Connaissons-nous les Eglises d'Orient ?
Ils s'appellent Joseph, Elie, Alexandre et Alicia. Ils sont issus de familles irakiennes chrétiennes réfugiées au Liban et ils font leurs études dans une école privée de Beyrouth grâce à la générosité d'une quinzaine de familles vésigondines qui ont accepté de financer - via l'Œuvre d'Orient - leur scolarité jusqu'au bac. C'est le père Raymond Copti, curé maronite d'une paroisse de Beyrouth venu remplacer leur curé deux étés de suite, qui a demandé aux paroissiens de Sainte Pauline de l'aider. "C'est un engagement exigeant - explique Ghislaine Dufour qui coordonne le programme de parrainage depuis le début en 2004 - cela demande une grande fidélité à ceux qui se sont engagés. Du coup nous cherchons à réactiver l'intérêt des paroissiens pour pouvoir continuer à soutenir ces enfants jusqu'au bout".Pour cela, Sainte Pauline a mis en place deux initiatives : Une exposition montée par l'Œuvre d'Orient présentant la situation des chrétiens en Orient et une conférence de Monseigneur Pascal Gollnisch, son directeur, qui a eu lieu vendredi 25 Janvier 2013 sur le thème « Les Chrétiens d'Orient face à la situation actuelle au Moyen Orient : "Quelles clés pour comprendre les enjeux pour les Chrétiens ? »
Monseigneur Gollnisch, devant une assemblée nombreuse a exposé les grands traits de cette histoire complexe. L'expression « chrétiens d'Orient » désigne au sens large tous les chrétiens non-latins, c'est-à-dire les chrétiens orthodoxes et ceux du Proche- et Moyen-Orient. On y inclut aussi les minorités plus ou moins importantes d'Iran, de Turquie, d'Inde, du Pakistan, d'Indonésie et d'Éthiopie. Ces Églises orientales ont l'âge du christianisme. Une histoire en trois phases : Née à Jérusalem de la prédication des apôtres, l'Église s'étend rapidement aux diverses populations de l'Empire : la Syrie, l'Arabie, l'Asie mineure, la Grèce et Rome. Des persécutions s'ensuivent mais l'Église s'organise en 5 patriarcats fixés par le concile de Chalcédoine en 451. Vient le temps des disputes théologiques et des conciles : En 431 au Concile d'Ephese, l'Eglise de Perse devient Nestorienne et se sépare de Byzance. En 451 au Concile de Chalcédoine les Coptes et les Syriaques se séparent des Grecs. C'est l'origine des Églises qui ne sont pas en communion avec les autres Églises et avec Rome. La dernière grande scission date de 1054, baptisée schisme d'Orient. Les Latins prennent le nom de catholiques et les Grecs celui d'orthodoxes. Mais Rome et les Églises séparées partagèrent toujours la volonté de refaire l'unité. Tantôt des Églises, par nécessité religieuse ou pour des raisons politiques, revinrent à l'unité ; tantôt l'action de religieux amena également des pans d'Églises séparées à revenir à l'unité avec Rome. Telle est l'origine de la plupart des Églises orientales catholiques.
Chrétiens et musulmans : une histoire contrastée
Une fois posé le cadre géographique, Mgr Gollnisch a évoqué l'histoire contrastée des relations entre Chrétiens et Musulmans et l'actualité de ces relations aujourd'hui à l'heure du printemps arabe. Aux VIIe et VIIIe siècles, la plupart des chrétiens d'Orient passent sous domination musulmane. Pour la majorité des Églises orientales, la domination musulmane apporte plus de liberté qu'avant et une amélioration de leur condition. Les chrétiens ont le statut de dhimmis mais subissent parfois des persécutions. Les croisades vont tendre une première fois ces relations. C'est pour porter secours aux chrétiens d'Orient malmenés par les Turcs Seldjoukides que le pape Urbain II prêche la croisade à l'issue du concile de Clermont. Pour les Églises orientales, la domination franque s'avère être un moment plutôt favorable. Ils peuvent restaurer ou reconstruire leurs églises et les Latins admirent leur piété. Les problèmes se posent surtout entre Grecs et Latins. Les tensions entre les deux Églises sont grandes depuis le schisme de 1054, et particulièrement autour des lieux saints. En 1182, les chrétiens maronites reconnaissent l'autorité de pape. En 1198, un concordat avec le royaume arménien est conclu. La reconquête turque met fin à cette période favorable. L'Islam arabe disparait au profit d'un Islam turc : Mongols, Seljoukides, Ottomans.... L'hostilité des musulmans à l'égard des chrétiens augmente et au fur et à mesure que les places franques tombent, la population chrétienne évacue les villes.
Sous l'Empire ottoman, les chrétiens connaissent des situations diverses. Le sultan tolère les différentes religions mais il recrute de force les jeunes chrétiens pour en faire des janissaires ou des eunuques et les convertir à l'Islam. Pendant la première guerre mondiale, les Anglais soulèvent les Arabes contre les Turcs et l'Empire ottoman s'effondre. L'Etat Turcs est créé et le général Mustafa Kemal impose un état laïc très dur : les chrétiens sont persécutés et obligés de fuir en Syrie, en Irak et au Liban où ils sont bien accueillis. A la fin de la deuxième guerre mondiale, des mouvements d'indépendance agitent le monde arabe contre les mandats britanniques et français. Les pays obtiennent leur indépendance et mettent a leur tête des régimes militaires. Ces pays arabes, nouvellement indépendants vont être confrontés brusquement à la culture moderne et à l'individualisme. Pour l'Islam sunnite s'ajoute une crise théologique car le dernier khalife légitime meurt en 1920 et les nouvelles autorités qui suivent n'ont plus de légitimité théologique, d'où retour au Coran et au fondamentalisme.
Les défis fondamentaux d'aujourd'hui
Pour finir, Mgr Gollnisch a évoqué les défis fondamentaux qui se posent aujourd'hui exacerbés par les "printemps arabes" : Quelle place pour les minorités chrétiennes vivant sous des régimes musulmans ? La violence touche tous les chrétiens (pas de manière systématique, on ne peut pas parler de persécution insiste t-il), elle touche également les musulmans modérés, les luttes entre courants religieux arabes étant très fortes. Les chrétiens, victimes de discriminations systématiques économiques, juridiques, administratives ou dans les problèmes de voisinage sont de plus en plus nombreux à choisir l'exil. Au Moyen Orient aujourd'hui existe une liberté de culte (sauf en Arabie saoudite) mais il n'y a nulle part de liberté religieuse etc...
Or, insiste Monseigneur Gollnisch, les populations chrétiennes doivent être soutenues car même si elles sont très minoritaires, elles ont leur place dans leur pays et un avenir. Elles portent en elles la capacité d'être une force politique et sont les seules à pouvoir faire évoluer leurs gouvernements vers la liberté et le pluralisme. Le directeur de l'Œuvre d'Orient termine en lançant un vibrant appel pour que se mette en place un dialogue entre chrétiens et musulmans modérés, unis contre le fanatisme.
Qu'est-ce que l'Oeuvre d'orient ?
L'Œuvre d'Orient a été créée en 1850. Elle est la seule organisation française entièrement dédiée au soutien des chrétiens d'Orient. Elle aide 11 Églises d'Orient unies à Rome et le Patriarcat latin de Jérusalem. Elle contribue à leur éducation, à leurs soins et les accompagne spirituellement depuis plus de 150 ans dans 21 pays. Son rôle est essentiel dans ces régions où les chrétiens sont souvent considérés comme des « citoyens de seconde classe ».
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