De droite, parce que « je révère l’égalité, mais, quand il faut choisir, je choisis la liberté ». Membre des Républicains, mais « souvent un peu marginal dans mon parti, plus libéral, plus européen, plus ouvert sur les questions de société ». Français de père arménien, avocat, ancien ministre, député et président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine depuis 2007, c’est en fine plume et en observateur acéré du jeu politique que Patrick Devedjian signe chaque semaine son bloc-notes dans l’Opinion.
Le Proche-Orient a été christianisé avant l’Europe, en raison de sa proximité avec Jérusalem et les évangélisateurs. Certaines Eglises orientales célèbrent la messe dans une langue issue de celle du Christ.
Le tableau sommaire que je représente ci-dessous a pour objet de s’intéresser à leur histoire pour mieux les accueillir. Leur incessant mouvement migratoire vers la France, avec laquelle ils ont tous plus ou moins partie liée, est un malheur pour eux mais une chance pour notre pays.
La France s’est souvent servie d’eux et ils l’ont accepté avec bonne volonté. Leur destin vient d’une longue histoire dont l’Europe porte une part de responsabilité importante. Ils ne sont pas des intrus qui viennent nous déranger, mais souvent nos frères abandonnés et séparés par des politiques mal conduites par nos Etats.
Tout commence en 395 quand l’Empire romain se partage entre Empire d’Occident, de langue latine, avec Rome pour capitale, et Empire d’Orient, de langue grecque, et dont la capitale installée sur la rive européenne du Bosphore s’appellera Constantinople de 330 à 1923.
La première coupure intervient dès 476 avec la chute de l’Empire romain d’Occident et l’abdication de l’empereur Romulus Augustule.
En 1054, le pape de Rome, Léon IX, est prisonnier des Normands. Son légat, Humbert de Moyenmoutier, dépose une bulle d’excommunication de l’église byzantine et de son patriarche Michel Cérulaire sur l’autel de Sainte-Sophie à Constantinople, alors que le Pape est mort depuis 3 mois et qu’il n’y a eu aucun concile.
Querelle. En fait, la querelle porte sur la prééminence du siège de l’église chrétienne, car l’Empire byzantin avait, depuis le VIIe siècle, entrepris de reconquérir l’Italie vaincue et barbarisée. Comme le remarque Paul Veyne, de 678 à 752, 11 papes sur 13 sont des Grecs et on parle grec au palais du Latran.
En 1204, la 4e croisade destinée à la délivrance de Jérusalem, s’arrête à Constantinople, met la ville à sac, renverse la dynastie byzantine, installe un empereur latin
De 1095 à 1108, la 1ere croisade installe quatre Etats latins au milieu du monde arabe : Antioche, Edesse, Jérusalem et Tripoli.
En 1204, la 4e croisade, destinée à la délivrance de Jérusalem, s’arrête à Constantinople, met la ville à sac, renverse la dynastie byzantine, installe un empereur latin : Vénitiens et Francs se partagent l’Empire qui, malgré la restauration de la dynastie Comnène, en demeurera durablement affaibli.
En 1439, devant la menace turque, le concile de Florence proclame l’union des églises catholique et orthodoxe, mais la chute de Constantinople en 1453 rendra cela caduc, tandis que la plus grande partie de l’élite intellectuelle de Byzance se réfugie en Italie.
En 1536, François Ier noue avec la Turquie une alliance de revers contre les Habsbourg. Elle durera plus de deux siècles, donnant lieu plus tard à des avantages commerciaux, et enfin au droit de protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. De cette époque date la tradition ininterrompue de protection des chrétiens d’Orient.
En 1571, la chrétienté rassemblée, mais sans la France alliée des Turcs, écrase la flotte turque à Lépante et éloigne ainsi la menace turque des côtes européennes de la Méditerranée. L’année d’après, la monarchie française organise les massacres de la Saint-Barthélémy contre les protestants.
En 1821, les Grecs se révoltent contre les Turcs et sont finalement soutenus par la Russie, l’Angleterre et la France, aboutissant ainsi au traité de Londres qui confirme l’indépendance de la Grèce.
En 1860, les nombreux massacres de chrétiens maronites au Liban par les Druzes soutenus par l’Angleterre et les Turcs conduisent Napoléon III à envoyer un corps expéditionnaire au Liban pour les protéger et rétablir l’ordre dans cette province turque. L’affaire se déroule mal sur le plan militaire et le corps expéditionnaire se retire l’année suivante, laissant les Maronites à leur drame. La France obtient cependant un accord international instaurant l’autonomie du Mont Liban.
A la suite de la guerre russo-turque, le traité de Berlin proclame en 1878 l’indépendance de la Serbie et de la Roumanie. La Turquie s’ouvre aux capitaux européens et les écoles françaises fleurissent dans l’empire ottoman.
En 1894, 1896 et 1909, Abdul Hamid II, « le sultan rouge », organise dans toute la Turquie de très nombreux massacres d’Arméniens.
En 1908, la Bulgarie proclame son indépendance, l’Autriche annexe la Bosnie-Herzégovine, la Crète est rattachée à la Grèce. Le nationalisme turc s’exalte rapidement.
La guerre éclate en 1914, la Turquie s’allie à l’Allemagne et planifie le génocide des Arméniens pour prévenir un nouveau démembrement de l’empire. Cette extermination a lieu sous les yeux des autorités allemandes commandant de nombreuses unités sur le territoire.
Révolution bolchevik. En 1916, les Accords Sykes-Picot partagent entre la France, l’Angleterre et la Russie leurs zones d’influence. La Russie obtient le nord-est de l’Anatolie et la côte ouest ainsi que Constantinople, mais la révolution bolchevik rendra ces dispositions caduques. La Grèce obtient Smyrne et l’Italie le sud de la Turquie. La France obtient la région d’Antioche appelée Cilicie, la côte syro-libanaise et la région de Mossoul, occupée ce jour par Daech, mais abandonnée aux Anglais par Clemenceau en 1918. L’Angleterre s’attribue la Jordanie, l’Irak, la Palestine et Jérusalem.
En 1921, harcelées par Mustapha Kemal, les troupes françaises de Cilicie se replient en Syrie et la Cilicie évacuée est cédée à la Turquie, abandonnant les populations qu’elle protégeait
La France constitue en Cilicie, et avec les rescapés arméniens, une légion d’Orient qui combat sous le drapeau français.
En 1920, Le général Gouraud proclame l’Etat du Grand Liban qui est démembré de la Syrie et demeure un protectorat français.
En 1921, harcelées par Mustafa Kemal, les troupes françaises de Cilicie se replient en Syrie et la Cilicie évacuée est cédée à la Turquie, abandonnant les populations qu’elle protégeait.
En 1923, Mustapha Kemal transfère la capitale de la Turquie à Ankara en Anatolie, et désormais Constantinople s’appellera Istanbul.
En 1925, la révolte druze est écrasée par l’aviation française.
En 1926, Henry de Jouvenel, Haut Commissaire au Liban, donne une constitution au protectorat.
En 1942, la Turquie bien que neutre, est demeurée favorable à l’Allemagne. Elle instaure une taxe exorbitante sur le capital (varlik vergisi) dont seuls les non-musulmans sont redevables. Comme le remarque Bernard Lewis, la mesure donne lieu à l’arrestation, la confiscation et la déportation dans des camps de travail des Grecs, Juifs et Arméniens. La mesure fut supprimée en 1944.
En 1944, après bien des affres, la France reconnaît l’indépendance du Liban et de la Syrie.
Ce qui se passe aujourd’hui en Irak et en Syrie est un bégaiement de l’histoire. Les Chrétiens ont rarement vécu paisiblement, toujours discriminés, toujours persécutés, toujours déplacés. Parfois massacrés, exterminés, torturés. Ne tournez pas la tête !