Envoyé de mon iPad jtk
Aymeric Christensen
Créé le 09/09/2013 / modifié le 09/09/2013 à 15h37
Ce village à majorité chrétienne et hautement symbolique, situé au nord de Damas, est depuis dimanche 8 septembre sous le contrôle des rebelles syriens, dont un groupe de djihadistes lié à Al-Qaïda.
Que s'est-il passé ?
Mercredi 4 septembre, des rebelles – ceux du Front al-Nosra, semble-t-il – ont mené une attaque suicide contre une position de l'armée syrienne située à l'une des entrées de la ville. Selon une habitante jointe par l'Agence France-Presse, ils auraient également tiré « avec des obus et des mitrailleuses anti-aériennes ».
Selon la coalition nationale de l'opposition syrienne, les rebelles se seraient ensuite retirés de Maaloula afin de préserver le patrimoine archéologique de Maaloula. Pourtant, alors que la télévision d'Etat syrienne affirmait avoir « nettoyé » la localité des insurgés, les combats ont repris ce week-end, notamment dans la nuit de samedi à dimanche, et les rebelles ont pris le village. L'Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG, estime à plusieurs dizaines le nombre de morts et de blessés, aussi bien chez les rebelles qu'au sein des forces syriennes.
Depuis lundi, l'armée loyaliste syrienne tente de reprendre le village et pilonne les montages alentours, tandis que les insurgés seraient retranchés dans des églises et des monuments historiques.
Les civils, quant à eux, ont commencé à fuir le village mercredi, lors de la première attaque, pour tenter de rejoindre Damas.
Une ville stratégiquement importante
Pourquoi prendre Maaloula, une ville qui ne compte que 5000 habitants l'été (et seulement 2000 en hiver) ? Principalement pour faire monter encore d'un cran la pression sur Damas. En effet, les rebelles sont déjà présents au sud, à l'ouest et à l'est de la capitale. En prenant désormais cette ville chrétienne, située à 55km au nord de Damas, ils resserrent l'étau sur le régime de Bachar al-Assad, en menaçant par ailleurs l'une de ses principales voies de ravitaillement : la route qui relie Damas à Homs, situé plus au nord.
Pourquoi le village est-il aussi symbolique ?
A priori simple village syrien, Maaloula, dont le nom signifie « Entrée », est en réalité l'une des villes les plus symboliques du pays. Elle est en effet non seulement habitée en large majorité par des chrétiens, principalement grecs-catholiques melkites, mais elle abrite également d'importants vestiges des premiers siècles du christianisme : monastères en ruine et refuges troglodytiques.
Lieu de pèlerinage, ce village montagneux est surtout l'un des derniers au monde où l'on parle toujours l'araméen, la langue de Jésus-Christ. C'est aussi cette caractéristique qui le rend si emblématique pour les chrétiens de Syrie et du Moyen-Orient, grâce à un patrimoine vivant chargé en émotion. Des touristes passés par Maaloula racontent ainsi que de jeunes hommes se chargent dans les rues de réciter la prière du Notre Père aux visiteurs dans la langue dans laquelle, selon la tradition, il aurait été enseigné par le Christ à ses disciples.
Maaloula abrite également un monastère grec-orthodoxe, Mar Takla, construit autour de la grotte et du tombeau de sainte Thècle, qui est fêtée le 24 septembre. C'est donc peu de temps avant cette importante fête locale, et par ailleurs à quelques jours seulement de la fête de la Sainte-Croix, célébrée avec ferveur le 14 septembre, que la prise de la ville intervient.
C'est enfin, du fait de la présence d'une importante communauté sunnite (environ un tiers des habitants) mêlée à la population chrétienne, un fort lieu de coexistence entre chrétiens et musulmans en Syrie.
Qui sont ces rebelles ?
Le Front al-Nosra, à l'origine de l'attaque de Maaloula, est un groupe sunnite extrémiste, lié à Al-Qaïda, qui s'est allié aux rebelles. Depuis plusieurs semaines, les attentats suicides à la voiture piégée et les exactions revendiquées par les djihadistes ont créé des tensions entre ce groupe, totalement inconnu avant le début de la révolte contre le régime syrien, et l'Armée syrienne libre, plus modérée.
Al-Nosra appelle notamment à la création d'un Etat islamique dans le pays.
Des croix détruites et des chrétiens décapités ?
Selon des témoignages récoltés sur place, et notamment rapportés par le journal La Croix, une statue de la Vierge qui dominait la ville depuis l'une des collines qui la surplombent aurait été détruite par les insurgés. Des croix situées au sommet de sites religieux auraient également été brisées. De même, plusieurs monastères seraient actuellement occupés ou menacés.
Certains témoignages, pour le moment non confirmés, qui circulent également affirment que des chrétiens ont été menacés par les rebelles d'Al-Nosra et forcés à abjurer leur foi et à se convertir à l'islam.
Depuis la prise du village, des rumeurs circulent de façon désordonnée sur les réseaux sociaux. Des internautes relaient ainsi une vidéo censée montrer la décapitation sauvage de chrétiens de Maaloula par des djihadistes. Ces images avaient déjà tourné sur internet en juin dernier, au moment de la mort du père François Mourad, un franciscain de 49 ans. Déjà à l'époque les images, si elles montrent bien ce qui semble être la décapitation de religieux chrétiens, avaient été dénoncées comme plus anciennes.