SYRIE : lettre de Mgr Samir Nassar, archevêque de Damas
Hier, 14 septembre, les chrétiens de Syrie célébraient la fête de la croix glorieuse. A cette occasion, Mgr Samir Nassar, archevêque maronite de Damas, nous envoie cette émouvante lettre, faisant part de ses réflexions sur la guerre et l'Espérance chrétienne.
La famille ébranlée
Six ans de guerre ont fini par secouer le rempart de la société syrienne : la famille, la cellule de base qui a absorbé les chocs et les malheurs de cette violence sans fin, sauvant le pays et l'Église jusqu'à 2014… L'insécurité, l'intolérance, la violence et les destructions chaotiques ont déraciné plus de deux millions de familles. Privées de logement et dispersées un peu partout, comment les familles pourraient-elles porter encore ce si lourd calvaire ?
Les mamans héroïques
Depuis le début de la guerre, le 15 mars 2011, il est bien fréquent de voir la famille centrée autour d'une maman. Ceux sont les hommes qui vont à la guerre et y meurent souvent. Un dicton populaire dit : « un orphelin de père n'est pas un orphelin » ; la famille reste regroupée autour de la maman qui assure l'unité et la survie du foyer… Dans cette longue et lourde souffrance, ces mamans héroïques vivent dans la misère et les larmes, elles ont bien honoré leur vocation en vivant sous les tentes et en payant de leur vie. Y a-t-il un plus grand sacrifice ?
L'exode des jeunes
La mobilisation générale décrétée en octobre 2015, invitant tous les jeunes de moins de 45 ans à rejoindre le service militaire, a troublé les familles qui n'ont pas pu partir et qui attendaient sur place la fin de cette interminable guerre. Cette tranche d'âge constitue l'épine dorsale des activités économiques encore restantes … Ces jeunes ont vite disparu. Certains ont rejoint les casernes et les autres ont choisi de fuir, suivant l'émigration clandestine souvent irréversible, déstabilisant le marché du travail et la modeste vie familiale privée de ressources… Quel avenir pour une communauté sans jeunes ?
L'Église fragilisée
Les effets de ces changements ont bien fragilisé l'Église. Les familles choisissent souvent de rejoindre le fils parti…D'où l'exode accéléré des familles…Une baisse vertigineuse des fidèles dans toutes les paroisses. Déséquilibre démographique : en absence de jeunes, nos filles laissées seules se marient avec des musulmans polygames. Il y a donc moins de mariages et moins de baptêmes. Pour la première fois, l'Église est face à un problème crucial : un prêtre sur trois présent à Damas a choisi de partir vers d'autres pays plus paisibles…. Comment faire pour retenir les prêtres à Damas ? Que devient l'Église sans prêtres ?
Des gardiens de pierres
Les villes mortes au Nord de la Syrie sont une forte source d'inspiration de ce que nous pourrions devenir… Comment faire pour éviter de devenir des gardiens de pierres ? Il reste aux chrétiens d'Orient de revoir leur vocation et de vivre aux sillages de la petite Église primitive minoritaire qui vivait sans garanties ni protection. Serons-nous capables de lever ce défi apostolique ? « Serons-nous des gardiens de pierres? »
14 Septembre 2016- Fête de la CROIX GLORIEUSE
+Samir NASSAR, Archevêque Maronite de Damas
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