«L'USJ est l'œuvre ininterrompue de l'acte d'espérer.» La proposition est du P. Salim Daccache, son recteur. Elle a été prononcée lors d'une soirée festive, vendredi dernier, marquant le centenaire de trois des facultés de l'Université Saint-Joseph, celle de médecine, fondée en 1883, et celles de droit et d'ingénierie, fondées toutes deux en 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale.
Pour sortir le passé de l'USJ de la brume et en réaliser la grandeur, peut-être faudrait-il faire comme Fadi Geara, le doyen de la faculté d'ingénierie, qui a déclaré ce soir-là: «Quand on dit centenaire, a-t-on véritablement en tête la période concernée? Sommes-nous capables d'imaginer les gros titres des journaux de l'époque? Ceux qui annonçaient le début de la Première Guerre mondiale, la révolution russe ou encore le naufrage du Titanic et la remise du prix Nobel de chimie à Marie Curie?»
Oui, à ces épisodes de l'histoire ayant frappé l'imagination de plusieurs générations, il faudrait, du moins pour nous, ajouter la naissance de l'USJ, un événement sans aucun doute d'égale importance pour le Liban, et même plus largement pour un Levant dont l'USJ fut, et reste, un espace pédagogique privilégié.
Des premiers pas de ce monument culturel forgé par l'espérance, les beaux édifices abritant l'église Saint-Joseph et le campus des sciences médicales témoignent avec éloquence. Ceux-là, au moins, ne seront pas remplacés par des tours, et continueront à témoigner de la mémoire d'un temps qui n'est passé que comme les racines sont le passé d'un arbre.
Une alliance paradoxaleMais l'USJ, c'est avant tout des hommes. L'université, dont on célèbre le souvenir exceptionnel cette année, c'est à l'origine l'histoire d'une alliance paradoxale entre la Compagnie de Jésus et la très anticléricale IIIe République, à l'initiative d'un juriste visionnaire nommé Paul Huvelin. Une alliance où les deux parties devaient, finalement, trouver leur compte, les jésuites dans la consolidation du catholicisme au Levant et l'existence de ce joyau qu'est l'USJ; la France dans l'éclatant rayonnement d'une francophonie qui vient d'être couronnée par l'entrée d'un Libanais, Amin Maalouf, à l'Académie française, et qui résonnera à jamais des strophes de Georges Schéhadé, Fouad Gabriel Naffah et Nadia Tuéni.
Tout au long de l'année, l'Université rendra hommage à ces pères fondateurs, à ces tuteurs qui permirent à la pousse de grandir droit. Des réalisations spéciales marqueront les trois centenaires. La somme magistrale du père Jean Ducruet, ses trois Livres d'or qui nous valent de connaître la genèse des trois facultés centenaires, sera rééditée et mise à jour. Des achèvements marquants prévus ressortent déjà les initiatives prises par la faculté de droit, avec, entre autres, la création du prix «Beyrouth, nourricière des lois», doté d'une récompense d'un million de dollars, le lancement d'un fonds de trois cents bourses universitaires et la publication d'une monumentale traduction arabe du code civil.
Un appel à la solidarité
La proposition du recteur Salim Daccache a été exprimée devant un parterre de personnalités politiques, diplomatiques et académiques venues se réjouir de l'événement, au campus de l'innovation et du sport, rue de Damas. «L'USJ, tout comme les trois facultés que nous célébrons aujourd'hui, est l'œuvre ininterrompue de l'acte d'espérer», a-t-il déclaré dans son discours d'ouverture. Un acte particulièrement opportun durant la longue guerre libanaise (1975-1990), quand certains ont cru, pour reprendre les termes du recteur, «que l'USJ et ses facultés allaient péricliter», oubliant qu'un géant nommé Jean Ducruet, adossé à une communauté universitaire solidaire, veillait au grain.
Jalousement attaché, comme tout Libanais, à sa liberté, le recteur Salim Daccache a ajouté à son acte d'espérer un nouvel acte de foi, dans la liberté cette fois: «Croyez-moi, c'est la mission éducative, qui s'est appelée depuis longtemps libanaise, qui sera attractive, car l'éducation est un acte de libération. Comme l'USJ a emporté ce combat dans le passé, toujours elle l'emportera!» a-t-il dit.
Comme l'ont fait tous ses prédécesseurs, le P. Daccache a fait suivre son discours d'un appel à la solidarité, au don. «N'ayez pas peur de donner!» a-t-il lancé à l'adresse de la communauté universitaire, en particulier les anciens, qu'il a invités à raviver leur sentiment d'appartenance à leur alma mater et à le traduire en actes. «Ces actes de solidarité de la part d'anciens et d'amis viennent annuellement au secours d'au-delà de 2500 étudiants, a-t-il précisé. Aujourd'hui encore, je lance l'appel pour que cette aide continue et prospère.»
Un modèle d'innovation
S'exprimant au nom des aînées des trois facultés, celle de médecine, fondée en 1883, Roland Tomb, son doyen, a affirmé ce soir-là: «Célébrer un anniversaire, c'est aussi (...) regarder devant soi. Notre faculté, longtemps seule avec sa sœur rivale américaine, doit composer actuellement avec un paysage beaucoup plus éclaté, une compétition des plus vives à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. (...). Mais à aucun moment nous ne perdons de vue que l'université n'est pas un centre d'apprentissage technique, mais un espace de liberté et de responsabilité. C'est pourquoi, les sciences humaines, l'éthique et la bioéthique occupent une place considérable dans cet enseignement.»
Famille et institution
Pour Fayez Hage-Chahine, doyen de la faculté de droit et de sciences politiques, «l'autonomie de chaque faculté s'insère dans le cadre de l'unité de l'université». Une unité qui revêt deux dimensions complémentaires, puisqu'elle est à la fois familiale et institutionnelle, et qu'elle est «liée par le devoir de servir le Liban en tant que patrie définitive à tous ses fils».
Quant au Pr Fadi Geara, doyen de la faculté d'ingénierie, à son rappel historique cité plus haut il a ajouté: «Aujourd'hui, après avoir connu une longue histoire d'innovations, de créativité et de réformes, l'ESIB est toute tournée vers l'avenir, bénéficiant d'un renforcement marqué de son potentiel de recherche et d'une implication nouvelle dans les formations doctorales.»
Un féérique son et lumière, œuvre de l'Institut d'études scéniques de l'USJ (Iesav), a clôturé la soirée en beauté, avec une ballerine qui a fait son apparition derrière la baie vitrée de l'auditorium et qui, comme par enchantement, s'est transportée sur les murs futuristes des édifices du campus où une succession d'images a ramené les spectateurs aux heures héroïques qui ont jalonné et rendu possible cette aventure nommée USJ. Une exposition de photos, dans le hall d'entrée du campus, est là aussi comme aide-mémoire.
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