Visite Du Patriarche Bechara Boutros El Raï... Plus Qu'une Visite, Un Message.Pour comprendre la visite du Patriarche maronite le Cardinal Béchara Raï en Syrie, il ne faut pas la regarder sous l'angle purement libanais, qui la fait entrer dans les dédales obscurs de la politique interne.
Selon des sources ecclésiastiques, elle s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique du Vatican envers les chrétiens d'Orient, qui se résume en une phrase : maintenir leur présence au Moyen-Orient est une priorité, car ces chrétiens ne sont pas une pièce rapportée mais une composante essentielle du tissu social régional. Ce serait donc en toute connaissance de cause que le Vatican aurait encouragé l'élection de Mgr Raï à la tête de l'Église maronite, avant de lui donner le titre de cardinal très rapidement pour bien montrer qu'il bénéficie de l'appui total de l'Église catholique.
D'ailleurs, le Cardinal Béchara Raï est considéré comme l'un des dix cardinaux les plus influents du Vatican, et c'est sur ses épaules que repose la mission délicate et difficile de rassurer les chrétiens d'Orient pour les pousser à rester sur leur terre.
La participation du Patriarche Raï à l'intronisation du nouveau Patriarche orthodoxe à Damas n'est donc pas une décision impulsive. Des sources ecclésiastiques révèlent qu'elle a été précédée d'un échange de lettres entre le patriarche et le Vatican, et elle a trois objectifs :
1-elle est d'abord un message clair contre les takfiristes qui deviennent de plus en plus présents dans la région, pour leur rappeler que le Moyen-Orient est une terre de diversité et de coexistence.
2- Elle confirme ensuite le droit des chrétiens d'Orient sur cette terre, 3- et enfin, elle constitue un premier pas concret vers la réunification des Églises d'Orient voulue par le Vatican, en prévision de la reprise du contrôle de l'église de la Nativité à Bethléem actuellement sous contrôle de facto israélien. C'est dire qu'elle a une dimension qui dépasse de loin les considérations politiques internes.
Le Patriarche Raï a une mission à remplir, et il essaie de l'exécuter avec les moyens disponibles, même si cela doit faire grincer quelques dents. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a évité d'annoncer à l'avance cette visite, se contentant d'en parler aux évêques quelques jours avant qu'elle n'ait lieu. Les Services concernés à Bkerké ont aussitôt contacté l'Ambassadeur de Syrie au Liban pour l'informer de la décision du patriarche et pour préparer la visite. Que cette décision ait réjoui l'Ambassadeur et le régime dont il relève ne constitue pas un facteur décisif qui pourrait la modifier.
Pour le Patriarche Raï, ce qui comptait, c'était d'être présent à cette cérémonie, en tant que composante essentielle des Églises d'Orient et au moment où les chrétiens de Syrie ont le plus besoin de soutien. C'est d'ailleurs un message d'espoir et de confiance dans l'avenir qu'il leur a délivré, et l'émotion avec laquelle les fidèles ont accueilli le patriarche maronite et se sont précipités pour communier est la plus grande preuve du succès de cette visite. Elle est d'ailleurs d'autant plus importante qu'elle intervient à une période cruciale pour la région, pour la Syrie et pour ses chrétiens,avec la montée des courants takfiristes.
Dans ce contexte, la visite du Patriarche maronite à Damas est un défi à ces courants et la réponse des chrétiens à ceux qui cherchent à déforment le tissu social et religieux de cette région. La scène ne leur sera donc pas laissée facilement.
D'ailleurs, des observateurs estiment que cette visite aurait été banale en d'autres temps, se contentant d'exprimer un tournant dans la relation des chrétiens du Liban avec la Syrie. Mais c'est son timing en cette période particulièrement tourmentée qui lui a donné une dimension historique. Voilà pour le symbole. Pour les détails pratiques, le Patriarche a veillé à ne pas avoir de rencontre avec le Président Bachar el-Assad, même si tout au long de sa présence en Syrie, il a fait l'objet d'une attention particulière de la part des autorités.
Raï a salué les ministres qui ont assisté à la cérémonie d'intronisation, et il a eu un aparté de quinze minutes avec le Vice-Ministre des Affaires étrangères Patriarche grec-orthodoxe Jean X. Mais il était en permanence en compagnie du nonce apostolique de Damas, avec lequel les préparatifs de la visite avaient été soigneusement étudiés, pour bien montrer que le Vatican appuie cette démarche.
Sur le plan des discours prononcés, certains ont reproché au Patriarche d'avoir déclaré que toutes les réformes du monde ne valent pas une goutte de sang innocent. Vue à partir du Liban, cette phrase peut être dérangeante. Mais en Syrie, elle n'est que le reflet de ce que pense une grande partie de la population, et surtout les chrétiens qui n'en peuvent plus de la violence et de la guerre. D'ailleurs, les Libanais eux-mêmes sont passés par des phases similaires lorsqu'à un moment donné, la grande majorité de la population rejetait les combats et aspirait au calme. C'est aussi dans cet esprit que le 13 avril dernier, des manifestations de la société civile ont été organisées pour rejeter les conflits armés. Mais de toute manière, depuis son élection, le Patriarche Raï n'a cessé de surprendre par ses positions. On se souvient de sa rencontre mouvementée avec l'ancien Président français Nicolas Sarkozy et de sa déclaration d'appui à la résistance alors qu'il effectuait une visite au Liban-Sud. Il dit ce qu'il pense et poursuit son chemin, convaincu de servir les intérêts des chrétiens, tous les chrétiens.
Source : OLJ.org - Scarlett HADDAD | 13/02/2013
http://www.chretiensdorient.com/article-syrie-visite-du-patriarche-bechara-boutros-el-rai-plus-qu-une-visite-un-message-115354124.html
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