Syrie : appel au respect mutuel entre les religions
Le pape reçoit une délégation de l'Eglise catholique melkite
Anne Kurian
ROME, 2 décembre 2013 (Zenit.org) - Le pape François exhorte « au respect mutuel entre les différentes confessions religieuses » de Syrie, pour garantir à tous « un avenir fondé sur les droits inaliénables de la personne, y compris la liberté religieuse ».
Le pape a reçu le patriarche Gregorios III, patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, d'Alexandrie et de Jérusalem, accompagné de 15 membres du Synode de l'Eglise grecque-melkite catholique et de près de 500 laïcs du monde entier, à l'occasion de leur pèlerinage à Rome, samedi dernier, 30 novembre 2013.
Venus du Liban, de Syrie, de Jérusalem et de Galilée, d'Egypte, des Etats-Unis, du Canada, d'Australie, les membres de la délégation étaient accompagnés par Michel Pharaon, député et ancien ministre libanais, Nicolas Sehnaoui, ministre libanais des Télécommunications, Fawzi Khamis, procureur général auprès de la Cour des Comptes libanaise, Maria Saadeh, députée syrienne et Riad Sarji, président de la société Saint Vincent-de Paul à Damas.
« Nous ne nous résignons pas à penser au Moyen-Orient sans les chrétiens », a déclaré le pape, rendant hommage à l'Eglise melkite, qui « depuis des siècles, a su cohabiter pacifiquement avec d'autres religions et est appelée à jouer un rôle de fraternité au Moyen-Orient ».
Il a également souligné leur rôle dans l'unité de l'Eglise : « Vous êtes, pour tous nos frères d'Orient, un signe visible de cette communion que nous souhaitons avec le Successeur de Pierre... Prions le Seigneur qu'il nous aide à poursuivre le chemin œcuménique... Qu'il nous aide à être toujours des coopérateurs de l'évangélisation, en cultivant la sensibilité œcuménique et interreligieuse ».
Sollicitude du pape pour la Syrie
Le pape a exprimé sa sollicitude pour les « frères et sœurs de Syrie, qui subissent depuis très longtemps une grande tribulation » : « je prie pour tous ceux qui ont perdu la vie et pour leurs proches ».
« Que le Seigneur sèche les larmes de ses enfants; que la proximité de toute l'Eglise les réconforte dans l'angoisse et les préserve du désespoir », a-t-il ajouté.
Le pape a aussi affirmé son espérance « dans la force de la prière et de la réconciliation », appelant les responsables à mettre fin à toute violence et à « trouver des solutions justes et durables » à travers « le dialogue ».
Il a exhorté en particulier « au respect mutuel entre les différentes confessions religieuses », pour garantir à tous « un avenir fondé sur les droits inaliénables de la personne, y compris la liberté religieuse ».
« Nous voulons rester dans ce Proche-Orient »
Le patriarche Gregorios III a présenté au pape son Eglise, « une Église de Communion et de Témoignage » mais qui est « aujourd'hui une Eglise en détresse ».
« Pour cette Eglise qui est dans une situation inédite dans son histoire, vous êtes Simon le Cyrénéen, qui portez sa croix avec elle, et cela avec compassion et amitié », a ajouté le patriarche, remerciant le pape François pour la prière qu'il a lancée en faveur de la paix au Moyen-Orient, le 7 septembre dernier.
« Malgré les malheurs et la situation tout à fait tragique que nous vivons depuis bientôt trois ans, nous voulons rester et aider nos fidèles à rester. Nous voulons rester dans ce Proche-Orient pour répondre à l'appel de Jésus… Nous voulons être martyrs sur cette terre, martyrs par le sang », a affirmé le cardinal.
Il a rendu hommage à trois hommes de Maaloula, au nord de Damas : Michel Thalab, Mtanios Thalab et Sarkis Zachem, « de vrais martyrs, qui ont été sommés d'abjurer et ont fièrement refusé ».
Syrie: dans le vieux Homs, un jésuite partage la misère des assiégés
Un vieux prêtre jésuite néerlandais a choisi de rester avec les assiégés de la Vieille ville de Homs, au centre de la Syrie, sans rien à manger et avec un espoir qui vacille.
Le Père Frans van der Lugt a passé près de cinq décennies en Syrie, un pays qu'il aime profondément, au point de le considérer comme le sien, même s'il est né aux Pays-Bas.
Bien que la situation soit terrible à Homs, où les habitants livrent un combat quotidien pour se procurer à manger et où la population chrétienne s'est réduite à quelques dizaines d'âmes, l'idée de quitter la ville ne lui a jamais traversé l'esprit.
«Je suis à la tête d'un monastère. Comment pourrais-je le quitter? Puis-je abandonner derrière moi les chrétiens? C'est tout à fait impossible», explique-t-il à l'AFP qui l'a joint par internet.
«Le peuple syrien m'a tant donné, tant de gentillesse, tant d'inspiration, et tout ce que je possède. Maintenant qu'il souffre, je dois partager sa peine et ses difficultés», ajoute-t-il.
Le Père Frans est arrivé en Syrie en 1966, après deux ans passés au Liban à apprendre l'arabe. A 75 ans, ses yeux sont vifs derrière ses lunettes quand il parle de son pays adoptif.
Il décrit sobrement la souffrance des quelque 3.000 personnes soumises à un siège impitoyable et à des bombardements quotidiens de l'armée loyale à Bachar al-Assad.
600 jours de siège
Les assiégés grappillent tout ce qu'ils trouvent pour se nourrir mais la situation est désespérée.
«Nous avons très très peu à manger. Les gens dans la rue ont le visage fatigué et jaune. Ils sont faibles, sans ressort».
Le sort de ce quartier assiégé depuis plus de 600 jours a été discuté entre le régime et l'opposition lors des pourparlers de Genève. Le régime a accepté de laisser sortir les femmes et les enfants, mais il n'y a eu aucun accord au sujet des hommes ou de l'entrée de l'aide dans ce réduit.
«C'est la famine ici mais les gens ont également soif d'une vie normale. L'être humain n'est pas seulement un estomac, il a aussi un cœur, et les gens ont besoin de voir leurs proches», dit-il.
La Vieille ville a été totalement détruite et des dizaines de milliers de chrétiens qui y vivaient, il n'en reste, selon l'ecclésiastique, que 66.
«Je suis le seul prêtre et le seul étranger à être resté. Mais je ne me sens pas comme un étranger, mais comme un arabe parmi les arabes», dit-il un sourire aux lèvres.
Il vit dans un monastère jésuite où une veuve lui fait la cuisine. Il fait ce qu'il peut pour les familles les plus pauvres du voisinage, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes.
«Je ne vois pas les gens comme des chrétiens ou des musulmans. Je les vois d'abord et avant tout comme des êtres humains».
Les délégations réunies dans les grands hôtels de Montreux ou de Genève «parlent de nous mais ne vivent pas avec nous. Ils devraient parler de ce que nous pensons et non pas de ce qui est bon pour eux», poursuit-il en référence aux pourparlers de paix de Genève II entre représentants du régime et de l'opposition qui se sont achevés sans résultat.
Mais aucune trace d'amertume n'est perceptible dans sa voix et il insiste sur le fait que le régime comme l'opposition doivent trouver un moyen d'établir la confiance entre eux.
«Si la confiance existe alors les négociations peuvent être productives. Dans le cas contraire, cela ne marchera jamais, que les pourparlers se tiennent à Genève, Paris, Honululu ou Londres».