Aux chrétiens persécutés et oubliés !
Comme tout le monde, je suis effaré par les persécutions des chrétiens d'Orient. Aujourd'hui, c'est en Irak, avant-hier, c'était à Bethléem, en Égypte ou ailleurs. Sans parler des Coptes éthiopiens, qui eurent à subir, de 1974 à 1992, la brutalité haineuse de la dictature pro-soviétique. Cette émotion que nous partageons ici, à La Vie, devrait nous inciter à un effort de mémoire. Pour le dire crûment, cela fait décidément très longtemps que, dans les médias et ailleurs, l'on fait peu de cas du sort funeste réservé aux chrétiens, notamment durant le XXe siècle.
Songeons d'abord à ce qui se passa en ex-URSS et que les intellectuels occidentaux passèrent longtemps sous silence. Dans un article saisissant de François-Xavier Maigre, publié le 23 avril 2011 par le journal La Croix, un historien russe de l'Académie de théologie de Saint-Pétersbourg, le père Georges Mitrofanov, donnait les chiffres suivants : entre 1917 et 1941, 59 000 paroisses sur 60 000 ont été fermées et sur 140 000 prêtres, 120 000 ont été physiquement éliminés. « On a ainsi anéanti, concluait l'historien, la première Église orthodoxe du monde. »
D'autres auteurs russes, comme Alexandre Iakovlev, évaluent même à 200 000 le nombre de prêtres condamnés à mort entre la révolution d'Octobre et 1980. Que la Russie connaisse aujourd'hui une « rechritianisation » accélérée ne doit pas nous faire oublier ces tragédies de l'époque soviétique, ces déportations de masse, cette haine très « officielle » du christianisme.
Si l'on souhaite élargir le champ, il suffit de consulter la vaste et minutieuse enquête commandée jadis par Jean Paul II et publiée sous le titre Ils sont morts pour leur foi. La persécution des chrétiens au XXe siècle (Plon, 1999). Coordonnée par Andrea Riccardi, fondateur et leader charismatique de la communauté de Sant'Egidio, cette enquête fondée sur des centaines de milliers de témoignages en 15 langues et l'apport de 258 congrégations et ordres religieux est effrayante. Les chrétiens persécutés, le plus souvent jusqu'à la mort, se comptent par millions. L'obtention et la précision d'un tel bilan justifièrent le commentaire qu'en fit, à l'époque, Jean Paul II : « Au terme du IIe millénaire, l'Église est redevenue une Église de martyrs. »
Concernant l'indifférence – relative – de nos sociétés sécularisées, j'évoquerai, en Charentais que je suis, la bouleversante histoire des prêtres réfractaires qui refusèrent de prêter serment à la Constitution civile du clergé promulguée par l'Assemblée constituante, le 12 juillet 1790. Déportés vers les ports de l'Atlantique, enfermés dans des pontons flottants (d'anciens navires négriers), ils furent des centaines à mourir de faim et de froid, notamment à proximité de Rochefort ou de l'île d'Aix. Les témoignages que j'ai pu lire sur place racontent que les soudards qui leur servaient de geôliers jetaient chaque matin les corps à la mer, en criant : « Vive la République ! »
À l'embouchure de la Charente, à l'entrée de l'île Madame, un minuscule mausolée de quelques dizaines de centimètres de haut rappelle ce calvaire. Pour le voir, il faut se pencher et écarter les broussailles. J'y vois le symbole d'un oubli volontaire…
Envoyé de mon Ipad
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