Le pape François reçoit le président russe pour la première fois lundi. Les relations entre catholiques et orthodoxes seront aussi au menu de cette audience.
La rencontre du président russe Poutine et du pape François, ce lundi au Vatican, n'est pas historique. Seule celle de Gorbatchev et Jean-Paul II le 1er décembre 1989 le fut. Les présidents russes visitent depuis les papes avec régularité. L'inédit du jour vient du pape François: c'est une première pour lui.
Les deux hommes ont toutefois acquis une certaine proximité. Le 5 septembre dernier, juste après l'affaire de l'usage d'armes chimiques, François a écrit au président Poutine«en tant que président du G 20» pour qu'il travaille à une solution pacifique en Syrie. Le succès de la diplomatie russe sur cet épisode de la crise donna à cet échange - volontairement rendu public par le Vatican - une amplitude mondiale.
Beaucoup estiment, dès lors, que le Vatican et Moscou se sont «rapprochés» sur le plan diplomatique. C'est le premier enjeu de l'entrevue de lundi où il sera effectivement question de la Syrie. Mais ce bon climat peut aussi contribuer au dégel des relations entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe russe. Cela forme le deuxième enjeu.
En effet, le 12 novembre, un autre échange, moins spectaculaire, d'ordre religieux, a eu lieu entre Rome et Moscou. Au Vatican, l'important métropolite Hilarion,- numéro deux du patriarcat de Moscou - était reçu par le Pape. En Russie, le cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan (un ex-papabile) était chaleureusement accueilli par le Patriarche orthodoxe. Ces voyages croisés démontrent - même s'ils sont loin d'être les premiers -, une bonne volonté, de part et d'autre, de détendre les relations religieuses.
On reparle donc - troisième enjeu du jour - d'une rencontre entre le Pape et le patriarche Kirill même si c'est un serpent de mer: le sujet est sur la table depuis… vingt-cinq ans! Plusieurs tentatives sous les deux pontificats précédents ont toujours échoué.
Le prétexte, toujours invoqué - et rappelé ici par le métropolite Hilarion - est la question ukrainienne. Dans ce pays a notamment resurgi en 1989 une Église gréco-catholique, dite «uniate», pratiquant une liturgie orthodoxe mais liée à Rome. Ce qui agace prodigieusement Moscou. Le second prétexte, également évoqué avec constance côté russe, est qu'une telle rencontre entre le Pape et le Patriarche, pour hautement symbolique qu'elle soit, «ne servirait à rien», si elle n'était pas suivie d'effets. Les Russes voient donc ce sommet comme un couronnement, le Vatican plutôt comme un commencement.
Cette course de patience est ainsi loin d'être achevée. Le pape François a certes donné des gages. Il prend pour modèle l'Église orthodoxe - et son système démocratique de synode des évêques - pour réformer la curie romaine. Il rassure aussi par son souci de simplifier «la primauté» du Pape et s'en tient à son titre «d'évêque de Rome». Mais d'autres problèmes demeurent, du côté russe. L'opinion orthodoxe russe - à ne pas confondre avec l'opinion russe - n'est pas prête pour une telle rencontre. Un certain fondamentalisme orthodoxe prospère dans les rangs populaires du clergé et chez les fidèles de cette Église. Le patriarche Kirill et son équipe s'efforcent de le combattre mais la partie est complexe au point d'interdire, pour le moment, un tel rendez-vous entre le Pape latin et le Patriarche de toutes les Russies. L'avantage gagné en ouverture pour le patriarcat serait largement annihilé par le très sérieux risque de fractures internes, voire de schisme.
Dernier enjeu: en protégeant ses intérêts au Proche-Orient, la Russie, renoue avec une tradition, présoviétique, de protection de la Terre Sainte. Ce qui séduit fortement, les chrétiens de Terre Sainte, dont des catholiques, de plus en plus déçus par l'Occident. Mais qui aurait dit qu'un jour, le dialogue entre Rome et Moscou passerait par le chemin de Damas?
Envoyé de mon Ipad
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