Alep, mardi dernier. Sa maison bombardée, cette femme syrienne porte le peu d'effets qu'il lui reste.
Les réseaux associatifs de la ville aident 300 000 déplacés, mais leurs moyens deviennent insuffisants.
À l'approche de l'hiver, il faut des vêtements chauds, du fioul et du gaz.
Un prêtre libanais qui revient d'Alep lance un cri d'alarme, tout en souhaitant rester anonyme pour pouvoir retourner dans la deuxième ville de Syrie. Il affirme que, sur place, « 300 000 déplacés sont venus se réfugier dans une ville qui, du fait du siège militaire qu'elle endure, n'a pas accès à l'aide et ne peut répondre aux besoins humanitaires. Les habitants vivent en sursis. Le prix des denrées alimentaires a connu une augmentation d'environ 30 % et plusieurs produits de première nécessité, comme le gaz, le fioul, l'essence et certains médicaments, ne se trouvent plus que sur le marché noir ». Une situation qui favorise tous les abus.
La ville est divisée en deux, d'un côté la zone tenue par la rébellion, de l'autre celle encore tenue par le régime. C'est dans cette dernière, indique-t-il, que la situation humanitaire est alarmante, car l'aide extérieure venue de Turquie ne peut y pénétrer. Les denrées et produits de première nécessité, acheminés par les voies terrestres, sont souvent confisqués par les rebelles de l'Armée syrienne libre (ALS), qui contrôlent la plupart des routes.
Le régime de Bachar Al Assad, de son côté, ne permet pas aux ONG étrangères de travailler en Syrie. Or, malgré le départ vers Damas ou à l'étranger d'un grand nombre d'habitants, l'agglomération compte encore 800 000 à un million de résidents, auxquels s'ajoutent les 300 000 déplacés internes. Ces derniers vivent dans des lieux publics aménagés : 150 écoles leur ont été ouvertes ainsi que plus de 50 mosquées ; la grande cité universitaire accueille, à elle seule, entre 30 000 et 35 000 déplacés.
LES RÉSEAUX DE SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRES SONT LES PLUS EFFICACES
Dans ces conditions, l'accès aux soins reste très difficile. Certains centres de santé et hôpitaux gouvernementaux fonctionnent, mais avec moins de personnels – beaucoup de médecins et d'infirmières ont quitté la ville –, les appareils ne sont plus entretenus et les médicaments manquent.
Le prêtre libanais met en avant l'action décisive des réseaux de solidarité, associatifs, de type communautaire : « Ce sont eux qui organisent l'aide depuis le début de la crise, mais ils commencent à s'essouffler alors que les besoins des populations démunies augmentent. Leurs ressources financières et matérielles s'amoindrissent de jour en en jour, parce que les donateurs sont moins nombreux – les Alépins fortunés ont soit quitté la ville, soit perdu leurs activités commerciales. » La plupart des usines de la région ont été détruites et vendues souvent pièce par pièce en Turquie.
Ces réseaux communautaires assistent aussi les déplacés internes, avec le Croissant-Rouge syrien et des associations de citoyens. Une plate-forme de coordination a été mise en place pour échanger des informations sur les hébergements disponibles, sur les besoins prioritaires des déplacés et parfois partager l'aide.
LES BIENS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ COMMENCENT À MANQUER
Mais de plus en plus, les médicaments manquent, notamment pour les malades chroniques, ainsi que les vaccins pour les enfants. À l'approche de l'hiver, il faut des vêtements chauds, du fioul, du gaz pour le chauffage et la préparation de repas chauds. Le lait pour les enfants commence aussi à se faire rare.
Une note d'espoir, cependant, le Jesuit Refugee Service (JRS) vient d'obtenir l'autorisation du gouvernement syrien d'ouvrir à Alep un dispensaire où pourront être effectuées des radios. Une victoire à l'arraché. Jusque-là les soins étaient prodigués aux déplacés par des médecins volontaires, avec les moyens du bord.