La France mobilise le monde pour les chrétiens d'Orient
INFOGRAPHIE - Le Quai d'Orsay organise une conférence internationale le 8 septembre à Paris pour arrêter une série de mesures humanitaires, politiques et pénales en faveur des chrétiens et de toutes les minorités persécutées par Daech en Irak et en Syrie.
Première à s'être mobilisée sur le dossier des chrétiens d'Orient après la chute de Qaraqosh en août 2014, la France entend garder l'initiative. Laurent Fabius abat une nouvelle carte, six mois après avoir provoqué une réunion du Conseil de sécurité pour sensibiliser la communauté internationale au sort des minorités depuis l'arrivée de Daech en Syrie et en Irak. Le ministre des Affaires étrangères présidera le 8 septembre prochain à Paris une conférence internationale sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient: yazidis, Shabaks, mandéens et chrétiens, qui subissent de plein fouet la progression des djihadistes en Syrie et en Irak.
Près de 60 États seront représentés, dont les États-Unis, la Russie, l'Irak, l'Arabie saoudite ou la Turquie, ainsi que plusieurs organisations internationales, au premier rang desquelles l'ONU et ses différentes agences. La conférence sera coprésidée par le ministre des Affaires étrangères jordanien, Nasser Judeh. Elle s'articulera autour de trois volets dégagés par la charte adoptée à l'issue du débat au Conseil de sécurité: le premier, humanitaire, concerne l'aide d'urgence à apporter aux déplacés. L'objectif étant à terme de leur permettre de retourner chez eux, dans des conditions matérielles et sécuritaires satisfaisantes. Le second volet, pénal, vise à engager des poursuites contre les auteurs de persécutions. Le troisième volet, politique, engagera les parties sur la promotion du respect du pluralisme ethnique et religieux, surtout en Irak où de plus en plus de voix s'élèvent pour réformer la Constitution, jugée trop sectaire. La question militaire, en revanche, ne sera pas à l'ordre du jour. À l'issue de cette conférence, un «plan de Paris» sera adopté, à charge pour chacun des États participants de le mettre en œuvre.
Pour sa part, la France explore plusieurs pistes pour renouveler son aide humanitaire. Outre le déblocage d'une nouvelle aide financière, l'un des projets les plus aboutis concerne la réhabilitation du camp de réfugiés de Bardarash, ville kurde située à mi-chemin entre Erbil et Dohuk, dans le nord de l'Irak. Dans ce camp de plus de 7 000 personnes, plus de la moitié des déplacés ont moins de 16 ans. L'accès de ces enfants à l'éducation est considéré comme prioritaire. Le Quai d'Orsay projette d'y faire construire deux écoles - primaire et secondaire - qui pourront accueillir tous ces jeunes. D'autres programmes sont étudiés dans ce camp, comme la construction d'un espace communautaire et d'un terrain de jeux. Paris projette également d'équiper un centre de santé, d'assurer son approvisionnement en médicaments, d'acheter une à deux ambulances. Ces installations seraient alimentées en énergie par panneaux solaires, afin de limiter la charge sur le réseau existant.
La prise en charge de ce camp de Bardarash permettrait d'anticiper les critiques, qui arguent que la mobilisation française est essentiellement axée sur l'aide aux communautés chrétiennes. En effet, Bardarash accueille une grande communauté shabake. Cette minorité chiite, qui se considère comme kurde, a dû fuir Mossoul et toute la plaine de Ninive au même titre que les chrétiens en juillet 2014, pourchassés par les djihadistes sunnites de l'État islamique. Mais le sort de ces communautés a moins mobilisé que celui des chrétiens.
En France, l'aide aux minorités chrétiennes rassemble toujours autant. Pour preuve, la dernière initiative lancée début juillet par une laïque de Toulouse: faire sonner les cloches des églises de France le 15 août pour les chrétiens d'Orient.«On prie, on donne de l'argent, mais on se sent démunis pour leur témoigner de notre soutien, explique Anne de Ladoucette, à l'origine de l'appel. C'était un projet aussi simple que démonstratif pour leur montrer qu'on ne les oublie pas.» L'idée a été reprise par Mgr Rey, du diocèse de Toulon-Fréjus. Il a ensuite été suivi par Mgr Di Falco, évêque de Gap, qui a mobilisé son diocèse. Très vite, l'appel s'est répandu à Bayonne, Avignon, Ajaccio, Digne, Nancy, Quimper, Vannes, Nantes, Beauvais, Nancy… Au total, une cinquantaine de diocèses feront sonner les cloches ce samedi à midi, avant que les fidèles se rassemblent sur les parvis pour prier à leur intention. Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, s'est lui-même joint à l'appel, en demandant à prier spécialement pour les chrétiens d'Orient lors de l'Assomption et à lire à la fin de la messe la lettre qu'il a adressée aux patriarches catholiques chaldéen Mgr Sako et syriaque Mgr Younan. L'appel sera même suivi au Luxembourg, en Belgique, en Espagne et à Québec. En cette fête patronale principale de la France, un simple appel à la prière pour les chrétiens d'Orient aura dépassé les frontières.
Joseph T Khoreich