Dans un communiqué rendu public jeudi 25 juin 2015 et intitulé « L'unité de l'Église d'Orient », le patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, a tendu la main à ses deux Églises « sœurs » : l'Église assyrienne d'Orient, et l'ancienne Église d'Orient qui s'en est séparée en 1968. Il leur proposait de reconstituer l'antique Église d'Orient, dont elles sont toutes les trois héritières.
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Le site orthodoxe OCP News publie deux réponses, toutes deux défavorables : l'une est une lettre de deux pages signée du secrétaire et porte-parole de l'OCP, George Alexander et adressée au métropolite d'Inde et membre du Saint-Synode de l'Église assyrienne ; l'autre – intitulée « L'Authenticité dans l'unité » – est une « longue réflexion personnelle » signée de Mar Awa Royel, évêque du diocèse de Californie de l'Église assyrienne.
Un réel amour
Dans cette déclaration de 7 pages, Mar Awa Royel « remercie » Mgr Sako pour sa proposition qui « procède d'un réel amour et d'un authentique désir d'unité » mais la rejette fermement, non sans avoir rappelé que l'histoire de l'Église regorge « d'exemples de tentatives d'union prématurée qui ont entraîné des divisions plus profondes encore ».
« Nous sommes l'Église d'Orient », répond-il plus fondamentalement au patriarche de Babylone des Chaldéens. « Par une volonté divine qui dépasse la compréhension humaine, l'Église d'Orient est la continuation autocéphale et canonique de l'ancienne Église (NDLR : de Perse), d'Inde, d'Asie centrale et de Chine. Ce serait une violation de la foi orthodoxe et catholique, manifestée à travers les âges, que de considérer que cette tradition appartient au Siège romain ou à tout autre siège ou juridiction étranger ».
Ce n'est que lors du déménagement aux États-Unis du siège du Patriarcat – sous le mandat de Mar Eshai Shimoun XXIII, mort en 1975 – que son Église a ajouté l'adjectif « assyrienne » (et ce, alors qu'une partie non négligeable de ses fidèles se trouve aujourd'hui hors d'Irak). Il n'en reste pas moins qu'à ses yeux, le Saint-Synode de l'Église assyrienne a « seul la prérogative et le devoir de défendre » cet héritage qu'il a reçu « des apôtres eux-mêmes ».
Une « latinisation » de l'Église chaldéenne
Plus que tout, c'est donc l'union avec Rome que l'évêque de Californie refuse catégoriquement. « Toute union authentique et acceptable ne peut se faire sous la juridiction d'un évêque occidental », écrit-il, semblant confondre Église latine et Occident. Aujourd'hui, l'Église chaldéenne est « administrée par la curie romaine », écrit-il plus loin, évoquant aussi la « latinisation dont elle a souffert comme d'une persécution spirituelle ».
« Si une telle union se produit, je crains que l'Église assyrienne ne passe sous l'autorité du pontife romain », écrit également le secrétaire général de l'OCP dans sa lettre. Or, cette « fausse union » avec Rome, menant en réalité à « la communion », serait selon lui synonyme de « destruction de l'histoire, des traditions et de la foi de l'Église assyrienne ». Et au passage, affirme ce responsable, elle « n'améliorera pas la situation des chrétiens en Irak ».
Selon le modèle apostolique ancien
Dans la deuxième partie de son texte, l'évêque californien inverse finalement la proposition, invitant les Chaldéens à « une vraie renaissance spirituelle de leur liturgie, de leur droit canonique, de leur vie spirituelle et de leur théologie » à la lumière des pères de l'Église d'Orient. Une fois ceci réalisé seulement, l'union pourrait être envisagée mais sous la bannière de l'Église assyrienne, écrit en substance Mar Awa Royel, autrement dit « selon le modèle apostolique ancien », celui d'Églises autocéphales, et non pas selon le modèle latin.
En tout état de cause, conclut-il, aucune décision ne devrait être prise avant l'élection d'un nouveau patriarche en septembre, le successeur de Mar Dinkha IV décédé en mars.
La déclaration de Mar Awa Royel ne vaut « certainement celle d'un Synode », avance l'auteur du blog Baghdadhope, très bien informé sur les Églises d'Orient. Mais il sera difficile pour l'un des évêques de l'Église assyrienne de s'opposer au « poids de la tradition » représentée par l'évêque de Californie, estime-t-il.
Anne-Bénédicte HoffnerEnvoyé de mon Ipad