Alors que le nombre de villes libérées du joug de Daech ne cesse de se multiplier dans la plaine irakienne de Ninive, les chrétiens d'Irak se posent la question d'un retour dans leurs terres natales.
« Mais celui-ci reste conditionné par le projet politique, économique, sécuritaire qui leur sera proposé sur place », analyse Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l'Œuvre d'Orient.
Alors que le nombre de villes libérées du joug de Daech ne cesse de se multiplier dans la plaine irakienne de Ninive, les chrétiens d'Irak se posent la question d'un retour dans leurs terres natales.
« Mais celui-ci reste conditionné par le projet politique, économique, sécuritaire qui leur sera proposé sur place », analyse Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l'Œuvre d'Orient.
La Croix : Comment la communauté chrétienne a-t-elle réagi à la libération de plusieurs villages de la plaine de Ninive ?
Mgr Pascal Gollnisch : La première réaction de ces chrétiens, exilés pour la plupart au Kurdistan irakien ou en Europe, a d'abord été bien sûr de ressentir un sentiment de joie, de fête, de dignité retrouvée. Mais celui-ci est resté tout de même teinté d'amertume. Les chrétiens ne comprennent pas pourquoi la reprise de toutes ces villes intervient si tardivement, plus de deux ans après l'arrivée sur leurs terres de Daech, au cours de l'été 2014. Plusieurs de leurs questions demeurent sans réponses : pourquoi l'offensive a-t-elle été si longue, pourquoi la coalition internationale n'a-t-elle pas réagi avant… Mais je n'ai jamais entendu, chez les chrétiens d'Orient, de cris de vengeance ou de haine.
Viennent ensuite s'ajouter à cela des sentiments d'angoisse, d'incertitude voire de perplexité : les chrétiens ne savent pas s'ils vont pouvoir habiter dans leurs anciennes maisons. Ils craignent que ce qui s'est produit il y a deux ans ne se reproduise à l'avenir : ils n'ont pas vocation à se faire pourchasser, tous les vingt ans, de leurs terres.
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La communauté chrétienne envisage-t-elle tout de même de revenir en Irak ?
M. P. G : La grande majorité des familles chrétiennes réfugiées en France estime que leur vie en Irak est terminée. Mais il s'agit là d'un discours déjà très répandu avant que les opérations pour les libérations de villes ne démarrent dans la plaine de Ninive.
À l'inverse, d'autres familles m'ont aussi fait part, mais cela reste très rare, de leur désir de rentrer en Irak, parce qu'elles ont le mal du pays ou qu'elles ne trouvent pas de travail dans leurs nouvelles villes. Elles restent très reconnaissantes, très sensibles, à l'accueil que leur ont réservé certaines associations, certains diocèses ou encore les autorités françaises.
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Quelles seront alors les conditions de leur retour ?
M.P.G. : Tout d'abord, l'état de leurs biens : si ces derniers ont été pillés, incendiés, leur reconstruction prendra du temps, dans des villages où il reste à faire un important travail de déminage. Ces Irakiens sont aussi des gens travailleurs, formés, demandeurs d'emploi : il faudra, pour motiver leur retour, leur proposer un projet économique viable. Sans cela, ils resteront dans les pays où ils se trouvent.
Ce retour questionne la future sécurisation de la plaine de Ninive : le déploiement de casques bleus, pour protéger dans la région les minorités chrétienne et yézidie, me semble nécessaire. Sans pour autant créer bien sûr un « christianistan » : les chrétiens ne souhaitent pas cela, ils sont très conscients d'être minoritaires au milieu des populations chiites et sunnites.
Nous ne savons pas non plus comment l'ancien lien de confiance avec la population sunnite, profondément brisé, évoluera. Peut-être que cette dernière, se sentant bafouée, humiliée par Daech, continuera de rejeter des chrétiens qu'elle ne pourra considérer autrement que comme des « vainqueurs ». Ou peut-être qu'au contraire, ces sunnites se rangeront eux aussi du côté des victimes de l'organisation terroriste et souhaiteront reconstruire quelque chose de différent, avec les chrétiens. Par cette vague de libération, nous assistons seulement au début de quelque chose. Mais nous n'avons pas du tout, encore, la maîtrise de l'avenir.
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Recueilli par Malo Tresca
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