3/2/2013-Joseph Yacoub : « L'unité des Églises est une priorité » | La-Croix.com
Joseph Yacoub, professeur honoraire de l'université catholique de Lyon
- Spécialiste des droits de l'homme, des minorités ethniques, linguistiques et culturelles, Joseph Yacoub est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les chrétiens d'Orient. Il a publié en 2012 « L'Humanisme réinventé » (Cerf).
- Membre de l'Église chaldéenne, il explique les défis qui attendent Mgr Zako, nouveau patriarche des Chaldéens.
« Dans la période difficile que traversent les chrétiens d'Irak, et particulièrement la communauté chaldéenne, cet homme de grande culture, polyglotte, à la fois historien des Églises d'Orient et pasteur, est une voix qui peut à la fois rassurer et unifier.
En Irak, les chrétiens, et notamment les Chaldéens, qui depuis 2004 souffrent en raison de l'insécurité et des attentats dont ils sont régulièrement victimes, ont besoin d'une voix plus forte, pour faire respecter leurs droits, et permettre aux différentes communautés - chaldéennes, syriaques orthodoxes, assyriennes - actuellement divisées, de s'unir pour parler d'une seule voix.
« La diasporisation de la communauté chaldéenne est inquiétante »
À l'extérieur, la diasporisation de la communauté chaldéenne, liée à l'exode massif des chrétiens, est inquiétante à la fois pour la survie de la communauté mais aussi pour le maintien du dialogue entre les différentes composantes de la société irakienne. Mgr Zako, qui a toujours critiqué cet exode, va aussi devoir trouver une parole forte pour l'endiguer. Récemment, aux États-Unis, j'ai pu constater le risque de dissolution qui menace notre communauté.
Celle-ci n'a pas les mêmes moyens que d'autres, comme les Maronites, manque de berger et de vision commune de la situation et de l'avenir. L'urgence est la même à Chicago, Détroit, Turlock et Modesto en Californie. On retrouve une situation analogue à Toronto au Canada, en Australie et en Nouvelle Zélande, dans la Caucase, en Arménie, et Géorgie.
« Les Chaldéens ont besoin d'une main protectrice »
Aujourd'hui, où qu'ils se trouvent, les Chaldéens ont besoin d'une main protectrice et rassurante, ainsi que d'une parole unifiante. Ainsi, Mgr Zako va devoir guider l'Église chaldéenne qui est à un tournant de son histoire, tout en rassurant une communauté fragilisée et inquiète.
Mais il devra aussi continuer à œuvrer à la paix pour toute la population irakienne. Pour lui, le dialogue est le moyen le plus adapté pour sortir de la violence. Et il est convaincu que l'avenir du pays dépend de la capacité des chrétiens à agir ensemble et à dialoguer. Il incarne la voie pour défendre l'unité de l'Irak.
À Kirkouk, ville convoitée à la fois par le Kurdistan irakien et le gouvernement central de Bagdad, et partagée entre les musulmans chiites et sunnites ainsi que la communauté turkmène, il a toujours défendu cette voix audacieuse du dialogue avec les différentes communautés, le gouvernement central irakien et les autorités kurdes. En janvier dernier, on y a inauguré le tout nouveau Centre socioculturel qu'il a fondé pour accueillir toutes les activités de l'évêché en faveur de la coexistence harmonieuse entre les différentes communautés.
Enfin, et il s'agit à mes yeux d'une priorité, il doit réactiver le dialogue entre les deux Églises héritières de l'ancienne Église d'Orient, l'Église assyrienne d'Orient (dite nestorienne) et l'Église chaldéenne. En 1994, l'Église assyrienne avait signé avec Jean-Paul II une déclaration christologique commune reconnaissant que les deux Églises « peuvent désormais proclamer ensemble devant le monde leur foi commune dans le mystère de l'Incarnation » et l'Église catholique accepte, depuis 2001, l'intercommunion entre les deux Églises. Il est urgent aujourd'hui de reprendre le dialogue théologique entre ces deux communautés qui partagent la même langue et la même culture. »
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