Allemagne : un panorama des Églises orthodoxes et orientales
Il y aurait aujourd'hui quelque 2 millions de chrétiens appartenant à des Églises orthodoxes et autres Églises orientales en Allemagne. La plupart d'entre eux sont des immigrés ou descendants d'immigrés, amenés en Allemagne par suite de turbulences politiques ou de la recherche de nouvelles perspectives professionnelles et économiques. Les Allemands convertis à l'Église orthodoxe, par suite de mariages ou de quêtes spirituelles, ne représentent probablement que 1% de la population orthodoxe du pays. La grande majorité des orthodoxes vivant en Allemagne y sont arrivés au cours des vingt-cinq dernières années.
Sur cette composante non négligeable du nouveau paysage religieux en Allemagne, les informations sont les bienvenues pour les observateurs de la société allemande. Sans pouvoir remplacer ce que pourrait être une véritable synthèse, un nouveau volume apporte un recueil de descriptions et des éléments d'analyse. Plus de vingt auteurs ont participé à l'ouvrage collectif à l'ouvrage collectif Orthodoxie in Deutschland, sous la direction de Thomas Bremer, Assad Elias Kattan et Reinhard Thöle (Münster, Aschendorff Verlag, 2016). Le livre couvre à la fois l'histoire et des thèmes actuels transversaux ; les quatre derniers chapitres sont consacrés aux anciennes Églises orientales (préchalcédoniennes).
Comme le notent les coordinateurs du volume en introduction, les Églises orthodoxes se trouvent dans une étape particulièrement intéressante de leur histoire en Allemagne (comme dans les autres pays occidentaux) : le transfert de leurs traditions dans un autre environnement en s'efforçant de les préserver tout en répondant aux attentes des prochaines générations.
« Les identités ecclésiastiques nationales se transforment en une identité orthodoxe en Allemagne, qui en arrive même à poser la question d'une orthodoxie allemande. Un indicateur est fourni par l'approche des langues liturgiques, des langues maternelles et de la langue allemande dans le culte et dans la vie des communautés. » (p. IX)
Des princesses russes aux réfugiés syriens ou aux étudiants serbes, « l'histoire de l'Orthodoxie [en Allemagne] est une histoire de la migration dans ses différentes formes », observe le P. Constantin Miron (Cologne) (p. 204). S'il existe maintenant des communautés orthodoxes de langue allemande dans plusieurs diocèses, il reste à voir si l'on peut déjà réellement parler de communautés orthodoxes allemandes, ajoute-t-il.
L'établissement progressif des différentes juridictions orthodoxes en Allemagne
La partie historique évoque cette présence orthodoxe russe dès le XIXe siècle: c'est d'abord une présence de milieux russes nobles ou aisés, qui conduit à la création d'églises ou chapelles dans des représentations diplomatiques, dans des lieux de villégiature ou dans des palais (lors d'unions entre un souverain allemand et une princesse russe ; puis les turbulences politiques du XXe siècle conduisent à une émigration russe avec l'implantation de structures paroissiales et ecclésiales. Les circonstances politiques entraînèrent aussi des divisions au sein de l'Église russe : dans les années 1930, pas moins de quatre juridictions russes étaient en concurrence pour obtenir en Allemagne un statut de droit public (p. 24). Il fallut attendre la fin du communisme et le XXIe siècle pour voir ces divisons largement résorbées : l'Archevêque Marc, à la tête de l'Église orthodoxe russe hors-frontières (séparée du Patriarcat de Moscou) en Allemagne joua d'ailleurs un rôle crucial dans les efforts qui aboutirent en 2007 à la réconciliation entre les deux branches de l'Église russe, rappelle le P. Nikolai Artemoff.
L'église orthodoxe russe à côté du château de Bad Ems rappelle une présence orthodoxe dès le XIXe siècle, mais très différente de celle que nous observons aujourd'hui (© Zackzuchowski | Dreamstime.com).
La fin du communisme a ouvert la voie à l'arrivée d'un nombre beaucoup plus important de Russes orthodoxes : en 1988, année du millénaire du baptême de la Russie, on en dénombrait environ 10.000 sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne ; aujourd'hui, ils seraient 300.000. Le Patriarcat de Moscou a ouvert de nombreuses nouvelles paroisses au cours des dernières années : il y aurait aujourd'hui une centaine de paroisses du Patriarcat de Moscou et une cinquantaine de l'Église russe hors-frontières (l'acte d'union de 2007 ayant prévu qu'elle conserverait ses propres structures autonomes).
L'immigration serbe en Allemagne était insignifiante avant la Seconde Guerre mondiale. Mais 100.000 à 150.000 Serbes, dont 50 prêtres au moins, se retrouvèrent prisonniers de guerre en Allemagne. La plupart ne voulurent pas rentrer ensuite dans leur patrie, passée sous le joug d'un régime communiste. Dans le sillage de débuts d'organisation d'une vie religieuse dans les camps où ils avaient été détenus, de premières communautés paroissiales s'organisèrent à Munich, Osnabrück, Lingen, Hanovre et Düsseldorf, raconte le P. Radomir Kolundzic. Au début des années 1960, sept prêtres encadraient la vie religieuse de quelque 10.000 fidèles serbes en Allemagne. Par la suite, des migrants serbes en quête de travail vinrent les rejoindre : au milieu des années 1970, on comptait quelque 800.000 immigrés yougoslaves en Europe occidentale, dont 500.000 en Allemagne, et probablement la moitié de ceux-ci étaient-ils serbes (p. 46), même s'ils étaient loin d'être tous orthodoxes pratiquants. En 1969 fut érigé un diocèse serbe d'Europe occidentale, dont le siège se trouva d'abord à Londres, puis à Düsseldorf dès 1971. Avec un nombre croissant de paroisses, le diocèse fut divisé en deux en 1990, avec un nouveau diocèse pour l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse, et finalement un diocèse pour l'Allemagne seule en 2011.
Les conflits des années 1990 dans l'ex-Yougoslavie entraînèrent de nouvelles vagues migratoires (80.000 à 100.000 Serbes) et de nouvelles créations de communautés. De plus, par suite de l'éclatement du pays et de l'effondrement du système politique qui l'avait dominé, de nouvelles interrogations et aspirations spirituelles se firent jour : un nombre croissant de Serbes se tournèrent à nouveau vers l'Église orthodoxe. 42 prêtres desservent 26 paroisses serbes en Allemagne aujourd'hui, avec un nombre de fidèles estimé à 300.000 au moins.
Chez les Russes comme chez les Serbes, les immigrés politiques de la période communiste ne constituent plus qu'une petite minorité des fidèles, remarque Nikolaj Thon (p. 53).
En plus petit nombre, les orthodoxes roumains dépendirent d'abord (dès 1949) d'un diocèse d'Europe occidentale et centrale, avant l'organisation d'une Métropole pour l'Allemagne et quelques autres pays en 1993.
En 1960, un accord fut signé entre le Royaume de Grèce et la République fédérale d'Allemagne pour permettre aux travailleurs grecs l'accès à des emplois en Allemagne. Cela entraîna une rapide augmentation de la population grecque. Un diocèse orthodoxe grec d'Europe centrale fut érigé en 1963 : les orthodoxes grecs sont aujourd'hui au nombre de 400.000 en Allemagne, avec 150 lieux de culte. C'est le diocèse «le plus grand, le mieux organisé et le mieux établi» (p. 60).
Le siège du diocèse bulgare d'abord établi à Budapest déménagea à Berlin en 1994. Il existe également une Église ukrainienne à l'étranger reconnue par le Patriarcat de Constantinople depuis 1995. Quelque 13.000 immigrés géorgiens ont donné naissance à des paroisses géorgiennes, avec leur propre diocèse d'Allemagne et d'Autriche depuis 2014. Il faut encore y ajouter les orthodoxes arabophones dépendant du Patriarcat d'Antioche : la fuite de chrétiens de Syrie est récemment venue étoffer leurs rangs, et ils rassemblent maintenant quelque 15.000 fidèles.
L'organisation de la vie orthodoxe en Allemagne
Dix diocèses orthodoxes existent aujourd'hui sur territoire allemand, en parallèle, puisqu'ils relèvent chacun d'une Église dont le siège se trouve dans un pays de tradition orthodoxe. Cependant, des structures se mettent en place en vue de permettre une coopération.
Une Commission des Églises orthodoxes (puis : de l'Église orthodoxe en Allemagne vit le jour en 1994 et pava la voie à la Conférence des évêques orthodoxes, mise sur pied en 2010. Chaque évêque orthodoxe conserve cependant sa liberté d'action, répondant à son Église mère autocéphale.
Lors d'une célébration liturgique en 2007 à Cologne, six évêques orthodoxes, entourés du clergé (source: Paroisse orthodoxe serbe de Cologne).
Dans la pratique, bien des prêtres orthodoxes liés à une Église nationale se trouvent amenés à offrir des services pastoraux également à des orthodoxes d'autres origines. Les rencontres interorthodoxes représentent une réalité au quotidien dans bien des paroisses, ou entre paroisses — parfois, d'ailleurs, comme conséquence de la participation aux dialogues œcuméniques, remarque le P. Constantin Miron (p. 206). Dans plus d'un lieu, des conférences pastorales rassemblant les prêtres orthodoxes de plusieurs juridictions ont vu le jour, permettant également une représentation commune face aux partenaires civils et religieux.
Parmi les questions importantes se trouve celle de la traduction des textes liturgiques en des langues occidentales. Le P. Peter Sonntag note que cela est devenu un objet de controverses, et que les expressions de scepticisme face à ces traductions s'expriment tant dans les pays orthodoxes (face aux traductions en langue moderne) que dans les pays occidentaux. Même si les premiers efforts de traduction en allemand remontent au XIXe siècle,ce n'est que tardivement que le caractère souhaitable d'un effort commun en vue de traductions en langue allemande s'est affirmé (p. 88). Sous l'égide de la Conférence des évêques, une commission pour la traduction de la Divine Liturgie et des sacrements s'est mise au travail en 2010 (p. 98).
Il est vrai que les écueils à éviter ne manquent pas : d'un côté le risque de traductions si proches de la langue courante qu'elles en perdraient leur caractère sacré, artistique, poétique ; d'autre part, le danger d'un style si proche de la syntaxe de la langue d'origine qu'elle en deviendrait pratiquement incompréhensible à l'audition (p. 89). Une traduction « philologiquement et sémantiquement juste » n'est pas encore une prière... (p. 92)
Le P. Peter Sontag remarque qu'un effort de traduction aujourd'hui soulève inévitablement aussi des questions de fond, par rapport aux sensibilités contemporaines sur certains sujets ( par exemple le « langage inclusif ») ou en lien avec le dialogue œcuménique (stigmatisation de certains « hérétiques » vénérés par les Églises préchalcédoniennes, variations de traduction du Notre Père) (pp. 98-99).
En ce qui concerne l'enseignement religieux orthodoxe dans les écoles publiques, celui-ci existe depuis 1956 en Bavière (pour les élèves russes orthodoxes), depuis 1985/86 en Rhénanie du Nord-Wetsphalie (pour les élèves grecs orthodoxes, mais conçu comme s'adressant en fait à tous les élèves de confession orthodoxe indépendamment de leur origine nationale). Cet enseignement existe aujourd'hui en Bavière, en Rhénanie du Nord-Westphalie, en Hesse, en Basse-Saxe et (depuis l'année scolaire 2016/17) en Bade-Wurtemberg. Les partenaires des communautés orthodoxes sont les ministères compétents de chaque Land. Une seule formation spécifique existe pour les catéchètes orthodoxes, depuis 2011, à l'Université de Munich. Il existe peu de matériaux de catéchèse orthodoxe en langue allemande adaptés pour un usage scolaire, mais l'élaboration de tels outils pédagogiques a commencé.
Comme l'explique Kerstin Keller (coordinatrice de l'enseignement religieux orthodoxe en Rhénanie du Nord-Westphalie), cet enseignement s'adresse à des enfants issus de différents groupes de migrants. « Le macrocosme de l'Orthodoxie universelle se reflète ainsi dans le microcosme de la salle de classe » et l'enseignement doit transmettre la notion qu'il y a une foi orthodoxe et une Église orthodoxe qui se manifeste dans la diversité des expressions nationales (pp. 108-109). Leur socialisation religieuse (familiale, communautaire) s'effectue le plus souvent dans la langue du pays d'origine, tandis que l'enseignement se fait en allemand.
Dans le cadre universitaire, Athanasios Vletsis (professeur de théologie orthodoxe à l'Université de Munich) rappelle que la première chaire de théologie orthodoxe en Allemagne fut celle occupée par le professeur Anatasios Kallis à Münster, de 1979 à sa retraite en 1999, puis depuis 2005 par le professeur Assaad Elias Kattan.. Comme celle de Münster, la chaire de Munich vit le jour dans le contexte d'une faculté de théologie catholique. Cet Institut de théologie orthodoxe a compté quatre professeurs, puis trois par suite de mesures d'économie, dont l'enseignement est complété par différents chargés de cours, afin d'offrir une formation académique complète en théologie orthodoxe, couronnée par un diplôme. Il existe également un enseignement sur le christianisme orthodoxe dans le cadre de la science des religions à l'Université d'Erfurt (professeur Vasilios Makrides).
Quant aux efforts œcuméniques entre Églises historiques en Allemagne et partenaires orthodoxes, ils commencèrent dans les années 1960 et 1970, avec la croissance de la présence orthodoxe et le sentiment que celle-ci serait plus qu'une manifestation passagère. Cela inclut à la fois les contacts bilatéraux entre orthodoxes et catholiques ou protestant, et la participation à la communauté de travail des Églises chrétiennes en Allemagne (ACK). Différents diocèses orthodoxes sont également représentés dans des groupes de travail à l'échelle de Länder : dans ces cas, la liste établie par Marina Kiroudi montre que ce sont les diocèses particuliers qui sont représentés, et non des structures interorthodoxes (pp. 123-124).
Ces échanges œcuméniques portent aussi sur des aspects pratiques : par exemple les cadres régissant les mariages entre conjoints de confessions différents, avec des documents pastoraux à ce sujet publiés tant en coopération avec les catholiques (1993) qu'avec les protestants (pp. 117-118).
Il importe de souligner un autre aspect des relations entre immigrés orthodoxes et les Églises majoritaires en Allemagne : l'hospitalité accordée aux orthodoxes dans des lieux de culte et autres locaux protestants ou catholiques, courante jusqu'à la fin des années 1990, remarque le théologien protestant Martin Illert (Hanovre). Cela rappelle que les décennies immédiatement postérieures à la 2e guerre mondiale furent placées sous le signe de l'aide et du soutien aux migrants orthodoxes, souvent déplacés par la tourmente de la guerre et ses conséquences politiques. Mais depuis la fin des années 1990, alors que la population orthodoxe augmente tandis que le nombre des pratiquants catholiques et protestants diminue en Allemagne, ce n'est plus simplement la mise à disposition d'espaces pour le culte orthodoxe qui est proposée, mais de plus en plus la cession de lieux de culte reconvertis en églises orthodoxes. Les réseaux œcuméniques ont joué ici un rôle important (pp. 182-183).
Un chapitre porte sur les médias orthodoxes en Allemagne (Nikolaj Thon). À ce propos, on découvre aussi des remarques inattendues dans l'article du P. Georgios Basoudis (Mannheim) sur l'intégration des Églises orthodoxes en Allemagne, qui évoque « Internet comme facteur d'intégration » (pp. 176-177). Selon lui, pour une Église qui ne dispose pas de solides structures administratives en Allemagne et dans laquelle beaucoup de responsabilités reposent finalement sur les épaules du prêtre, le travail serait beaucoup plus difficile à réaliser sans l'existence d'Internet : les réseaux sociaux virtuels permettent une rapide circulation de l'information ainsi qu'une communication. Internet contribuerait ainsi notablement à renforcer la perception de la présence des communautés orthodoxes en Allemagne.
L'église orthodoxe russe de Wiesbaden (Miss Passion Photography).
D'autres Églises d'origine orientale en Allemagne
Outre des chapitres sur quelques autres sujets particuliers, la dernière et plus courte partie du volume s'intéresse aux Églises orientales non byzantines (et pas en communion avec ces dernières), également présentes en Allemagne.
Un court chapitre (3 pages) du P. Youkhana Patros, qui dessert une paroisse de cette Église à Essen, résume la situation de l'Église assyrienne d'Orient. Ses premiers fidèles seraient arrivés vers 1970. Ils seraient aujourd'hui 5.000 à 7.000 en Allemagne, avec cinq communautés (mais chacune comprend également plusieurs lieux de culte secondaires). L'évêque responsable de l'Europe occidentale réside à Stockholm, qui est un pôle pour la migration assyrienne en Europe. Les quatre prêtres présents en Allemagne sont originaires d'Irak. Deux ont étudié à Rome, ce qui reflète les bonnes relations développées entre cette Église et l'Église catholique romaine. L'accueil assuré par les communautés chrétiennes allemandes est vital pour cette Église, qui n'est propriétaire que d'un seul lieu de culte en Allemagne.
Les coptes comptent pour leur part 12.000 fidèles en Allemagne, rapportent Fouad et Barbara Ibrahim. Les premiers étaient arrivés dès les années 1950, sans véritable vie communautaire ou lieu de culte, avec des rencontres sporadiques dans un cadre privé. Aujourd'hui, l'Église copte compte en Allemagne deux évêques, deux monastères qui attirent des fidèles venus parfois de loin, et même un institut de formation théologique. Plus de la moitié des coptes résidant en Allemagne ont acquis la nationalité de ce pays (p. 231).
Quant aux chrétiens syriaques venus du Tur Abdin, dans l'Est de la Turquie, ils seraient aujourd'hui 80.000 en Allemagne, explique Simon Birol (Université de Bochum). Si les premiers arrivèrent dès les années 1960, ils rentraient au pays pour les grandes fêtes religieuses et fréquentaient des paroisses d'autres confessions chrétiennes durant le reste de l'année. Un premier prêtre fut ordonné pour desservir les fidèles en Allemagne en 1971. Comme pour toutes les autres communautés évoquées dans ce livre, le prêt de lieux de culte catholiques ou protestants pour permettre la célébration des services religieux syriaques a été important. Un monastère a ouvert ses portes à la frontière germano-néerlandaise, à côté duquel se trouve le seul cimetière orthodoxe syriaque en Europe (pp. 242-243). Un autre monastère a été fondé en Allemagne, à Warburg, dans les locaux d'un ancien couvent dominicain. Consacré en 2012, l'évêque qui y réside aujourd'hui et porte la responsabilité du diocèse d'Allemagne est le premier évêque orthodoxe syriaque né dans la diaspora. L'instruction religieuse pour les orthodoxes syriaques a été instituée dans cinq Länder, même si la formation d'enseignants pose des défis (p. 248).
Quant aux Arméniens, leur présence en Allemagne est plus ancienne, rappelle Harutyun Harutyunyan. De 1925 à 1945, un premier prêtre arménien exerça son ministère au service des fidèles de la région de Berlin, puis de Stuttgart jusqu'en 1952. Plusieurs années s'écoulèrent ensuite sans présence permanente de prêtres arméniens en Allemagne. Une organisation de la vie religieuse commença à se mettre en place à partir du milieu des années 1960 et dans les années 1970, accompagnant une croissance progressive de la population arménienne, qui s'élevait déjà à 20.000 au début des années 1990. Aujourd'hui, l'Église arménienne compte en Allemagne 15 paroisses (dont trois seulement possèdent leur lieu de culte), avec 2.300 fidèles actifs. Mais le manque de prêtres est aigu : il n'y en a que 5 pour toute l'Allemagne, ce qui les contraint à de constants déplacements.
Des communautés en transition
Par l'importance des communautés et leur variété, l'Allemagne représente un champ d'observation révélateur des évolutions de la présence orthodoxe en Europe occidentale. Il souligne une fois de plus – si l'on considère notamment l'importance de ces populations et leur évolution rapide — le besoin de développer plus de recherches sur ces communautés religieuses dans les pays de l'Europe occidentale, et également des recherches sous l'angle des sciences sociales des religions : la plupart des contributions contenues dans ce volume viennent plutôt d'auteurs ayant une formation théologique.
L'église de la paroisse orthodoxe russe hors-frontières de Francfort-sur-le-Main (© 2014 J.-F. Mayer).
Ce résumé d'un livre contenant de nombreuses informations ne permettait pas d'entrer dans les détails : dans certaines communautés, l'adaptation à un nouvel environnement s'est aussi accompagnée de tiraillements ou controverses internes, qu'évoquent certains chapitres. Ainsi, la communauté arménienne connaît des tensions par suite de la décision d'imposer des tarifs fixes pour différentes cérémonies (mariages, funérailles, etc.) aux personnes qui ne sont pas des membres cotisants d'une paroisse (ces derniers bénéficiant de la gratuité) (p. 267). Cet exemple très concret illustre les aménagements qu'entraîne l'organisation de la vie religieuse dans un nouvel environnement.
Même si le contenu des chapitres varie beaucoup, ils montrent tous des communautés fortement marquées par des vagues d'immigration récentes, et donc encore en voie d'organisation durable. Les structures déjà mises en place sont un début : elles répondent tant aux besoins des communautés qu'aux attentes de la société allemande. Elles ne représentent sans doute pas encore le stade définitif. Le cadre allemand offre des conditions favorables à certains égards : les Églises historiques, solidement établies, se montrent accueillantes envers ces communautés chrétiennes migrantes ; le cadre scolaire allemand ouvre des possibilités de catéchisme dans le cadre scolaire. Il sera intéressant de voir comment les différents groupes chrétiens orthodoxes et orientaux trouveront, dans les décennies à venir, l'équilibre entre la préservation de leur héritage et l'insertion dans le contexte allemand.
Jean-François Mayer
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