L’armée a violemment réprimé une manifestation de plusieurs milliers de coptes, dimanche 9 octobre, dans le centre du Caire.
Lors des funérailles, lundi 10 octobre, des femmes coptes pleurent l'un des leurs, un jeune homme tué lors des affrontements avec l'armée dimanche au Caire.
Au moins 24 personnes ont été tuées. Des émeutes ont ensuite éclaté dans la capitale égyptienne.
Avec cet article
Sur l’une des tables, Mina Daniel, un jeune homme aux longs cheveux noirs, baigne dans une mare de sang. Blogueur et militant socialiste, il a participé à toutes les batailles de la révolution de janvier. Son ami Khaled El Said, leader musulman de la Coalition des jeunes de la révolution, est hébété.
Autour de lui, la foule est hystérique : les femmes lèvent les bras au ciel en pleurant, les hommes aux tee-shirts tachés du sang des blessés scandent des slogans hostiles à l’armée. « Est-ce que l’on n’est pas égyptien ? Est-ce que l’on n’est pas des humains ? », s’exclame Romani Samir, un bijoutier de 30 ans. « Ils ne veulent plus de chrétiens en Égypte ! Que n’importe quel pays nous offre l’asile et nous partirons ! »
Un prêtre copte note minutieusement les noms des défunts. Au moins 24 victimes des violences de la veille avaient été identifiées lundi 10 octobre, parmi lesquels des soldats. Certains ont été tués par balles, d’autres écrasés par des véhicules de l’armée. « Cela rappelle les pires moments de la révolution, lorsque les manifestants de Tahrir étaient directement attaqués par la police », commente Mohsen Isaaq, 27 ans, qui était dans la marche. Il y a eu par ailleurs au moins 328 blessés.
Une manifestation pacifique
Il s’agissait, au départ, d’une manifestation pacifique pour réclamer que l’église du village de Merinab, en Haute-Égypte, en partie brûlée la semaine dernière, soit reconstruite et que les responsables de l’attaque contre l’édifice soient arrêtés et jugés.Depuis plusieurs semaines, ce village proche d’Assouan est agité par une querelle : un groupe d’habitants musulmans – salafistes, selon certains –, affirme que l’édifice est en fait une « salle commune » et que les coptes ne disposent pas du permis nécessaire pour construire les dômes qu’ils veulent ajouter.
Le prêtre local assure au contraire que le lieu est enregistré comme église depuis plus de quatre-vingts ans. La manifestation de dimanche se saisissait de cette dernière attaque contre les coptes pour réclamer une loi unifiée sur la construction des lieux de culte en Égypte.
« Nous sommes partis de Choubra (quartier du nord du Caire) vers 16 heures. Il y avait environ 10 000 personnes. En arrivant dans le secteur d’Oulali, le cortège a été attaqué à coups de pierre par des habitants ou des “baltaguis” » (hommes de main du régime), raconte Bishoï Tamry, un activiste de l’Union des jeunes de Maspero, un groupe de défense du droit des coptes.
« Le calme est revenu et nous avons pu repartir. Arrivés devant l’hôtel Ramses Hilton, nous nous sommes retrouvés face à un cordon de soldats. Ils ont tiré en l’air pour disperser la foule », continue-t-il.
Les soldats ont tiré à balle réelle sur la foule
Sherif Azer, un militant des droits de l’homme, précise : « Il y avait une forte tension entre les soldats et les manifestants, qui scandaient des slogans contre le Conseil suprême des forces armées (Scaf). On m’a dit qu’il y avait eu des accrochages individuels entre soldats et manifestants, avant que la situation ne dérape. » Des coups de feu sont échangés dans la confusion.« La télévision d’État a tout de suite choisi sa version : les coptes sont arrivés armés et ont tiré les premiers sur les soldats qui n’ont fait que se défendre », fulmine Bola Abdu. Il semble clair que des groupes de « baltaguis », des hommes de main payés pour provoquer des violences, ont attaqué les coptes présents.
La réaction de l’armée a été plus violente que jamais : après les tirs de sommations et les habituelles bastonnades, des véhicules blindés ont zigzagué au milieu des manifestants affolés, fauchant plusieurs personnes. Les soldats ont tiré à balle réelle sur la foule, au hasard.
« L’armée a voulu montrer qu’elle pouvait utiliser la violence contre les manifestants avant les élections. Comme pour prévenir qu’aller manifester maintenant, c’est risquer sa vie, avance Sherif Azer. Il est plus facile de s’en prendre aux coptes, parce qu’ils savent que la population sera moins solidaire. »
Beaucoup redoutent que les événements ne provoquent des affrontements entre coptes et musulmans dans tout le pays, notamment en Haute-Égypte où les chrétiens sont proportionnellement plus nombreux.
(1) Le maréchal Tantawi dirige le Conseil suprême des forces armées, au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février dernier.
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Ils-ne-veulent-plus-de-chretiens-en-Egypte-!-_NG_-2011-10-10-721447
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