Au Liban, Marine Le Pen tente de rallier les chrétiens
Dès le début de sa tournée au Liban, qui visait à donner une stature internationale à la candidate du Front national, Marine Le Pen a annoncé la couleur : « Je répondrai à cette promesse de défendre les chrétiens d'Orient », livrait-elle, dimanche 19 février à Byblos, face à Roger Eddé, dirigeant chrétien du parti Assalam.
Un engagement séduisant pour les Chrétiens libanais
Une promesse historique, poursuivait la candidate Front national à l'élection présidentielle : « Je crois qu'il n'y a pas de lien plus fort que le lien du sang versé, et ensemble nous avons ce lien », renvoyant au soutien des soldats maronites au roi Saint Louis, à l'époque des Croisades.
Un engagement qui peut sembler séduisant pour les chrétiens libanais, divisés entre maronites, melkites, chaldéens, syriaques, arméniens, mais dont la mise en œuvre a créé un malaise général parmi eux. Car Marine Le Pen voit Bachar Al Assad comme le seul rempart pour les minorités religieuses contre la vague islamiste qui s'empare du Levant. Or, défendre le régime syrien au Liban, c'est faire fi d'une occupation militaire de quarante ans qui a, elle aussi, versé du sang.
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Le Pen en terrain favorable
Lundi 20 février, lors de sa rencontre avec Sami Gemayel, leader et héritier des Kataeb, parti chrétien maronites des Phalanges, Marine Le Pen était pourtant en terrain favorable. En coulisse, le responsable de la politique économique du parti affiche ses liens avec le FN : « Moi, je préfère le père à la fille. Je suis aussi un intime de Thibaut de la Tocnaye », dit-il à propos du membre de la direction de campagne du FN, qui a combattu aux côtés de la milice chrétienne en 1983.
Une chose le gêne toutefois. « Au Liban, soutenir Assad, ça revient à défendre le Hezbollah, qui empêche la souveraineté du Liban et sa neutralité dans le conflit syrien (selon l'engagement de toutes les parties contenu dans la déclaration de Baabda en 2012, NDLR) », regrette-t-il.
Un embarras palpable
À son arrivée au siège du parti, l'embarras est palpable quand Marine Le Pen caresse la joue d'Antoine, orphelin de Pierre Gemayel, assassiné en 2006 dans une vague d'attentats ciblés qui portaient tous la marque de la Syrie. Vice-président du parti, Selim Sayegh ne le cache pas à la fin de la réunion : « Nous avons exprimé nos convergences et elles sont nombreuses. Mais nous considérons que seules des institutions démocratiques en Syrie peuvent empêcher la montée de l'extrémisme. Elle soutient de son côté que c'est la dictature de Assad ou le chaos », précise-t-il. May Chidiac, journaliste chrétienne, gravement mutilée dans un attentat ciblé en 2005, abonde dans ce sens sur Facebook : « En défendant Bachar Al Assad avec acharnement et arrogance dans toutes ses déclarations, Marine Le Pen a perdu ses chances auprès des électeurs franco-libanais, surtout les chrétiens qu'elle prétend soutenir. »
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Marine Le Pen a rempli son objectif
Qu'importe, en rencontrant le président Michel Aoun et le premier ministre Saad Hariri, ce dernier qui n'a pas manqué de dénoncer « l'amalgame entre islam et terrorisme », Marine Le Pen a rempli son objectif : s'afficher pour la première fois aux côtés d'hommes d'État. Reste que sa tournée s'achève sur un refus, celui du mufti de la République de l'accueillir sans qu'elle ne soit voilée, « selon le protocole », comme lui avait précisé la veille un membre de Dar el-Fatwa. Une polémique qui aurait donc aisément pu être évitée, mais que n'a pas manqué d'instrumentaliser le parti d'extrême droite : « Un magnifique message de liberté et d'émancipation envoyé aux femmes de France et du monde », a immédiatement tweeté l'eurodéputé FN, Florian Philippot.
Emmanuel Haddad (à Beyrouth)
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