Moines de Tibéhirine : Alger temporise
Le report de la mission d'expertise du juge Trévidic, nié par les autorités algériennes, provoque la colère des familles.
L'enquête portant sur l'assassinat des sept moines de Tibéhirine, enlevés dans leur monastère dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, finira-t-elle un jour par livrer ses secrets? Dix-huit ans après les faits, rien n'est moins sûr. En novembre dernier, les familles des victimes avaient une lueur d'espoir après que le juge antiterroriste Marc Trévidic, à force d'opiniâtreté, a enfin obtenu le feu vert d'Alger pour l'exhumation des têtes des religieux français de l'ordre de Cîteaux retrouvées deux mois plus tard sur une route de montagne.
Avec le plus grand soin, le magistrat a mis sur pied une équipe de techniciens français pour autopsier les crânes et tenter de déterminer enfin les circonstances dans lesquelles ont été perpétrés les crimes barbares. Outre des limiers français de la police judiciaire et des officiers de sécurité experts en protection rapprochée, la mission devait emmener un médecin légiste, un anthropologue, un expert en empreintes génétiques, un radiologue ainsi qu'un photographe de l'identité judiciaire. Elle devait durer du 2 au 6 mars prochain, avant qu'Alger ne la reporte à la fin mai ou au début juin.
Exhumation non prioritaire
Pour Alger, il n'y a pas de raison de parler de «report» de la visite du juge Trévidic, puisqu'aucune date n'avait été confirmée. «La fin février avait été évoquée, mais sans confirmation de notre part, précise une source judiciaire algérienne. Les Français, qui ont des intérêts dans ce dossier, ont essayé de nous forcer la main, mais, encore une fois, il était tout à fait prévisible que cette visite ne se fasse pas maintenant, compte tenu du contexte.» Le contexte, c'est celui de l'élection présidentielle du 17 avril. Officiellement, plusieurs milliers de magistrats étant mobilisés pour superviser le scrutin, la procédure d'exhumation des têtes des moines n'est donc plus une priorité. «Leurs tâches dans les tribunaux, les cours et les autres juridictions passent en veille», souligne une source sécuritaire. Concernés au premier chef par cette opération: la dizaine de magistrats spécialisés du pôle pénal, dont l'homologue algérien de Marc Trédivic.
Une version qui n'empêche pas les lectures politiques. Selon un cadre des services, même sans présidentielle, les tensions au sein du pouvoir et de l'armée rendent cette période «assez perturbée» pour qu'on ne fasse pas ressortir un dossier «aussi sensible» que celui des moines. «Compte tenu des récentes déclarations du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, qui a accusé Toufik, le chef des services secrets (DRS), de ne pas "avoir su protéger" les moines de Tibéhirine, rappelle un cadre des services, on voit mal comment le DRS laisserait Trévidic venir enquêter.»
Outre d'éventuelles traces suspectes de perforations par balles, les experts français veulent toujours procéder à une ultime série d'expertises permettant de savoir si les décapitations des victimes sont post ou ante mortem. Ils entendent ainsi confirmer ou au contraire réfuter la thèse officielle d'un acte du Groupe islamique armé (GIA), privilégiée par Alger après une revendication de l'émir Djamel Zitouni au lendemain du septuple assassinat. Mais un doute subsiste sur le poids des années qui pourrait avoir effacé de précieux indices. Sans désarmer, les familles des religieux, par la voix de leur conseil Me Patrick Baudouin, entendent poursuivre leur combat pour connaître la vérité.Quitte à en appeler une nouvelle fois solennellement à François Hollande, qui a fait promesse de faire respecter les engagements pris par son homologue algérien.
Envoyé de mon Ipad
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.