Recueilli par Isabelle Demangeat, le 18/08/2016
Lors de sa visite au pape François, mercredi 17 août, François Hollande a souligné la proximité de vues entre Paris et le Saint-Siège sur les chrétiens d’Orient. « La France, comme protectrice des chrétiens d’Orient, sait qu’ils contribuent à l’équilibre régional », a-t-il ainsi souligné.
L’ANALYSE de Bernard Heyberger, historien spécialiste des chrétiens d’Orient, directeur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
► « Soutenir les associations qui s’engagent sur place »
Bernard Heyberger, historien spécialiste des chrétiens d’Orient, directeur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
« "La France, protectrice des chrétiens d’Orient" : c’est un vieux leitmotiv de la diplomatie française. C’est un effet de rhétorique qui a déjà une longue histoire. Ce thème est en effet apparu au milieu du XIXe siècle, notamment en lien avec les massacres du mont Liban et de Damas en 1860, à l’époque de l’alliance de Napoléon III avec l’Église catholique. Il a ensuite été repris peu avant l’affaire Dreyfus pour soutenir les Arméniens, au nom des droits de l’homme et pour faire valoir certains droits dans l’empire ottoman. La France a ainsi souvent justifié sa politique étrangère en invoquant la protection des chrétiens d’Orient.
Aujourd’hui, on n’en est plus à se partager les dépouilles de l’empire ottoman. Cette rhétorique est plutôt un message adressé à l’opinion sur l’identité française relevant de cette mission civilisatrice de la France, généreuse, protégeant les faibles… Mais à chaque fois que cette notion de protection des chrétiens d’Orient a été revendiquée, même récemment, elle s’est rarement accompagnée de faits concrets, et a souvent même été contre-productive. Il suffit de regarder les effets du Traité de Lausanne, après la guerre de 1914 qui a imposé aux Turcs un certain nombre de droits pour les minorités grecques arméniennes. Le gouvernement turc a pris cela comme une ingérence impérialiste dans ses affaires.
Ces interventions géopolitiques désignent alors très souvent les chrétiens comme des chevaux de Troie de l’Occident, comme des ennemis intérieurs. Ce risque perdure encore aujourd’hui, d’où l’importance, d’une part, de ne pas isoler le cas des chrétiens des autres, aussi bien en Irak qu’en Syrie où l’ensemble de la population est touché, d’autre part, de ne pas intervenir politiquement.
Pour autant, ne croyez pas que je pense qu’il ne faut pas agir : la solidarité concrète envers les associations, sur place, est très importante. Le gouvernement français doit soutenir ces associations, ces mouvements de solidarité qui s’expriment dans l’opinion en faveur des chrétiens, mais aussi pour les autres, Syriens et Irakiens. Peut-être faudrait-il aussi intervenir, par un soutien humanitaire et scolaire à travers des associations auprès des réfugiés au Liban ou en Jordanie. Et favoriser l’accueil des réfugiés en France, ce qui est aujourd’hui très compliqué, notamment d’un point de vue administratif. Certes, on pourrait dire que cela participe à la fuite des chrétiens, en Orient, mais il est clair que certains n’ont pas le choix : ils partent. »
> Lire aussi : Peut-on parler de génocide contre les chrétiens d’Orient ?
http://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Que-peut-faire-la-France-pour-les-chretiens-d-Orient-2016-08-18-1200783107
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