La Croix - 17-2/2013- Le pontificat de Benoît XVI
Le gouvernement interne de l'Église, dont les difficultés ont été révélées au grand jour par l'affaire Vatileaks, a provoqué une forme d'insatisfaction générale.
Durant son pontificat, Benoît XVI aura réuni cinq Synodes mais les résultats concrets de ces vastes assemblées demeurent timides.
Le gouvernement de l'Église est fondé sur une autorité, celle du pape, successeur de Pierre. Chef du collège épiscopal, il exerce seul son pouvoir. Cependant, il existe à ses côtés d'autres autorités, non délibératives, prévues pour l'assister. L'autorité suprême est exercée dans l'Église par le pape quand il agit personnellement et le Collège des évêques en union avec le pape son chef.
Pour l'exercice de son autorité personnelle, le pape est aidé par des institutions non délibératives dans l'ordre : le Synode des évêques, le collège des cardinaux, la Curie romaine et les « légats pontificaux » (nonces apostoliques). Le canon 330 dispose : « De même que, par disposition du Seigneur, saint Pierre et les autres apôtres constituent un seul Collège, d'une manière semblable le pontife romain, successeur de Pierre, et les évêques, successeurs des apôtres, sont unis entre eux. »
L'autorité du collège des 5 000 évêques du monde ne peut donc s'exercer sans le pape. Tout dépend alors de l'articulation entre ces deux autorités, sachant que le droit de l'Église, ne prévoyant aucun autre organe délibératif à l'échelon universel, distingue deux types de collégialité.
Importance de la synodalité
La collégialité « effective » requiert que tous les évêques soient d'une façon ou d'une autre réunis et manifestent leur accord avec le pape. Cela ne peut se produire que lors d'un concile dit « œcuménique », c'est-à-dire rassemblant tous les évêques du monde. Ou encore par un acte collégial posé par tous ces évêques, même dispersés. Cela ne s'est jamais produit. Pour leur part, le Synode des évêques ou une conférence épiscopale expriment la collégialité dite « affective », c'est-à-dire qu'elle ne peut engager toute l'Église.
Dès lors que la mise en œuvre de la collégialité « effective » de l'autorité est pratiquement impossible, le pape gouverne, de fait, seul. Avec, à ses côtés, des structures dites « synodales ». Tout d'abord le Synode des évêques, consultatif. Cette institution a été créée par Paul VI dans la foulée du concile Vatican II, le 15 septembre 1969. Il souhaitait répondre à l'aspiration exprimée durant le Concile visant à une meilleure prise en compte de l'avis des évêques, tout en évitant une représentation permanente. Jean-Paul II l'a évoqué comme « une expression et un instrument particulièrement fécond de la collégialité des évêques ». Son objectif est d'« assister le pape ». Il ne s'agit donc pas d'un contre-pouvoir représentatif de l'épiscopat mondial. Il manifeste la collégialité « affective ».
Dès le début de son pontificat, Benoît XVI a souligné l'importance de cette synodalité. Il a réuni cinq Synodes, dont trois assemblées « ordinaires » (sur l'Eucharistie en octobre 2005, la Parole de Dieu en octobre 2008, la Nouvelle évangélisation en octobre 2012) et deux assemblées « spéciales » (sur l'Afrique en octobre 2009 et le Moyen-Orient en octobre 2010). Toutes se sont soldées par des exhortations apostoliques post-synodales marquées par la plume du pape théologien, mais pourtant peu suivies d'effets.
Et puis le collège des cardinaux, improprement surnommé le « Sénat de l'Église », qu'on appelait improprement avant le concile Vatican II le « Sénat du Pontife romain » car il ne vote aucune loi et existe peu en tant que corps constitué. Les cardinaux avouent souvent avoir peu de relations « organiques » entre eux. Durant son pontificat, Benoît XVI ne l'a réuni en consistoire qu'à cinq reprises, pour la création de nouveaux cardinaux, avec la veille la célébration consacrée à certaines thématiques, telles que la nouvelle évangélisation ou la crise des abus sexuels. Aux dires des participants, ils ont essentiellement permis l'écoute du pape et de quelques figures cardinalices elles-mêmes désignées par le pape.
Du point de vue institutionnel, ce pontificat n'a pas apporté de nouveautés
Selon certains canonistes, Benoît XVI, pour résoudre le schisme lefebvriste, aurait pu consulter a priori le collège épiscopal, selon les termes du canon 337, § 2 et 3. Cela lui aurait évité la même démarche a posteriori, lorsqu'il écrivit en mars 2009 à tous les évêques du monde pour justifier sa décision de lever l'excommunication, remerciant explicitement ceux qui l'avaient soutenu et indisposant implicitement ceux qui n'y étaient pas favorables.
Du point de vue strictement institutionnel, le pontificat de Benoît XVI n'a pas véritablement apporté de nouveautés, à l'inverse de celui de Paul VI, qui a mis en œuvre, sur le plan institutionnel, les décisions de Vatican II.
À l'échelon de la Curie romaine, la fin du pontificat de Benoît XVI a été marquée par une insatisfaction générale concernant le manque de communication et de collaboration entre les dicastères. Certains préfets et présidents tiraient chacun leur épingle du jeu, peu soucieux des frontières de compétences, tirant parti de l'absence de « conseil des ministres », tandis que d'autres s'évertuaient, sur une base simplement personnelle, à nouer des liens, parfois dans le même bâtiment, ne serait-ce que pour s'informer de l'activité des autres dicastères.
Il faut toutefois retenir la création d'un nouveau dicastère, consacré à la promotion de la nouvelle évangélisation, confié à Mgr Rino Fisichella. N'ayant pas été créé cardinal lors des deux consistoires successifs, il ne participera pas à l'élection du successeur de Benoît XVI.
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