Raï exhorte les Libanais à restituer au Liban son essence et sa mission
À cette occasion, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, représenté par le vicaire patriarcal, Mgr Samir Mazloum, a appelé les Libanais à « œuvrer pour restituer au Liban son essence et sa mission », les exhortant à « se réconcilier et serrer les rangs » afin de remédier à la gravité de la situation que connaît actuellement le pays.
Le prélat a salué le Comité national pour la célébration de la proclamation du Grand Liban, remerciant particulièrement la présidente du comité, Hayat Arslane, « pour avoir organisé cet événement dans ce palais noble de l'émir Toufic Arslane, qui avait participé, en 1920, à la troisième mission envoyée à Paris par le patriarche Élias Hoyek en vue de faire reconnaître le Liban dans ses frontières actuelles ». Le dignitaire a également rendu hommage à l'émir Magid Arslane pour son rôle capital lors de la bataille pour l'indépendance du Liban, et à son fils, l'émir Fayçal Arslane, « homme pacifiste qui a œuvré pour répandre l'esprit d'entente entre les Libanais ».
Évoquant les efforts soutenus d'hommes nationalistes libanais qui ont abouti à la proclamation du Grand Liban, le 1er septembre 1920, par le général Henri Gouraud, sur les marches du Palais des Pins à Beyrouth, le prélat a invité les responsables, sans les nommer, à « suivre l'exemple des grands hommes qui ont sacrifié leurs intérêts personnels en faveur de l'intérêt national et se sont battus pour bâtir leur pays ». Il n'a pas manqué de déplorer l'attitude des maronites d'aujourd'hui qui « ne sont malheureusement pas à la hauteur de leurs responsabilités », rappelant que « le patriarche Hoyek avait cru, lorsqu'il se battait pour fonder le Grand Liban, que les maronites allaient être du niveau de ce Grand Liban et faire de tout pour le préserver ».
Mgr Mazloum a aussi dressé une sorte de bilan, visiblement négatif, de ce qu'ont fait les Libanais, 95 ans plus tard, de leur État et de leur société. Se demandant que sont devenues les institutions constitutionnelles, il a aussitôt lui-même répondu : « La présidence de la République est vacante depuis 15 mois, le Parlement est quasi paralysé après s'être autoprorogé à deux reprises, le gouvernement est menotté et se trouve incapable d'assurer aux citoyens leurs besoins les plus élémentaires en eau, en électricité, et par rapport au traitement des questions environnementales et sanitaires. » Il a en outre qualifié l'administration de « flasque, pourrie par les pots-de-vin et le vol des deniers publics à tous les échelons des courtages et des marchés », dénonçant « la propagation de la corruption au niveau de la société et la déchéance de la moralité ». Le représentant de Mgr Béchara Raï s'est également montré inquiet de l'état de la sécurité ainsi que de « la crise économique qui a provoqué une dette publique de plus de 70 milliards de dollars et a poussé plus de la moitié des jeunes à l'émigration », estimant que ce Liban n'est pas celui dont ont rêvé nos aïeuls, notamment « le patriarche Hoyek qui avait mis sur la balance tout le poids spirituel, moral, culturel et social de l'Église maronite » pour donner l'avantage à un "Grand Liban" .
Le dignitaire religieux a enfin invité toutes les parties à « unifier leur discours pour que le centième anniversaire de la proclamation du Grand Liban soit accueilli dans un État qui soit devenu un vrai État ».
Amine Gemayel
L'ancien président Amine Gemayel a pour sa part décrit le 1er septembre 1920 comme un « jour heureux qui a vu se réaliser un projet national dans lequel les volontés se sont ralliées, les chrétiens renonçant à l'occidentalisation et les musulmans à l'arabisation ». Écartant l'idée d'une catégorisation des Libanais selon leur confession, M. Gemayel a jugé qu' « en 1920, les musulmans n'étaient pas une minorité, tout comme les chrétiens ne sont pas une minorité en 2015 », affirmant tout simplement que « les Libanais sont majoritaires dans leur pays ».
L'ancien président a par ailleurs rendu hommage à ce Liban qui a su « résister contre les projets d'annexion ou d'abolition et les tentatives de destruction », appelant à « préserver notre indépendance en procédant à l'élection d'un président de la République ». Il a en outre affirmé la nécessité « d'unifier la volonté et la décision libanaises », rappelant sur ce point que « le général Gouraud avait recommandé aux Libanais de rester unis, les mettant en garde contre les rivalités confessionnelles ».
Michel Eddé
Prenant ensuite la parole, l'ancien ministre Michel Eddé a estimé que « le Liban proclamé en 1920 n'est que l'affirmation du Liban originel que le patriarche Élias Hoyek avait tenu à délimiter dans ses contours géographiques, sa hantise ayant toujours été de préserver un Liban basé sur la diversité religieuse et le vivre-ensemble ». M. Eddé a fait le rapprochement entre cette préoccupation et celle de l'ancien patriarche maronite, Mgr Nasrallah Boutros Sfeir, qui « a permis la conclusion de l'accord de Taëf sur base de la parité entre chrétiens et musulmans ». L'ancien ministre a également souligné que « ce Liban d'origine, avec sa formule unique, a représenté, depuis la création d'un État moderne, l'antithèse du monothéisme israélien », affirmant qu' « avant l'instauration de l'État d'Israël, les Libanais avaient refusé que leur pays soit considéré comme un État national chrétien, coupant court, ainsi, aux tentatives de justification d'un État national juif ».
Hayat Arslane
Enfin, Hayat Arslane a estimé que « le Grand Liban grandit lorsque nous respectons la légalité et que nous préservons ses institutions confessionnelles à travers une élection présidentielle et des élections législatives », déplorant « la catastrophe que constitue l'allégeance des Libanais à une confession plutôt qu'à une patrie ».
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