Synthèse des travaux du consistoire par le P. LombardiAnne Kurian
ROME, 20 octobre 2014 (Zenit.org) - Les patriarches du Moyen-Orient appellent les baptisés à montrer leur solidarité « par les pèlerinages, les aides concrètes et par la présence », à l'exemple des prochaines réunions des Conférences épiscopales européennes qui se retrouveront à Jérusalem, l'année prochaine : « tous les signes de présence peuvent encourager les communautés au Moyen-Orient et leur faire sentir qu'elles ne sont pas abandonnées ».
Au lendemain du synode sur la famille, 86 cardinaux et patriarches étaient réunis en consistoire autour du pape François, ce 20 octobre 2014, pour échanger sur la situation du Moyen-Orient.
Les participants ont écouté près de 30 interventions, données notamment par les 6 patriarches des Églises orientales catholiques du Moyen-Orient présents au synode et par les chefs des dicastères concernés, a expliqué à la presse le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège.
C'est le pape François qui a ouvert le consistoire ce matin. Le cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin a donné une synthèse appréciée de la réunion des nonces apostoliques au Moyen-Orient qui a eu lieu au début du mois (2-4 octobre).
Selon le P. Lombardi, les patriarches ont vécu ce moment comme « un soutien et un signe de proximité de la part du pape et du collège cardinalice ». Ils ont chacun évoqué la situation de leurs pays – Irak, Syrie, Égypte, Terre sainte, Palestine et Liban – en dénonçant les graves difficultés auxquelles les chrétiens sont confrontés.
Ils ont exprimé leur préoccupation pour le dilemme de ceux qui émigrent : « Ils ont beaucoup insisté sur le fait qu'il est important que les chrétiens restent au Moyen-Orient : ils ont un rôle essentiel pour l'Église universelle, pour que la dimension orientale ne soit pas perdue, comme pour leur pays, où même en étant une minorité, ils sont médiateurs de paix », a précisé le P. Lombardi.
Le consistoire a évoqué les bons rapports avec les autres confessions chrétiennes, en particulier avec les patriarches orthodoxes de la région et a souligné l'importance du dialogue islamo-chrétien.
Quant à une éventuelle visite du pape en Irak ou au Moyen-Orient, le P. Lombardi a précisé qu'il n'y avait « rien de précis et certainement rien d'imminent ».
Voici une synthèse non officielle des interventions :
Après le discours du Saint-Père et le rapport du Secrétaire d'Etat sur la rencontre des nonces et des représentants diplomatiques au proche et moyen Orient (Vatican, 2-4 octobre), les cardinaux et les patriarches ont pris la parole. Les patriarches ont notamment décrit les situations et les problèmes des Églises particulières en Irak, Syrie, Égypte, Jordanie, Liban, Israël et Palestine. Les interventions ont insisté sur l'exigence de la paix et de la réconciliation, la défense de la liberté religieuse, le soutien aux communautés locales, l'importance de l'éducation pour de nouvelles générations capables de dialoguer, le rôle de la communauté internationale.
On a souligné que la région a un besoin urgent de redéfinir son avenir. Il est important que Jérusalem soit reconnue comme capitale de la foi pour les trois grandes religions monothéistes, comme nécessaire de trouver une solution aux conflits israélo-palestiniens et syrien. Face aux violences perpétrées par l'Etat islamique (EI), il a été rappelé que l'on ne peut pas tuer au nom de Dieu. Il a été dit que la liberté de conscience, qui inclut la liberté de religion, est un droit fondamental, inné et universel, une valeur pour toute l'humanité. La reconnaissance pour les chrétiens des droits civils accordés aux autres citoyens a été réclamée, surtout dans les pays où la religion n'est pas séparée de l'État.
A propos du soutien aux communautés locales, il a été rappelé qu'un Orient sans chrétiens serait une perte grave pour le monde, car ils ont un rôle fondamental dans l'équilibre de la région et dans l'éducation. Il convient donc d'encourager les chrétiens à ne pas quitter leurs pays et à persévérer dans leur contribution au bien-être de leurs sociétés. Une réflexion a été développée sur la migration des chrétiens, qui doivent pouvoir être accueillis dans les pays d'émigration et par les Églises locales. Celles-ci doivent donc se doter de structures pastorales adéquates en fonction des divers rites. On doit poursuivre en parallèle la fourniture de l'aide humanitaire dans cette partie du monde afin d'aider les chrétiens restants à ne pas émigrer. Les autres Églises doivent également organiser en leur faveur des manifestations de solidarité, comme des pèlerinages.
Dans nombre de pays de la région, les manuels scolaires présentent sous un jour négatif les religions différentes de celle de l'État. Les institutions publiques locales sont invitées à se pencher sur la question, et à recourir plutôt au dialogue inter-religieux sur la base de la raison, mais aussi à une forte coopération œcuménique qui permette à toutes les confessions chrétiennes de parler d'une même voix. Il est demandé à la communauté internationale de garantir aux réfugiés chrétiens la possibilité de regagner dès que possible leurs foyers et d'instituer des zones de sécurité, notamment dans la plaine de Ninive. Il faut tout faire pour que toutes les personnes séquestrées soient libérées, et un appel est lancé pour qu'on ne les oublie pas.
Avec une traduction de Constance Roques
Devant des cardinaux du monde entier réunis en consistoire au Vatican le lundi 20 octobre, au lendemain de la clôture du Synode sur la famille, le pape François a de nouveau appelé à « une réponse adéquate » face à « un phénomène de terrorisme d'ampleur à première vue inimaginable », en référence à l'offensive dévastatrice que mène l'organisation extrémiste sunnite Daech. De retour de Corée, le 18 août dernier, le pape avait déjà jugé « licite d'arrêter l'agresseur injuste » à propos de ce groupe qui cherche depuis juin à ériger un proto-Etat de terreur entre Irak et Syrie.
S'adressant aux 79 cardinaux et sept patriarches du Moyen-Orient, le secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin a rappelé cette position du pape François, précisant que la légitimité de la riposte obéissait au « respect du droit international ». Mais, pour le Saint-Siège, qui a réuni début octobre les nonces de la région au Vatican, la réponse ne saurait être uniquement militaire.
» Lire aussi : Les nonces veulent favoriser le dialogue interreligieux face au fondamentalisme
« Une responsabilité particulière incombe aux dirigeants musulmans non seulement pour désavouer la prétention de se nommer l'État islamique et de former un califat, mais aussi pour condamner plus en général le meurtre de l'autre pour raisons religieuses », a aussi fait valoir le cardinal Parolin, en référence au nom que s'attribue Daech.
Trafic d'armes et commerce de pétrole
Au cours de sa longue intervention, passant en revue les pays de la région, notamment le Liban, le chef de la diplomatie vaticane a également appelé la communauté internationale à agir « pour prévenir de nouveaux et possibles génocides », en impliquant « directement les États de la région » dans des solutions négociées et en « (prêtant) attention aux sources » qui soutiennent Daech « par le biais d'un appui politique plus ou moins clair, du commerce illégal de pétrole, de la fourniture d'armes et de technologies ». Les méfaits du trafic d'armes sont régulièrement dénoncés par le pape François.
Autre action de prévention soutenue, celle d'un ample dialogue avec l'Islam qui, selon le cardinal Parolin, ne doit pas se limiter aux « élites » mais s'élargir à la base. « Dans nombre de pays de la région, les manuels scolaires présentent sous un jour négatif les religions différentes de celle de l'État », regrette le Saint-Siège dans un communiqué rendant compte du consistoire, invitant « les institutions publiques locales (..) à se pencher sur la question ». Une « forte coopération œcuménique » est aussi demandée dans une région morcelée entre diverses Églises chrétiennes.
Chrétiens d'Orient
Au-delà de ces différences, le pape François a de nouveau fait part de sa vive préoccupation à l'égard de la présence menacée des chrétiens dans la région. « Nous ne pouvons nous résigner à penser à un Moyen-Orient sans les chrétiens », a-t-il répété dans une brève allocution en ouverture.
Selon le communiqué du Saint-Siège, le consistoire a échangé « sur la migration des chrétiens, qui doivent pouvoir être accueillis dans les pays d'émigration et par les Églises locales » : « Celles-ci doivent donc se doter de structures pastorales adéquates en fonction des divers rites ». « On doit poursuivre en parallèle la fourniture de l'aide humanitaire dans cette partie du monde afin d'aider les chrétiens restants à ne pas émigrer », poursuit le compte rendu, ajoutant une invitation aux autres Églises à organiser en faveur des chrétiens d'Orient « des manifestations de solidarité, comme des pèlerinages ».
Turquie
Le Saint-Siège, à travers ce consistoire, demande à la communauté internationale pour sa part « de garantir aux réfugiés chrétiens la possibilité de regagner dès que possible leurs foyers et d'instituer des zones de sécurité, notamment dans la plaine de Ninive », en Irak.
Les informations du Vatican sur ce consistoire ne mentionnent pas le voyage que le pape doit effectuer en Turquie à la fin du mois de novembre. Selon nos informations, ce déplacement à Ankara puis Istanbul devrait se tenir les 29 et 30 novembre mais se tenir à un programme d'abord œcuménique.