30/5/2015- Les Églises premières d'Orient, preuve d'un passé fondé sur le vivre-ensemble
La réflexion sur le rôle des minorités d'Orient doit porter d'abord sur leurs identités respectives, sans lesquelles leur histoire dans la région perdrait toute sa force d'influence sur le cours actuel des événements. C'est ainsi sous le thème du mysticisme chrétien que la Fondation Samir Kassir a choisi de placer le débat sur les minorités dans la région, organisé dans le cadre du Festival du printemps de Beyrouth. Ce débat, modéré par notre collègue Michel Hajji Georgiou, et auquel ont pris part l'ancien député Samir Frangié et la psychologue Mona Fayad, avait pour invité d'honneur le réalisateur Jacques Debs.
Sa démonstration se base sur l'expérience intime de la foi, à laquelle il a touché dans un documentaire « prophétique » réalisé en 2012 en quatre séries, où il part À la rencontre des Églises premières : la maronite au Liban, l'arménienne, l'éthiopienne, la syro-malabare et la syro-malankare en Inde.
Les séries portant sur l'Église maronite et l'Église arménienne ont été projetées préalablement au débat, qui s'est tenu au campus de l'Innovation et du sport de l'Université Saint-Joseph.
De la Vallée sainte du Liban – « vallée des réconciliations » – aux monastères abritant, dans les collines d'Arménie, des « secondes d'éternité », le réalisateur privilégie l'émotion des témoignages et l'esthétique mystique des paysages, couvée par la musique de Zad Moultaka. Des prêtres et des religieuses décrivent leur cheminement intime, marqué par deux constantes : la confiance et le pardon.
C'est ainsi que « le fait religieux est présenté sans la passion destructrice, à travers des images de sérénité, de clarté et de lumière », relève Michel Hajji Georgiou, revenant sur la religieuse arménienne qui appelle à « pardonner aux auteurs du génocide avant même qu'ils ne le demandent ».
En dépit du rattachement strict de sa foi à sa chrétienté, Jacques Debs plaide ainsi pour l'universalité de « l'ouverture à l'autre, la foi et l'espérance, ces trois vertus de saint Paul auxquelles s'ajoute l'amour, qui est en soi une action ».
Le retour aux racines de l'Église, qui sous-tend la crispation identitaire dans la propagande de la théorie de l'alliance des minorités, est pourtant un repère pour la liberté et une reconnaissance irréversible des valeurs humanistes. Ce paradoxe entre les espaces repliés de recueillement et leur ouverture à la nature, que confirme Mona Fayad, serait en soi le signe de l'incompatibilité de la religion avec le cloisonnement identitaire. « Les crises identitaires sont incompatibles avec les communautés, chrétiennes ou autres, ayant toujours existé dans cette région », relève-t-elle.
C'est que, dans l'éternelle reconstruction des Églises d'Orient, qui côtoient chacune « un islam particulier », c'est la symbiose qui s'exprime entre des hommes appartenant à une même terre, incarnant, par leur force d'ouverture, un même souffle divin.
Samir Frangié explique ainsi que même si le vivre-ensemble a pour objectif la cohésion des sociétés plurielles et pluricommunautaires, il dépasse l'appartenance communautaire, et consacre la primauté de l'individu et de ses identités plurielles. « Le vivre-ensemble ne concerne pas les rapports entre les communautés, mais entre des individus appartenant à des communautés différentes », explique l'ancien député. Il estime que le Liban est susceptible de servir de « modèle » de gestion de la diversité puisque Taëf, dans sa lettre, prévoit une émancipation de l'homme par rapport à sa communauté. Pour sa part, Jacques Debs avance un corollaire du vivre-ensemble, « reconnaître le droit de ne pas vivre ensemble à ceux qui ne le souhaitent pas ».
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