2/7/2014-Dans une lettre adressée en 2010 au Premier ministre irakien Nouri al Maliki, Ignace Joseph III Yonan, Patriarche des Chrétiens Syriaques Catholiques, exprimait déjà son immense douleur de voir les chrétiens d'Irak « égorgés comme des bêtes ».
L'appel qu'il avait alors lancé était, fort hélas, resté sans réponses. Pourtant, autant son appel était éloquent, autant les solutions qu'il envisageait en vue d'aider nos frères chrétiens étaient concrètes. Voici l'une d'elles : « Si vos forces de sécurité sont incapables de défendre les innocents et les pauvres civils, pourquoi votre gouvernement ne leur donne-t-il pas des armes afin qu'ils puissent assurer leur sécurité eux-mêmes ? » (…)
Quatre ans plus tard, la donne n'a en substance guère changé. La double guerre menée dans les pays du Moyen Orient – guerre des oléo-gazoducs et guerre civilisationnelle, le tout sponsorisé de l'extérieur – a gagné la Syrie, une étape transitoire devant mener à la destination finale : l'Iran. Entre temps, al Maliki est sur le point d'être renversé par l'EIIL, le concurrent privilégié d'Al-Nosra. Ce qui est présenté comme une revanche sunnite a sans doute vocation à exacerber la terreur qui règne en Syrie, cette terreur indicible dont le sort de Maaloula est sans nul doute l'une des illustrations les plus représentatives. On peut imaginer ce qu'il en sera si les Kurdes de Turquie suivent l'exemple du voisin. On peut imaginer également ce qu'il en serait si l'Iran, utilisé par les USA, renforçait son engagement en Irak et qu'Israël, inquiet de ce tournant, multipliait ses provocations à l'égard de Téhéran. Si ces facteurs, dieu nous en préserve, viennent à fusionner, ils formeraient le socle d'une nouvelle Grande Guerre dont on ne sortirait pas de sitôt.
Cette remise en contexte est très importante dans la mesure où elle situe le massacre systématique des chrétiens moyen-orientaux dans l'arrière-plan de cette guerre généralisée dont nous voyons déjà tous les éléments déclencheurs et dont la tragédie chrétienne reflète, pour l'instant à échelle réduite, la dimension religieuse. Les peuples européens en ont malheureusement assez peu conscience quand ils ne se réfugient pas, banalement, dans le déni.
Bien entendu, nous qui sommes démunis sur le plan des moyens d'action et d'influence, il ne nous reste plus qu'à médiatiser au grand maximum la part de vérité que le mainstream loyaliste veut nous cacher. Mais il y a aussi ceux qui dans leur infini courage se rendent sur le terrain pour tendre la main aux victimes des manipulations géopolitiques déployées par les pays dits démocratiques pour qui la mort, l'exil ou, au mieux, la dhimmitude de milliers de chrétiens au Moyen-Orient sont des dégâts collatéraux inéluctables.
Charles de Meyer, fondateur de « SOS Chrétiens d'Orient » et rédacteur en chef du Nouvel Arbitre, projette de revenir en Irak où il s'était déjà rendu cette année, dans le cadre d'une mission humanitaire consacrée à Pâques et qui fut précédée d'une mission de Noël en Syrie.
La Voix de la Russie: « Vous projetez un nouveau voyage en Irak, et je dis bien nouveau car vous y êtes déjà allé dans le cadre de la célébration de Pâques. Cette fois-ci, il me semble que vous comptez également passer par le Liban. Est-ce bien cela?
Charles de Meyer: Tout à fait.
La Voix de la Russie: Sachant que vous vous placez sous le patronat de Saint Charbel, pourriez-vous SVP expliquer le choix de ce Saint?
Charles de Meyer: Saint Charbel est un ermite libanais du XIXe siècle qui a marqué son pays. C'est en quelque sorte un Saint identitaire pour les libanais. Il nous a vraiment touché par trois vertus qu'il incarne un peu à la perfection. Ces trois vertus sont le travail, l'abandon et l'espérance. Il faut savoir que Saint Charbel a été ermite pendant plus d'une dizaine d'années dans les montagnes libanaises. Il y a travaillé la terre avec une humilité incroyable et une grande force, auprès des paysans et des habitants de son village. En ce qui concerne l'abandon, il s'est complètement abandonné à son vœu d'obéissance ainsi qu'à son vœu de pauvreté. Il y a des anecdotes particulièrement édifiantes dans sa vie, qui nous permettent de trouver beaucoup de liens avec l'abandon nécessaire aujourd'hui des chrétiens d'Orient à leur sort, à leur destin pour croire encore que Dieu à une place dans cette région. Enfin, il y a l'espérance, car ces deux autres vertus n'auraient aucun sens aujourd'hui pour les chrétiens d'Orient s'il n'y avait pas toute cette force, toute cette richesse de nuances qui les anime, particulièrement au Liban et en Irak, qui ont bien besoin de cette espérance pour que les communautés chrétiennes continuent à croire à leur place au Proche-Orient.
La Voix de la Russie: D'accord, revenons à l'Irak. Vous y êtes allé avant que la situation ne dégénère avec la montée en puissance du Daïch, on l'appelle également Emirat Islamique en Irak et au Levant, ce qui est un groupe islamiste, et donc forcément terroriste. Comment avez-vous été accueilli par les musulmans chiites et sunnites dans le pays ? Est ce que, à Pâques, lorsque vous y êtes allé, on sentait déjà ce climat de tension dans le pays, qui pouvait annoncer justement le dénouement tragique auquel nous assistons en ce moment?
Charles de Meyer: On sentait déjà un véritable rejet au Kurdistan, et même chez une partie des chrétiens du président Maliki, un rejet expliqué par le favoritisme qui était fait aux communautés chiites. Ensuite, on a vu une partie assez singulière de l'Irak c'est-à-dire qu'on est resté pendant un long moment au Kurdistan et clairement on sentait les désirs d'indépendance de cette partie de l'Irak. Au sujet des chrétiens, il faut dire que leur situation politique est très complexe. Ils ont quitté le Nord du pays entre 1915 et 1930 à cause du génocide perpétré par les forces ottomanes et avec l'aide d'une partie des combattants kurdes, pour se réfugier au sud du pays, qui est aujourd'hui en proie à la guerre civile entre sunnite et chiite, qu'ils ont du fuir à nouveau, ils se retrouvent donc dans une situation assez complexe, puisque dans l'une et l'autre des parties de l'Irak, ils ont des troubles identitaires, des problèmes de mémoire, d'intégration assez forts. Cela génère le drame de l'immigration massive des chrétiens orientaux, combattue vertement par les autorités ecclésiastiques. Ce qu'on peut dire du sentiment de tension sur place, c'est que toute une partie du pays nous était complètement interdite, à chaque fois que l'on demandait à nos guides si on pouvait aller un peu plus loin, si on pouvait essayer d'aller à Bagdad voire à Bassora ou à Mossoul, on a eu des interdictions très fermes car la situation était déjà très tendue. Par exemple à Mossoul, on a tenté de négocier pour pouvoir s'y rendre à l'époque et il y avait déjà un non très ferme. Donc on sentait que la situation se détériorait de jour en jour.
LVdlR : D'accord, puisque vous êtes de passage au Liban, est-ce que d'après les informations dont vous disposez les chrétiens se sentent en sécurité dans ce pays?
Charles de Meyer: Je pense que la situation des chrétiens au Liban est particulièrement singulière. Cependant, je n'ai pas assez d'informations pour savoir si toutes les communautés se sentent en sécurité, on peut quand même dire que le Liban vit au rythme d'un attentat par jour, voire un attentat par jour et un autre déjoué actuellement, ce qui présage de biens mauvaises heures. Avec comme vous le savez, deux problèmes majeures: l'incapacité de trouver un président parmi la communauté chrétienne et surtout la volonté de Daïch de porter le conflit jusque dans les terres libanaises, avec un Français de fraîche date qui était impliqué dans une préparation d'attentat, donc il y a encore nécessité de montrer que d'autres Français se lèvent pour apporter autre chose et apporter les valeurs chrétiennes dans ces terres.
LVdlR : Pour conclure, de quelle façon peut-on soutenir votre action et votre mission?
Charles de Meyer: La première manière de soutenir notre action est de participer financièrement, on a un gros budget avec 5 missions particulières, dont certaines se dérouleront à Qaraqosh notamment pour permettre l'approvisionnement en eau, d'autres se dérouleront plus au Nord vers Dahuk ou Mangesh et puis nous aideront certainement des congrégations religieuses. Ce que je veux dire, c'est que vous avez trois manières de nous aider financièrement. La première c'est en envoyant un chèque au 5 rue Lakanal 75015 Paris, en vous connectant sur notre cagnotte, en tapant indigogo.com et en allant ensuite sur l'Orient avec Saint Charbel. Ou alors simplement en vous connectant sur chretiendorient.fr et en faisant un don en ligne. Mais il n'y a pas que cette manière-là, il y à aussi la manière que l'association à choisi pour sa singularité, ce sont la prière et le partage. Faire connaitre l'information et nos actions, par exemple en vous rendant sur notre site internet, ou vous trouvez des lettres de Qaraqosh, des photos des villages qui sont aujourd'hui soit détruits soit vidés de leurs habitants.
Donc le partage le don et la prière en vous associant peut-être à la neuvaine, qui sera dite neuf jours avant notre départ pour l'Irak avec la protection de Saint Charbel ».