Le président russe Vladimir Poutine salue le patriarche Kirill de Moscou pour son 67e anniversaire, mercredi 20 novembre en la cathédrale du Christ-Sauveur, à Moscou.
« Votre présidence est un miracle ! » Lors des festivités cet été, du 1025e anniversaire de la christianisation de la Russie, le patriarche Kirill n'avait pas caché son enthousiasme à l'égard de Vladimir Poutine. À la tête de la Russie depuis treize ans, le chef du Kremlin ne se rend donc pas au Vatican aujourd'hui comme simple visiteur. Tout auréolé de son rôle politico-religieux sur la scène nationale, le président devrait évoquer avec le pape l'un de ses thèmes chers et fils conducteurs de sa politique : la défense des chrétiens.
En septembre, le chef du Kremlin n'a déjà pas hésité à se faire l'allié indirect du pape dans son opposition à toute frappe militaire contre la Syrie. En plein G20 à Saint-Pétersbourg, l'ancienne capitale des tsars, Vladimir Poutine avait révélé avoir reçu une lettre de François demandant à tous les dirigeants réunis de résoudre pacifiquement la crise syrienne sans « la poursuite futile d'une solution militaire ». Une lettre que les médias russes ont largement mise en valeur pour mieux justifier la position russe face au projet d'offensives franco-américaines, mais aussi pour présenter Moscou comme dernier rempart des chrétiens contre les extrémistes islamistes.
Défendre « l'identité russe »
Car, au-delà de son soutien inconditionnel au régime de Bachar Al Assad, marqué par des intérêts économiques et militaires, Vladimir Poutine n'a cessé d'inclure ces derniers mois la défense de la civilisation chrétienne dans ses argumentations. Au service d'une ligne diplomatique très dure, cette dimension religieuse lui permet d'assumer sa politique en Syrie, où vit la plus grande communauté d'orthodoxes en Orient.
C'est aussi un étonnant clin d'œil à l'histoire : en accusant l'Ouest d'aider trop vite les rebelles – en partie des extrémistes islamistes –, le chef du Kremlin reprend la rhétorique tsariste de soutien à tous les chrétiens de l'Orient abandonnés par les Occidentaux.
À la veille de sa réélection en 2012, Vladimir Poutine, qui se montre régulièrement à côté du patriarche Kirill lors de cérémonies orthodoxes, s'était engagé à faire de la protection des chrétiens persécutés l'une des priorités de sa politique étrangère. Cet attachement religieux est aussi au cœur de sa doctrine de politique intérieure. Avec une ambition : défendre « l'identité russe » qui, bousculée avec la chute de l'URSS, ne peut selon lui renaître qu'à travers une « quête de la spiritualité ».
Gardien des valeurs chrétiennes en Russie
Un discours très proche de celui d'Alexandre Soljenitsyne, que le chef du Kremlin aime ainsi citer. Attitude paradoxale pour l'ancien espion du KGB, qui rend régulièrement hommage aux services secrets présentés comme une élite au service des intérêts supérieurs du pays. Tout en se gardant bien de rappeler que cette même élite avait persécuté Alexandre Soljenitsyne et l'Église pendant la dictature communiste.
En se voulant gardien des valeurs chrétiennes en Russie, le président s'en prend aussi à la dérive européenne dont il dénonce régulièrement la « perte d'identité ». Un thème récurrent repris par le Kremlin lorsqu'il a moqué la volonté des États européens de libéraliser le mariage homosexuel. Vladimir Poutine assure d'ailleurs que la démocratie à l'occidentale se réduit à un jeu. Le chef du Kremlin, lui, s'est fixé une autre mission : que la Russie (re) devienne une grande puissance grâce à l'adoption de la foi chrétienne.
BENJAMIN QUÉNELLE, à MoscouEnvoyé de mon Ipad
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