Interview exclusive de Mgr Michel Aoun, évêque de Byblos-Jbeil.
En visite pastorale aux catholiques libanais du Bénin et du Nigeria, Mgr Michel Aoun, évêque de Byblos-Jbeil au Liban, fait connaître l'Eglise au Moyen-Orient.
La Croix du Bénin : En ce 21e siècle, que signifie vivre en tant que chrétien au Moyen-Orient?
Mgr Aoun : Les chrétiens au Moyen-Orient vivent le martyr au quotidien, car le fanatisme religieux augmente sans cesse. Toute la région est en état de bouillonnement avec ce qui s'est passé en Irak, en Iran et avec ce qui se passe actuellement en Syrie. Pour cette raison, nous voyons que même s'il n'y a pas une persécution systématique, il faut reconnaître que généralement, les fanatiques créent beaucoup de souffrance. Quelquefois, ils font des explosions ou bien ils kidnappent un prêtre. C'est le cas par exemple des deux évêques enlevés en Syrie : Mgr Youhanna Ibrahim, évêque syriaque orthodoxe d'Alep et de Mgr Boulos Yazigi, évêque grec orthodoxe de la même ville. On ne connaît pas encore leur sort. Le 21 mai dernier, les évêques et les représentants des Eglises en Jordanie ont appelés à une marche silencieuse pour les deux évêques. Tout cela met les chrétiens en difficulté et ils doivent témoigner quand même de leur foi. Ils cherchent à assurer leur sécurité et l'avenir de leurs enfants. Cela entraîne beaucoup de migration. Au Liban, même si la persécution n'est pas intentionnelle, les chrétiens paient un tribut à cause des conflits interreligieux du Moyen-Orient. Parfois même, les fanatiques s'attaquent aux chrétiens parce qu'ils sont des autochtones. Des voies modérées disent : les chrétiens sont nos frères et nous voulons qu'ils vivent avec nous. Malgré cela, il y a un problème réel.
Comment le chrétien peut témoigner de sa foi dans un tel contexte?
Ce n'est pas facile. Il faut une grande foi pour témoigner. La grande majorité des chrétiens veulent vivre leur stabilité, ils veulent pratiquer leur foi ; mais ils demandent aussi la sécurité. Avec la pastorale des jeunes, nous insistons sur le fait que si le Seigneur nous a implantés dans cette région du monde, c'est qu'il y a une mission et nous devons l'assumer. Mais il n'est pas toujours facile pour les jeunes de comprendre. Ils se disent que si c'est possible pour eux de vivre librement leur foi ailleurs, pourquoi donc se résigner à continuer de vivre là où il y a la guerre et la violence. Alors, il faut encourager. Je sais qu'il y a pas mal de mouvements de jeunes qui aident les gens à croire en ce témoignage
Quelle est donc la proportion des chrétiens dans la région?
Le plus grand pays où il y a les chrétiens au Moyen-Orient, c'est l'Egypte. L'Eglise copte compte au moins 10 millions de fidèles sur une population de 80 millions. Au Liban, même si 40% de la population sont des chrétiens actuellement, le pays a 4 millions d'habitants. En Syrie où la majorité est orthodoxe, les chrétiens ne dépassent pas 10% de la population. En Irak, il y a les Chaldéens et les Assyriens. On y comptait plus d'un million de chrétiens, actuellement ils sont à peu près 300.000.
Comment se porte l'Eglise du Liban ?
C'est une Eglise vivante avec beaucoup d'initiatives et de vocations. Les mouvements de jeunes aussi sont en croissance. Cependant, il y a également de nombreux jeunes qui vivent loin de l'Eglise et nous reconnaissons qu'il faut faire bien davantage. Nous les exhortons à ne pas vivre la foi au niveau de la religiosité seulement, au niveau sentimental, mais à aller en profondeur.
Quel est l'impact de la religion sur la vie intime des jeunes ?
Il n'y a pas beaucoup de mariage mixte au Liban, mais il n'est pas interdit non plus.
Nous essayons de leur faire comprendre que s'ils croient au mariage comme sacrement et qu'ils veulent vivre leur foi, c'est très important aussi de communiquer cette foi à leurs enfants. Mais il y a plusieurs jeunes filles musulmanes qui se convertissent au christianisme lorsqu'elles aiment un jeune catholique. Mais généralement, on ne donne pas le baptême avant le mariage parce qu'il faut s'assurer que ce n'est pas seulement pour plaire à la famille du futur conjoint, que ce soit une conviction. Nous acceptons donc la disparité de culte et après le mariage, ils suivent le cheminement pour recevoir le baptême. Plusieurs le font chez nous.
Quel est le rôle de l'Eglise dans la consolidation de la paix au Liban ?
Au Liban, l'Eglise est très impliquée parce que le patriarche a toujours eu un rôle même politique. Il est bien regardé par toutes les confessions comme une référence nationale. La parole du patriarche est entendue non seulement au niveau religieux, mais aussi au niveau politique parce que l'indépendance du Liban date de 1943. Or avant, le patriarche était le chef religieux et politique. Jusqu'à maintenant, le patriarche a toujours son mot à dire. Il peut convoquer par exemple les politiciens chrétiens pour s'entendre autour d'un sujet.
Qui sont les Maronites?
Les Maronites constituent la plus importante communauté chrétienne du Liban où siège l'Église maronite, une des Églises catholiques orientales. Née avec Saint Maroun au Ve siècle, elle est la seule Eglise d'Orient à être fidèle à l'Eglise catholique universelle dès ses origines. Comme toutes les Eglises d'Orient en communion avec Rome, l'Eglise maronite a évolué avec son propre rite au cours des siècles, attachés à la langue syriaque, fille de l'araméen, langue du Christ.
Au Bénin, il existe une communauté maronite. L'église de la paroisse Maronite, Saint Charbel, est consacrée en 2009. Elle est composée d'une forte communauté libanaise.
Propos recueillis par
André QUENUM & Valerie ZINSOU
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