Le patriarche maronite s'inquiète de l'équilibre démographique et religieux du Liban
En visite aux États-Unis, le cardinal Bechara Raï a mis en garde contre le risque que représentent 1,5 million de réfugiés au Liban.
Le patriarche maronite Bechara Raï au Vatican, en 2014. / M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC/
« Le Liban a accueilli des centaines de milliers de réfugiés de Syrie et d'Irak qui ont fui leur pays à cause de la guerre et l'instabilité politique. Ceux-ci estiment qu'ils peuvent compter sur le pays du Cèdre pour être aidés en cas de besoin. C'est un grand compliment pour le Liban. Mais il n'en reste pas moins que ces réfugiés représentent un lourd fardeau qui menace l'identité et l'avenir du pays. »
Dans son intervention le 28 juin, au siège de l'Association caritative catholique du Proche-Orient (CNEWA) à New York, le patriarche maronite Bechara Raï a souligné qu'une solution permanente de la crise des réfugiés dans l'ensemble du Proche-Orient requérait une paix durable et un rapatriement progressif de ces réfugiés dans leurs pays d'origine.
À ses yeux, il faut éviter à tout prix leur installation permanente au Liban, dans des conditions « souvent très précaires et parfois désespérées », faisant de ces réfugiés majoritairement musulmans « un bassin de recrutement potentiel pour des organisations terroristes ».
Plus de 1,5 million de réfugiés syriens
En raison de la guerre en Syrie depuis mars 2011, plus de 1,5 million de Syriens (soit près du tiers des 4 millions d'habitants libanais) ont trouvé refuge au Liban, dont seulement 1,2 million sont enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Il faut y ajouter plus de 50 000 Palestiniens et presque autant de Libanais qui, vivant en Syrie, sont arrivés au Liban.
Il faut ajouter encore les quelque 400 000 Palestiniens, descendants de ceux qui ont fui ou ont été chassés de Palestine lors de la création de l'État d'Israël en 1948, et qui n'ont pas la nationalité libanaise.
Selon le cardinal libanais, cette présence massive de réfugiés risque de bouleverser les équilibres et l'identité de la nation libanaise. Déjà, après les attentats-suicides du 27 juin dans la bourgade chrétienne d'Al-Qaa, au nord-est de la plaine de la Békaa, tout près de la frontière syrienne, plusieurs localités ont mis en place des couvre-feux afin de contrôler la circulation des réfugiés syriens installés dans ces localités.
Le ministre libanais des affaires étrangères, Gebran Bassil, a cependant déclaré le 30 juin que tous les réfugiés n'étaient pas des terroristes, ajoutant toutefois que certains terroristes se cachaient bel et bien parmi les réfugiés, rapporte le quotidien libanais L'Orient-Le Jour.
L'indispensable création d'un État palestinien
Le patriarche d'Antioche des maronites a estimé que le conflit israélo-palestinien était « à l'origine des problèmes du Proche-Orient ». Selon le cardinal libanais, ce conflit pourra être résolu « seulement au travers de la création d'un État palestinien aux côtés d'un État israélien, avec le retour des réfugiés palestiniens et le retrait des troupes israéliennes des territoires occupés de Palestine, de Syrie et du Liban ».
Bechara Raï considère que la séparation entre la religion et la politique nationale, « tant pour le judaïsme que pour l'islam », est l'une des conditions fondamentales en vue d'une solution politique permanente dans la région. Et d'affirmer que les problèmes commencent « lorsque l'on discrimine de manière automatique les citoyens qui ne confessent pas la religion de l'État ».
Lançant un appel aux États-Unis, afin qu'ils aident « à arrêter l'hémorragie de l'émigration qui draine hors de notre pays de son potentiel humain », le patriarche maronite a souligné que le Liban a un rôle indispensable à jouer pour la paix et la stabilité de la région, « et dans le renforcement de l'esprit de convivialité entre ses différentes cultures et religions ».
Claire Lesegretain (avec Fides)
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