À visée humanitaire, ce geste se heurte à des contraintes sécuritaires et politiques importantes
Le 16 octobre, durant les travaux du Synode pour la nouvelle évangélisation, le Secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Tarcisio Bertone, avait annoncé l'envoi prochain à Damas d'une délégation du Vatican en signe de « solidarité fraternelle » du pape avec les populations syriennes éprouvées par la guerre civile.
Cette initiative, proposée au pape par le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, avait été très positivement accueillie par les Pères synodaux, et rapidement mise en œuvre par la Secrétairerie d'État, dont le Secrétaire pour les relations avec les États, Mgr Dominique Mamberti, devait mener la délégation.
Celle-ci devait être composée du cardinal Jean-Louis Tauran, du président délégué du Synode, le cardinal congolais Laurent Monsengwo, du cardinal américain Timothy Dolan, archevêque de New York, de l'évêque aux Armées colombien Mgr Fabio Suescun Mutis, et de Mgr Joseph Nguyen Nang, évêque de Phat Diem, au nord du Vietnam. La visite devrait s'accompagner d'un don du pape et des Pères synodaux à la communauté catholique syrienne.
LA SITUATION AU LIBAN ET EN SYRIE S'EST SINGULIÈREMENT DÉGRADÉE
Il s'agissait là d'une première sous le pontificat de Benoît XVI, qui a pris de court la plupart des diplomates accrédités près le Saint-Siège. Depuis l'élection de Benoît XVI, en effet, la diplomatie pontificale fonctionne plus volontiers dans le cadre d'actions discrètes que de coups d'éclats à forte teneur symbolique. Or, la délégation envisagée devait largement dépasser le cadre synodal. La charge symbolique de l'annonce par le Secrétaire d'État, le 16 octobre, a été forte. L'annonce par le cardinal Bertone, le 22 octobre, du report sine die de cette mission a donc fait l'effet d'une douche froide.
De fait, la situation au Liban et en Syrie s'est singulièrement dégradée. Deux jours après l'attentat meurtrier survenu dans un quartier chrétien de Beyrouth, c'était au tour de Damas, le 21 octobre, d'être le théâtre d'un autre attentat. Une voiture piégée a explosé dans le quartier de la place Bab-Touma, où vivent de nombreux chrétiens, faisant 13 morts. Beaucoup ont interprété ces gestes comme un signal programmé par les ultras du régime s'opposant à toute tentative d'ouverture.
LE SAINT-SIÈGE EST CONSCIENT DES RISQUES D'INSTRUMENTALISATION PAR DAMAS
Parmi les nombreuses questions qui restent sans réponses : quels seraient les interlocuteurs à Damas d'une éventuelle délégation ? Certes, l'objectif affirmé par le cardinal Tauran, le 18 octobre sur Radio Vatican, est « d'abord d'exprimer notre solidarité humaine à ceux qui souffrent, en particulier les enfants, les malades, les personnes âgées, les familles déplacées ». Mais aussi, a ajouté le cardinal français, « d'exprimer notre solidarité spirituelle avec nos frères chrétiens, et ensuite encourager tous ceux qui essaient d'aider à la solution du conflit en rappelant les normes du droit humanitaire, du droit international ».
Sur ce point, on ne sait pas si la délégation pourra rencontrer des représentants de l'opposition. Et si oui, lesquels ? Par ailleurs, le Saint-Siège est parfaitement conscient des risques d'instrumentalisation par Damas d'une telle visite. Sur ce terrain miné, à tous les sens du terme, le cardinal Tauran rappelle la position constante de la diplomatie pontificale : « La violence engendre la violence. Il faut faire prévaloir la force du droit sur le droit de la force. »
Rome pourrait aussi revenir sur la présence envisagée dans la délégation du cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York. Tout Américain est en effet perçu par le régime syrien comme un soutien à Israël. En outre, avant que ne se produise l'attentat dans la capitale syrienne, le patriarche Grégoire III Laham, primat de l'Église grecque-melkite, avait plongé les responsables romains dans l'embarras, en exprimant son soutien au régime lors d'une rencontre, à Rome, le samedi 20 octobre, en marge du Synode. Enfin, les conditions de sécurité nécessaires à l'envoi d'une délégation semblent loin d'être réunies, tant pour parvenir à Damas par voie aérienne ou terrestre, que pour y séjourner.
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