pays. Hussein de Jordanie – père de l'actuel roi Abdallah –, aura été le seul dirigeant arabe à accorder la nationalité de son pays aux Palestiniens. Nahed Hattar se faisait l'avocat d'une citoyenneté jordanienne exclusive, sans sa composante palestinienne.
Agnès Rotivel