« J'ai voulu fuir Alep et la guerre », raconte Bilal dans un français approximatif. Ce jeune trentenaire est arrivé en France en février 2014, « à pied ». De son pénible voyage depuis la Syrie, il n'en dira pas plus. « C'est beaucoup trop dur », finit-il par lâcher. Décidé à faire sa vie à Paris, il dépose une demande d'asile et se voit accorder le statut de réfugié sans trop de difficulté.
En moyenne, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) traite les dossiers des demandeurs d'asile syriens en trois mois maximum contre six habituellement, « signe qu'il faut agir vite » selon son directeur général, Pascal Brice.
Dans 96 % des cas, la demande est acceptée, et ce malgré un afflux massif. « Sur les neuf premiers mois de 2014, nous avons déjà enregistré 1 500 demandes d'asile émanant de Syriens, c'est plus que sur l'ensemble de l'année 2013 », détaille-t-il.
Sur le terrain, les associations saluent les efforts menés. « Il faut bien reconnaître que l'Ofpra mène un travail accéléré et de qualité, avance Michel Morzière, président d'honneur de Revivre, une association d'aide aux réfugiés syriens. Et heureusement, on n'a encore jamais vu de Syrien renvoyé chez lui ! »
Une existence précaire
Une fois le statut de réfugié politique obtenu, tout reste pourtant à faire, comme en témoigne Bilal : « J'ai réussi à faire venir ma femme et mon fils, Farid, mais nous n'avons toujours pas de logement. Tous les deux jours, je dois appeler le 115 pour qu'on nous trouve une chambre d'hôtel, regrette-t-il. Dans ces conditions, il est impossible pour moi de travailler. J'avais trouvé un emploi dans une épicerie mais j'ai dû y renoncer. »
En France, des centres d'hébergement d'urgence existent bien comme les CADA (Centre d'accueil de demandeurs d'asile), réservés aux seuls demandeurs d'asile durant l'examen de leur demande, ou les CPH (Centres provisoires d'hébergement) destinés aux réfugiés statutaires en attente d'un logement, mais la demande est souvent supérieure à l'offre.Alors même en cas d'éligibilité, il faut composer avec le nombre de places disponibles.
« Un jeune homme syrien de 25 ans vit la même chose qu'un jeune congolais ou un jeune rwandais, il ne sera pas prioritaire », reconnaît Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés-Cosi.
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Selon Michel Morzière, les plus fragiles sont ceux qui empruntent le même parcours que Bilal. « Ceux qui arrivent après avoir obtenu un visa en Turquie ou en Jordanie sont aussi dans la galère, mais généralement, ils connaissent des amis qui peuvent les accueillir, contrairement à ceux qui arrivent de façon clandestine ».
« Apprivoiser » le pays d'accueil
Outre la question du logement, les réfugiés syriens doivent aussi se familiariser avec leur pays d'accueil. Très souvent, la barrière de la langue reste difficile à surmonter et peut être un frein à une intégration réussie.
« C'est un public qui a du potentiel, de l'énergie à revendre. Il faut simplement les aider à apprivoiser une société qu'ils ne connaissent pas », argumente Jean-François Ploquin.
Pour les acteurs de terrain, les cours de français dispensés gratuitement par l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) aux migrants légalement installés en France ne suffisent pas.
En complément, l'association Forum réfugiés-Cosi a d'ailleurs mis en place, dans le département du Rhône, un programme intitulé Accelair, spécialement dédié à l'insertion socioprofessionnelle des réfugiés. « Pendant un an, la personne bénéficie d'un suivi personnalisé pour l'aider à trouver un logement et un emploi », précise Jean-François Ploquin.
Des dispositifs insuffisants
Cette aide, certains Syriens, choisis par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), n'en ont pas directement besoin. Identifiés dans des camps du Liban, de Jordanie et d'Égypte selon des critères de vulnérabilité, ils bénéficient tous dès leur arrivée d'un statut et d'un logement dans le cadre d'un programme de réinstallation voulu par François Hollande.
Le dispositif doit profiter à 500 ressortissants syriens d'ici à la fin de l'année. « Pour le moment, nous avons déjà réinstallé des Syriens au Havre, en Dordogne, en Isère et dans l'Aisne, poursuit Pascal Brice. 500 personnes supplémentaires devraient bénéficier de cette procédure en 2015 ».
Une bouffée d'oxygène qui ne contente pas pour autant les associations d'aide aux réfugiés. « C'est l'arbre qui cache la forêt, commente Pierre Henry, dirigeant de France Terre d'asile. Il faudrait surtout que les dirigeants européens et français trouvent ensemble des solutions pour un meilleur accueil. »
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Lucie Gruau