Les États-Unis en retrait sur les chrétiens d'Orient
EXCLUSIF MAGAZINE - Alors qu'ils acceptent d'accueillir dix mille réfugiés syriens en 2016, les Américains mettent peu de moyens diplomatiques et militaires pour soutenir les populations persécutées en Syrie et en Irak.
«Barack Obama laisse sombrer les chrétiens d'Orient. » Cette accusation n'émane pas d'un ponte républicain, porté à diaboliser le président américain, mais d'une ancienne cadre de l'administration démocrate sous Bill Clinton, devenue éditorialiste. La journaliste Kristen Powers a signé en avril dernier une tribune impitoyable dans USA Today, un des titres américains les plus lus, fustigeant l'indifférence de la diplomatie américaine face aux persécutions religieuses. Alors qu'en Europe les chancelleries tentent de multiplier les initiatives en faveur des chrétiens d'Orient, le Département d'État semble briller par son silence.
Le souvenir de la guerre d'Irak
Cette absence de réaction doit beaucoup à l'héritage des années Bush, dont l'administration au pouvoir veut à tout prix se démarquer. Cette obsession de ne pas imiter le président précédent nourrit une vision relativiste sur les persécutions contre les chrétiens : « Leur appartenance religieuse ne leur donne pas automatiquement droit à une aide », aurait ainsi répondu un responsable du Bureau des migrations du ministère américain des Affaires étrangères, à l'évêque anglican Julian Dobbs, venu plaider la cause de chrétiens d'Irak demandant des visas. En février 2015, Barack Obama avait comparé le djihadisme aux croisades, suscitant un tollé au sein de la droite républicaine.
Pour Lauric Henneton, maître de conférences de civilisation anglophone à l'université de Versailles Saint-Quentin, l'opinion américaine est également réticente à envoyer des troupes à l'étranger. « Pour tout ce qui touche à la Syrie, il y a le traumatisme de l'intervention en Irak. L'opinion est très opposée à une nouvelle intervention qui serait aventureuse, après plus de dix ans de guerres », explique-t-il.
L'idée d'une opération militaire au Moyen-Orient contre l'État islamique est donc impensable, dans un pays désireux de se recentrer sur lui-même : « L'heure est au "nation building at home". La politique étrangère passe au second plan quand il y a des affaires nationales qui occupent le terrain : en ce moment, le mariage gay, mais aussi et surtout la primaire républicaine », décrypte Lauric Henneton.
L'attachement à Israël prioritaire
Volubile sur leur christianisme, les républicains ne semblent cependant pas parler le même vocabulaire que celui des Églises du Moyen-Orient. Le Parti républicain se repose beaucoup sur une base électorale protestante évangélique dont le lien avec Israël se révèle très fort : « Cela est dû en grande partie à l'influence d'une théologie très particulière, le dispensationalisme, qui a émergé au XIXe siècle, minoritaire, mais qui rencontre un fort soutien populaire », estime Matthieu Sanders, pasteur franco-américain de l'Église évangélique baptiste de Paris-centre. « Cette école de pensée estime que, comme dans l'Ancien Testament, il existe aujourd'hui encore une alliance spécifique entre Dieu et le peuple d'Israël. Ceux qui pensent ainsi estiment que soutenir Israël – y compris en tant qu'État – est une marque de fidélité à Dieu. »
Ce « sionisme chrétien » diffuse des positions farouchement hostiles à l'Iran et au régime syrien, ennemis d'Israël, alors qu'ils sont considérés comme des facteurs d'équilibre par nombre de chrétiens d'Orient, voire des défenseurs face à l'État islamique. La diaspora libanaise maronite aux États-Unis s'oppose donc aux candidats républicains sur Israël. Si les évangéliques américains sont sensibles aux persécutions religieuses au Moyen-Orient, « de là à s'identifier aux Palestiniens chrétiens et à se solidariser avec eux, il y a un pas que beaucoup ne parviennent pas à franchir », déplore Matthieu Sanders. Qui estime cependant que les jeunes générations prennent leur distance avec cette tradition.
Jtk
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