Jeudi, 16 Février 2012 12:43
C'était il y a un an. Début février 2011. Les révolutions du Printemps arabe battaient son plein. Et la Syrie emboîtait le pas un mois plus tard. Aujourd'hui Bachar Al-Assad persiste dans sa politique de répression.
La diplomatie piétine. Les appels à la paix se multiplient, notamment depuis la Terre Sainte. Point de situation.
Onze mois de contestation en Syrie. Et après ?
L'heure des premiers bilans a sonné depuis les premiers soulèvements à Deraa, le 15 mars 2011. Aujourd'hui, on totaliserait plus de 6000 morts, victimes de la violente répression opposée par le régime.
Les appels répétés de la communauté internationale à la fin des violences n'ont été, à ce jour, entendus à Damas.
Mardi dernier - encore - le régime du président Bachar Al-Assad a lancé son assaut le plus violent sur Homs.
L'Assemblée générale des Nations unies doit se prononcer aujourd'hui, jeudi 16 février à 20H00 GMT, sur un projet de résolution qui condamne la répression. Ceci quelques jours après le blocage au Conseil de sécurité d'un texte aux mêmes vues... Quoi qu'il en soit, l'adoption de cette résolution, soutenue notamment par de nombreux pays occidentaux et arabes, aura seulement une portée symbolique.
Le président Bachar Al-Assad a, de son côté, fixé au 26 février la tenue d'un référendum sur la nouvelle loi fondamentale qui instaurerait un "Etat démocratique" basé sur le pluralisme. Cette initiative ressemble à une tentative du régime pour calmer l'émotion d'une communauté internationale choquée par le bain de sang.
Le Pape, dimanche dernier (12 février) a lancé un « appel pressant » pour que soit mis fin « à la violence et au sang versé ». Le Saint Père suit « avec beaucoup d'appréhension les épisodes de violence dramatique et croissante en Syrie ». Et confie prier pour toutes les victimes. Benoît XVI a déjà lancé plusieurs appels pour la paix en Syrie. En particulier, lors de ses voeux de Nouvel An au corps diplomatique. Le Patriarche latin de Jérusalem Mgr Fouad Twal, quant à lui, avait souhaité dans son homélie de Noël « la paix, la stabilité et la sécurité pour le Moyen-Orient » et confié qu'il priait « pour la réconciliation (notamment : ndlr) en Syrie. » Aujourd'hui, le Custode de Terre Sainte, le Père Pizzaballa a lancé un appel pour soutenir concrètement les nombreux chrétiens syriens et les Œœuvres de charité de la Custodie de Terre Sainte.
« Les dispensaires médicaux des couvents franciscains deviennent des lieux de refuge et d'accueil pour tous, suivant la tradition de la Custodie, sans aucune différence entre les ethnies d'alaouites, de sunnites, de chrétiens ou de rebelles et de gouvernementaux » annonce-t-il.
Exode chrétien
Au vu et au su de ces troubles aux couleurs de drame, faut-il craindre une vague d'exode des chrétiens ?
Ils représentent quelque deux millions de syriens ( soit environ 8% de la population). Dans des déclarations accordées à l'agence Zenit, Gregorios Yohanna Ibrahim, métropolite orthodoxe d'Alep décrit la situation et s'adresse aux chrétiens d'Occident et du Monde entier : « Ce dont nous avons vraiment besoin c'est de votre soutien moral et de vos prières pour la stabilité et la paix en Syrie.» Selon le prélat « les modèles libyen, égyptien et yéménite n'ont fait le bonheur de personne dans le monde arabe ». Dans toute cette situation, Mgr Ibrahim voit néanmoins un fait positif : « Il n'y a pas d'exode massif » des chrétiens. Ce que confirme dans la Croix du 14 férvier, Antoine Fleyfel, théologien et philosophe franco libanais. Ce dernier explique que : « La situation des chrétiens (…) varie selon les villes. Quelques familles chrétiennes de Homs et Hama fuient les combats pour se réfugier dans d'autres régions du pays, mais, pour le moment, il n'y a pas d'exode massif des chrétiens hors de Syrie. Dans la plupart des cas, musulmans et chrétiens subissent le même sort. »
C'est vrai que Homs est le théâtre de combats violents. C'est vrai que cela dure depuis plusieurs jours. C'est vrai que la ville s'est vidée de sa communauté chrétienne. Et selon l'Œuvre d'Orient, association qui vient en aide aux chrétiens de la région du Moyen-Orient, « les 30% de chrétiens de la ville ont dû se résoudre à partir ». Et d'expliquer: « C'est en larmes qu'ils abandonnent aujourd'hui leur maison pour chercher la sécurité. Quelques familles musulmanes ont également quitté la ville. Impuissants et terrés chez eux depuis plusieurs jours, les habitants du quartier de Boustane al Diwane, chrétiens et musulmans, ont vu leurs maisons endommagées, saccagées ou détruites ».
Après l'Oeuvre d'Orient la semaine dernière, plusieurs personnalités chrétiennes de Syrie ont tenté d'alerter l'opinion internationale sur la situation particulièrement dramatique dans le pays. C'est ainsi que Mgr Jean-Clément Jeanbart, le métropolite grec-catholique d'Alep, a confié à l'agence Apic ses craintes: « Avant, on avait la sécurité. Aujourd'hui, ceux parmi les chrétiens qui ont les moyens et de l'argent s'en vont ».
Intervention diplomatique du Vatican ?
Le père Paolo Dall'Oglio, un jésuite italien qui a fait de son couvent de Mar Moussa un lieu-symbole de la rencontre interreligieuse, a lui aussi fait part de ses appréhensions au Vatican Insider. Il a demandé au Vatican d'intervenir diplomatiquement. Immédiatement et au plus haut niveau. Il estimait que cette initiative devrait tenir compte des diverses sensibilités, exacerbées par la souffrance, celle des communautés chrétiennes orthodoxes byzantines qui entretiennent des rapports étroits avec le patriarcat de Moscou et qui ont donc un rôle très délicat actuellement, celles des arméniens, majoritaires parmi les chrétiens de Syrie. Le Vatican pouvait, selon lui, mettre à profit sa longue expérience de dialogue avec le monde musulman. Pour le jésuite, la guerre civile a déjà commencé en Syrie. Et il craint que les communautés chrétiennes finissent comme celles d'Irak. D'où l'urgence d'une « initiative efficace » et d'un « effort de dialogue » avec Téhéran et Moscou. Il redoute une « désagrégation du Moyen Orient » et voit bien peu de « perspectives démocratiques ».
Cette crainte des chrétiens de Syrie, en majorité des grecs-orthodoxes et des arméniens, ont effectivement une inquiétude globale pour leur avenir. C'est ce que confie à l'agence Apic, Mgr Abraham Nehmé, ancien métropolite grec-melkite catholique de Homs, Hama et Yabroud, en Syrie : « Nous nous sentons totalement abandonnés par les chrétiens d'Occident, et nous risquons de subir le sort des chrétiens d'Irak…». L'évêque craint pour l'avenir à moyen terme des chrétiens dans le pays et s'il reconnaît que « certains chrétiens en Syrie ont été ou sont encore trop proches du régime en place à Damas », il relève que les Frères musulmans, qui gagnent partout en influence grâce au "printemps arabe", « ne donnent pas l'impression de voir les chrétiens d'un bon œil ».
Pour autant, aujourd'hui il n'y a pas une répression à l'encontre des chrétiens syriens. Voire presque l'inverse. Le Nonce apostolique à Damas, Monseigneur Mario Zenari, dans une interview à Radio Vatican, vendredi dernier a affirmé que « Les chrétiens de Syrie pourraient jouer un rôle de pont entre les protagonistes du conflit, car ils sont jusqu'ici respectés ». L'ambassadeur du Saint-Siège en Syrie a ajouté que « jusqu'à aujourd'hui, les chrétiens n'ont pas été pris pour cible en tant que tels. Aucune église n'a reçu même une éraflure. Cette situation, si on compare avec d'autres pays de la région, donne un peu d'espérance ».
Christophe Lafontaine, avec agences
Mise à jour le Vendredi, 17 Février 2012 15:05-
source:
http://lpj.org/index.phpoption=com_content&view=article&id=1849%3Ala-syrie-un-an-apres-ou-en-sont-les-chretiens&catid=94%3Adecryptage&Itemid=135&lang=fr
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