Jérusalem : que recèle le tombeau du Christ ?
Un lit funéraire taillé dans le roc au cœur d'une ancienne carrière de pierre désaffectée. Il y a mille sept cents ans, l'empereur Constantin fait isoler cette tombe, vénérée depuis trois siècles par les descendants des apôtres qui y voient le tombeau de Jésus de Nazareth. L'empereur y édifie une église destinée à glorifier la mort et la résurrection du Christ. Deux millions de pèlerins poussent chaque année les portes de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Et pour la première fois depuis deux siècles, la tombe de Jésus vient d'être ouverte, à la faveur de travaux de rénovation.
« Si l'on n'a pas la certitude à 100 % que ce soit son tombeau, c'est un endroit fondateur pour nous », confie Erwan, fervent catholique. Si elle suscite autant d'intérêt parmi les chrétiens, c'est que, selon le magazine « National Geographic », qui lui a consacré un article, la mise au jour du lit funéraire « va fournir aux chercheurs une occasion sans précédent d'étudier la surface d'origine de ce qui est considéré comme le site le plus sacré du christianisme ».
Les différentes communautés chrétiennes ont mis leurs différends de côté
« Il n'y aura jamais de preuve scientifique de la résurrection de Jésus car cela appartient au registre de la foi, explique l'historien des religions Jean-François Colosimo. Mais peut-être que des analyses radiographiques et de datation permettront de savoir à quelle période précise cette pierre a été taillée et s'il s'agit vraisemblablement du lieu identifié comme étant celui où le corps du Christ a été posé après sa mort. »
VIDEO. Ils ouvrent le tombeau de Jésus-Christ pour la première fois depuis des siècles (National Geographic)
Ces travaux sont financés par les trois principales confessions (Grecs orthodoxes, franciscains et Arméniens) qui gèrent le Saint-Sépulcre. Au total, six communautés chrétiennes y cohabitent. « Ce qui donne lieu à de fréquentes querelles à l'intérieur à coups d'encensoir et de chandelier, explique Jean-François Colosimo. Le fait qu'ils aient mis de côté leurs différends pour autoriser cette restauration est en soi un petit miracle et un symbole fort. Dans cette période où l'on assiste à l'exode des chrétiens d'Orient, devenus la cible de Daech, ils ont pris conscience que la présence chrétienne à Jérusalem est devenue un enjeu majeur. »
« Valider si c'est le bon endroit »
Installée depuis onze ans à Jérusalem, Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de « Terre Sainte Magazine », a pu voir la tombe de Jésus.
Pourquoi en est-on venu à ouvrir le tombeau de Jésus ?
Marie-Armelle Beaulieu. Parce que l'édicule, la petite structure en marbre qui l'enserre, est très dégradé. Il avait subi en 1927 un tremblement de terre et les autorités britanniques avaient déjà, à l'époque, demandé aux Eglises de le restaurer. Aujourd'hui, à cause du taux d'humidité élevé dans le Saint-Sépulcre et des dégagements de gaz carbonique liés à l'afflux de visiteurs (NDLR : 2 millions chaque année), les experts craignaient que la pierre sur laquelle le corps du Christ a été posé ne s'effrite et c'est pourquoi il fallait ouvrir le tombeau pour vérifier son état.
Avez-vous pu le voir ?
J'ai eu cette chance, grâce à un moine grec orthodoxe qui m'a invitée. Voir ce rocher de ses yeux, c'est bouleversant. On est dans le lieu le plus sacré du monde chrétien, à l'endroit où Jésus a ressuscité et vaincu la mort. En termes de symbole, c'est comme un spationaute qui, après vingt ans d'attente, est enfin envoyé dans les étoiles.
Qu'est-ce que les archéologues espèrent trouver ?
Cette question est si cruciale et sensible que le patriarche orthodoxe, commanditaire de ces travaux, a déclaré en mai dernier que ce tombeau n'était pas un édifice archéologique et que ces pierres étaient plus que des pierres. Mais j'ai du mal à croire que l'on mobilise une trentaine de départements d'une université technique d'Athènes pour se contenter de consolider un bâtiment. En 324, quand l'évêque de Jérusalem a identifié ce tombeau comme étant celui de Jésus, aucun des témoins oculaires de l'époque n'a expliqué comment l'évêque était certain qu'il s'agissait bien du lit funéraire du Christ. Un scientifique britannique suppose qu'il y avait des graffitis dessus. Et au XVIe siècle, des religieux y auraient aperçu des morceaux de fresques. Cela fait 1 700 ans que les chrétiens viennent se recueillir sur cette tombe. Et c'est la première fois que la science, grâce aux techniques modernes, va peut-être pouvoir valider si c'est le bon endroit ou pas.