2-2-2012
À New York, les Occidentaux et la Ligue arabe tentent de rallier la Russie à un front commun afin de faire plier Bachar el-Assad.
La fenêtre est plus qu'étroite mais elle existe, veut croire Alain Juppé. Mardi, le ministre des Affaires étrangères, qui s'était propulsé à New York, a dénoncé le «cauchemar syrien» dans un vibrant discours devant le Conseil de sécurité. Auparavant, il s'était réuni en «P3», avec ses homologues américain et britannique, Hillary Clinton et William Hague.
Unanimement, ces chefs de la diplomatie ont appuyé le plan de la Ligue arabe, repris dans un projet de résolution marocain qui prévoit le transfert du pouvoir de Bachar el-Assad à son vice-président et un processus de transition politique en Syrie.
Mardi, le verrou russe n'a pas cédé. Pour Vitali Tchourkine, le plan de la Ligue arabe reste «inacceptable». Mais l'ambassadeur russe à l'ONU n'a pas totalement fermé la porte. Et c'est dans cet entrebâillement que les diplomates occidentaux et arabes vont tenter de glisser le pied.
Deux points de blocage pour Moscou
Deux points, sur lesquels Moscou s'arc-boute en dépit des assurances qui lui ont été réitérées mardi, vont être sur la sellette.
Primo, la Russie, dont l'allié syrien est le principal tremplin stratégique au Proche-Orient, croit, ou feint de croire, qu'une résolution onusienne pourrait ouvrir la voie au chapitre VII, c'est-à-dire à une intervention armée. L'exemple libyen constitue pour Moscou un repoussoir d'autant plus commode que les déclarations de certains pays arabes, comme le Qatar, ont pu laisser planer le doute. Tous les efforts diplomatiques vont s'attacher à faire valoir que la Syrie n'est pas la Libye et qu'une opération militaire contre Damas serait irréaliste.
Secundo, l'autre volet crucial concerne la transition politique en Syrie. Moscou invoque son opposition à un «changement de régime» à Damas pour freiner des quatre fers une résolution à l'ONU. Il reviendra aux diplomates occidentaux et arabes de faire accepter aux Russes l'idée que le plan de la Ligue arabe n'évoque pas cette perspective, autrement que par un processus démocratique ultérieur.
Si la pédagogie peut produire ses effets, espèrent les diplomates, les rapports de force seront déterminants. Comme l'a souligné Alain Juppé mardi à New York, «on ne peut pas avoir raison contre tous». Cela vaut pour le régime de Damas comme pour la Russie. Le seul espoir de faire cesser les massacres réside dans la mise en place d'un front commun à l'ONU face à la Syrie. La voie étroite d'un ralliement de Moscou à cette coalition diplomatique passe par l'amplification de l'isolement russe.
Deux «lignes rouges» pour les Occidentaux
Dix pays membres du Conseil de sécurité (sur 15) seraient d'ores et déjà acquis au vote d'une résolution. La Chine, traditionnellement suiviste à l'égard de la Russie, est restée plutôt discrète. Aux diplomates russes, leurs homologues occidentaux et arabes font valoir qu'un soutien irréfragable à un régime syrien condamné à terme serait contraire aux intérêts de Moscou.
Certes, la «poutinisation», traduisez le raidissement, de la diplomatie russe, très sensible à l'ONU, n'incite guère à l'optimisme. Mais le pari consiste à espérer que, pour ses intérêts bien compris, et face à la menace d'une déstabilisation sanglante en Syrie, la Russie consente au moins à s'abstenir lors du vote de la résolution.
Les marges de manœuvres sont bien minces. Côté occidental, on a fixé deux «lignes rouges»: qu'une résolution préserve le plan de la Ligue arabe et qu'elle exclue toutes mesures dilatoires. Priorité à l'arrêt du bain de sang.
A New York, on estimait qu'un vote pourrait intervenir à la fin de cette semaine. Faute d'accord sur un projet de résolution, «chacun devra alors prendre ses responsabilités», a dit Alain Juppé, qui n'a pas exclu de revenir à New York.
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